𝟷𝟽 - 𝙻'𝚊𝚞𝚋𝚎. 𝙿𝚊𝚛𝚝𝚒𝚎 𝙸𝙸.

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𝐑𝐨𝐬𝐞.

Clair, net, précis. Tir ciblé, comme ils disent.

Dans d'autres circonstances, cette phrase pourrait être anodine. Mais cet homme ne dit rien pour rien ; et il n'a rien de banal. Il est tout le contraire donc, je devrais saisir quelque chose, je le sens, mais un blocus s'opère en moi.

J'avoue avoir un peu de mal à réfléchir, là, tout de suite. Une partie de mon cerveau veut se mettre en veille, se rendormir, et l'autre ne comprend pas le rapport, sans mauvais jeu de mot, là encore. Je sais qu'ils aiment vivre en autarcie ici, mais je suis à peu près sûre qu'ils ont un jour où l'autre eu des cours d'éducation sexuelle. J'ai même la première fois qu'on a couché ensemble fait la remarque à l'aventurier gourmand qui partait en expédition entre mes jambes sans protection à ce sujet, et il a été très clair sur son inclinaison à utiliser des préservatifs, à ne pas prendre de risques inutiles qui pourraient lui pourrir la vie. Donc, il sait à quoi servent les capotes, et pas uniquement à dresser un mur contre les MST et IST. N'y tenant plus, je me jette à l'eau dans l'océan de mes incompréhensions :

— Les capotes, noires ou pas, sont un moyen de contraception reconnu.

— Mais elles ne sont pas sûres à cent pour cent, rétorque-t-il immédiatement.

— Rien ne l'est en dehors de l'abstinence quand on voue un culte à la prudence, mais pour ce que j'en sais, c'est bien un truc que tu ne pratiques p...

Je n'ai pas à terminer ma phrase que je le sens se retourner prestement à côté de moi. Le matelas qui semble épais s'enfonce un peu plus sous son poids. Je tourne le visage et épingle ses billes noires et profondes qui me transpercent dans une myriade de sensations plus étranges et contradictoires les unes que les autres. Mon souffle s'emballe et pour combattre ma nervosité qui va bientôt tutoyer le ciel, je reprends mon fil conducteur :

— Tu as le droit de vouloir être le dernier de ton espèce, Tarzan, y'a pas de problème avec ça même si entre nous, je trouve ça un peu dommage, énoncé-je sur le ton de la confidence en tapotant doucement son plexus. Mais ça te regarde et tu fais ce que tu veux de ton patrimoine génétique, avoir un enfant doit être un choix réfléchi, pas un acte dicté uniquement par la société qui dit qu'il faut en avoir et nous reproduire quoi qu'il nous en coûte.

— Le monde est dur, Rose.

— Je sais ! Qu'est-ce que tu crois ? levé-je la voix offusquée. Mes parents ont été assassinés, j'te rappelle !

Il saisit sa maladresse et vient caresser ma joue.

— Désolé, Rose, j'ai pas l'habitude de ce genre de discussions, je dois l'avouer. Mon truc c'est l'action, les prises de décision, l'adrénaline. Le Clan. Toi, tu arrives avec tes valises et ta trottinette électrique au milieu de mon désert et des bécanes et tu fous le bordel dans mon monde bien rangé.

— Tu appelles ça un monde bien rangé ? répliqué-je bouche bée. Avec des armes, des voitures-tank, des motos de l'Enfer dirigées par un Lucifer-Hercule-Popeye-Tarzan-Terminator plus cuirassé que le FBI et le MI-6 réunis ? Sérieusement ?

— Ouais, Tigresse, mais c'est mon monde rangé à moi, avec ses règles, règles que tu as du mal à accepter.

Il dit cela posément et solennellement.

— C'est faux ! Je me suis fait petite la première fois après que tu m'as ouvert le bras, et c'est vous qui êtes venue me chercher pour vous rafistoler, je te signale ! Et en pleine nuit ! Je ne suis pas responsable de l'incendie et...

— Mais tu as foncé dans les flammes bordel ! se redresse-t-il indigné en se tirant sur les cheveux. Bordel Rose ! Tu étais là-dedans, tu n'as rien dit à personne, je ne savais même pas que tu étais de retour !

SAUVAGESWhere stories live. Discover now