𝟹𝟻 - 𝚂𝚞𝚗𝚜𝚑𝚒𝚗𝚎 𝚠𝚊𝚕𝚔𝚜 𝚒𝚗 𝚍𝚊𝚛𝚔𝚗𝚎𝚜𝚜.

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𝐑𝐨𝐬𝐞

Les doigts de Titàn enlacés aux miens, ses lèvres sur mes cheveux, je flotte dans un nuage de bien-être malgré la fatigue qui alourdit peu à peu mes paupières. Ce n'est toujours pas l'apesanteur synonyme d'une paix intérieure durablement retrouvée, mais c'est un sentiment dont j'ai bien l'intention de profiter avant qu'il ne s'évade par une de mes fissures que rien n'a encore pu suturer. Je me gorge de son odeur si familière, de sa chaleur qu'il partage sans rien demander en retour, de sa douceur qui me surprend encore. De cette proximité en laquelle je ne croyais plus il y a deux jours à peine.

Mais il est là et ça, c'est bien la preuve que tout peut arriver.

Que l'espoir peut naître dans les cendres d'un cœur immolé.

Le regard rivé aux lumières qui défilent derrière la vitre, mes pensées virevoltant dans une dérive agréable, je ne réalise qu'il y a un problème d'itinéraire que lorsque la pyramide du Louvre se dresse à quelques mètres de nous, sur ma droite. Elle est toujours aussi majestueuse, époustouflante de jour comme de nuit. Probablement un peu plus de nuit, d'ailleurs. Mais à cet instant, le monument de verre et d'acier signifie surtout que depuis près de cinq minutes qu'il nous a pris en charge, le taxi n'a fait que tourner-virer dans le 1er arrondissement. On ne doit pas être à plus de cinq cents mètres du quai où est amarré Le Saint Honoré...

Tournée vers la rue, je tique sur ce trajet plus long que nécessaire puis me repositionne dans mon siège pour m'adresser au chauffeur, concentré sur la circulation. Titàn s'est chargé de tout, y compris de la réservation du taxi. Si mon ténébreux n'a pas l'air à une dizaine d'euros près, moi, j'aimerais éviter qu'on nous balade – au sens littéral et figuré –, pour allonger le prix de la course, l'air de rien.

Sorry, mais la petite assistante véto ne sait pas roucouler...

— J'ai rendez-vous avec mon lit, alors si vous pouviez m'y conduire sans plus faire de détours inutiles, ce serait très apprécié.

Dans son rétroviseur intérieur, l'homme aux yeux d'un bleu presque translucide me fixe, surpris que je ne m'adresse pas à lui en anglais, comme lorsque Titàn et moi l'avons salué tout à l'heure.

— Oh, vous êtes française ! s'étonne-t-il avec son fort accent scandinave.

— Et crevée, opiné-je avec un brin d'agacement dans la voix. Je connais la capitale, pas la peine de me faire visiter.

Évidemment, le sous-entendu n'a rien de subliminal et est parfaitement arrivé à destination, lui. Pourtant, toujours aucune excuse ne passe la barrière des lèvres charnues du grand blond. À la place, il jette un coup d'œil furtif vers mon colosse, étrangement muet.

Ok Tarzan ne comprend rien, mais pourquoi il ne demande pas ce qu'il se passe ?

Je prend le silence du conducteur zélé pour une crainte justifiée que le titan tatoué aux doigts bagués ne soit pris d'une envie folle de faire de lui son digestif, en découvrant qu'il nous a inutilement promenés. Je profite d'un feu rouge pour me pencher un peu plus en avant et chuchoter :

— Je ne lui dirai rien mais plus de détour, deal ?

Tu as déjà été meilleure négociatrice, Sawyer ! me moqué-je mentalement de moi-même.

Toujours aucune réaction, si ce n'est un infime rictus intraduisible qui vient étirer le coin de sa bouche avant de s'effacer aussi sec. C'est là que je le vois : l'écran XL de son tableau de bord, la carte du quartier mais aucun système de guidage activé.

Et Titàn qui n'a jamais été aussi silencieux depuis sa naissance...

— Pourquoi vous passez par là ? réitèré-je quand il bifurque à droite, sur la longue ligne droite qu'est la rue de Rivoli.

SAUVAGESWhere stories live. Discover now