𝟺𝟼 - 𝙿𝚊𝚛𝚎𝚗𝚝𝚑𝚎̀𝚜𝚎. ♥

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𝐑𝐨𝐬𝐞.

Sous le jet chaud de ma douche, mes yeux s'ouvrent et se referment depuis plusieurs minutes. Ma vue brouillée mais mes souvenirs parfaitement clairs de la nuit passée prenant toute la place dans ma tête, je laisse aussi les vapeurs savonneuses infiltrer mes poumons. Je suis là, enveloppée de buée et pourtant, je sens encore la caresse rêche des draps froids sur ma peau au réveil, quand la réalité des dernières heures ne me paraissait pouvoir être qu'un songe, une hallucination.

Mon éponge trace sur mon ventre et mes bras de larges figures mais l'eau chasse aussitôt les sillons de mousse blanche. Ce que rien ne peut effacer en dehors du temps qui fera son œuvre, ce sont les marques qui zèbrent mon épiderme ici et là, celles que des doigts habiles m'ont encore tatouées pendant des étreintes nocturnes très enflammées. Une visite inattendue dont l'empreinte est visible à l'œil nu.

Et invisible, aussi.

Emmitouflée dans le peignoir rose brodé au nom de ma mère, le gel douche que Titàn a oublié dans ma niche carrelée en main -preuve de plus que je ne suis pas encore bonne à enfermer- j'ouvre la petite fenêtre et accueille sur mon visage l'air parisien encore frais de ce début de journée. D'ici à la fin de la matinée, la chaleur et la moiteur de début juillet auront repris leurs droits, mais rien de plus aride que ce j'ai connu dans le Colorado. La canicule n'est pas la même à l'ombre de la Tour Eiffel que sur le sol ocre et caillouteux où poussent cactus et bikers ténébreux.

Un gros rocher.

En séchant sommairement mes cheveux à l'aide de ma fidèle serviette en microfibre, la tête en bas mais l'esprit toujours bien coincé dans les nuages, je me fais la réflexion que même la brise ne peut rien contre son odeur musquée et si masculine qui flotte encore ici -et partout. Comme s'il n'était pas parti, pas encore en route vers son désert, son Clan ; ses responsabilités de meneur. Sa vraie vie, loin de notre parenthèse irréelle et de ce coffre-fort scellé que sont les murs de mon appartement.

Ou plutôt dans les airs après m'avoir fait visiter le septième ciel. Plusieurs fois.

Dans mon petit dressing, je saisis la première robe légère que ma main repère au toucher, l'autre occupée à répondre à des messages d'Iris. Je ne prends mon service qu'à onze heures trente, mais elle a besoin que je passe lui récupérer des fraises Carpentras que le maraîcher n'a pas pu lui livrer, faute de « panne de fourgonnette aujourd'hui ».

Des fraises au petit-déjeuner ? C'est mieux qu'un ventre vide, de nourrir et de... reprends-toi Rose !

Ce n'est pas avec ce que je n'ai pas dans les placards que je vais me nourrir.

Mon linge de lit enroulé sous le bras ancrant de nouveau son parfum dans mes pores, c'est maintenant à Winny que je réponds en passant dans le couloir, mue d'une lenteur qui défie le rythme du temps lui-même. Elle se plaint encore et toujours de l'attitude autoritaire et oppressante de Deacon envers elle, et il semblerait que ce soit pire depuis qu'il est bien remis sur pied, et malgré que le problème des Némésis des Lakiens soit à priori du passé. Archivé.

C'est peut-être plus que son anniversaire, que le titan est venu fêter. Une victoire qui ne lui a – heureusement – laissé aucune trace, cette fois ?

Investie dans ma conversation sur deux fuseaux horaires, parfaite occasion pour moi de ne pas réfléchir à ce que j'ai vécu ces dernières vingt-quatre heures, je suis comme hermétique au vide extérieur censé habiter mon logement. Mais lorsque j'arrive dans ma cuisine, mes oreilles captent soudain un bruit étrange et inhabituel faisant se figer tous mes muscles sans exception. Mes poumons se tétanisent tandis que la peur m'envahit. Une respiration. Forte. Quelque part. Une présence.

SAUVAGESWhere stories live. Discover now