𝟸𝟸 - 𝙴𝚗𝚝𝚛𝚎 𝚟𝚒𝚍𝚎𝚜 𝚎𝚝 𝚋𝚊𝚕𝚕𝚎𝚜

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Titàn.

— Pas de mouvement autour de la zone.

Jude murmure et me tend la paire de jumelles longue portée pour que je voie par moi-même. Je les braque sur l'habitation où nous a envoyés Naya. Effectivement, tout est calme, c'est à peine si les feuilles des deux grands chênes qui l'encadrent bougent malgré le courant d'air qui se lève. Un point lumineux confirme une présence à l'intérieur, ainsi qu'une bagnole et une bécane garées à une vingtaine de pas de la porte d'entrée principale. Il nous reste moins de cinq cents mètres à parcourir et mes gars couvrent l'espace en se déplaçant telle une milice bien huilée dans les hautes herbes qui nous dissimulent, jusqu'à ce que nous encerclions totalement la ferme, dans quelques minutes.

On va prendre le gars par surprise, comme ses deux potes plus tôt. Lui, et celui ou ceux qui lui tiennent compagnie là-dedans. D'après les infos qu'on a eues, le propriétaire, petit-neveu de l'ancien exploitant, aurait reloué le domaine à un particulier il y a quatre mois, mais ce ne serait réellement occupé que depuis quatre à six semaines, tout au plus. Le nom sur le bail est faux, évidemment. Dax se charge d'essayer de pister les paiements faits par virements bancaires. Rien que ça, c'est de l'amateurisme ! Filer une fausse identité mais laisser la possibilité de remonter jusqu'à l'émetteur des loyers ?

C'est pas dans le cadre.

Je lui lance un regard d'approbation et tout commence. Chacun sait déjà ce qu'il a à faire, mais mieux vaut que l'on soit tous sur la même longueur d'ondes : on le veut vivant et s'il y a une ou des femmes, on les écarte sans heurt. On avisera plus tard le cas échéant.

Trois de mes hommes se détachent déjà de notre arc de cercle pour aller couvrir les deux granges sous la citerne bleue phosphorescente, visible à trois kilomètres à la ronde.

C'est quoi ce concept de non-discrétion ?

Plus nous nous rapprochons, plus je me pose de questions sur ce choix d'emplacement tout sauf stratégique. L'impression que les Red sont organisés en apparences mais peut-être pas tant que la sous la surface fait un circuit cohérent dans mon crâne. Pourtant, ce n'est pas logique. Ils ont réussi à kidnapper plusieurs des nôtres, et deux sont aujourd'hui dans un cimetière. Leurs têtes du moins, entre quatre planches de bois vernis. Quant aux autres, je préfère me dire qu'ils sont toujours en vie, même si ça signifie que ces enfoirés les font bosser comme des esclaves dans un atelier de confection de drogue.

C'est en tout cas ce qu'ils nous ont dit il y a des semaines, quand les deux premiers DEL ont disparu, après qu'on ait mis un beau stop sanglant à un de leurs escadrons. Vraisemblablement, en plus de réaliser l'exploit de ravir six des membres de mon MC comme on cueille un coquelicot en bordure de route, ils avaient besoin de plus de main d'œuvre gratuite pour leurs merdes.

Mais c'est qui « ils » ?

Mis bout à bout, tout ce qu'on sait d'eux est décousu, absurde et devient incohérent. Comment ont-ils pu faire ça si proprement, sous nos nez, mais être si peu prudents à propos des infos et adresses qu'ils laissent traîner aux oreilles de leurs « prospects », recrutés sur CV judiciaires ?

Et quels CV ! Avec les papiers d'identité qu'on a trouvés chez l'autre bavard tout à l'heure - qui même sans tutoyer la mort n'aurait plus pu parler de sa minable vie après que D. lui a retiré la langue d'un coup de lame chirurgicale- Naya a pu faire une petite recherche et avoir accès à leurs casiers.

Ils n'étaient pas des criminels de guerre mais avaient quand même à leur actif une liste longue comme mon bras de méfaits en tout genre : vols la tire, agressions diverses, braquages à main armée dans des petits commerces, recels d'objets volés, possession et revente de stupéfiants. De vrais touche-à-tout !

SAUVAGES (retrait en avril 2024)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant