𝟸𝟹 - 𝚃𝚘𝚞𝚝𝚎𝚜 𝚕𝚎𝚜 𝚛𝚊𝚒𝚜𝚘𝚗𝚜.

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𝐓𝐢𝐭𝐚̀𝐧.

Dans ma vie, j'ai vécu plusieurs crashs auto et moto, bouffé de l'asphalte, balancé des poings dans des bagarres d'anthologie, pratiqué le free fight pour me vider la tête et peaufiner mon crochet, été impliqué dans des fusillades entre gangs et pris part à des négociations pour assurer l'avenir de mon Clan. Même avant d'être prospect, je faisais partie de ceux qu'on respecte. J'ai gagné mes galons comme tout le monde dans le MC, peut-être même brossé plus de chiottes que n'importe qui, mais je suis né avec un truc en plus, à Canyon Lake Valley. Mon nom, ma lignée. Un avenir esquissé bien avant ma naissance. Mes parents ne m'ont obligé à rien mais je voulais tout : prendre la relève, être celui qui dirige, tape du marteau à la messe et décide qui fait quoi, quand, où et comment. Cette vie m'a choisie par hérédité, je l'ai acceptée à bras ouverts, quelles que soient les emmerdes à dégommer et les concessions à faire.

J'avais déjà sacrément de quoi m'occuper.

Je n'ai jamais prétendu avoir la science infuse, mais j'ai baigné dans mon monde depuis mon premier cri, été élevé aux doctrines qui sont nos lois, tout assimilé. Ici, j'ai grandi en sachant ce que je voulais, douté avant de prendre une décision pour ne pas me tromper, passé des nuits blanches à échafauder des plans d'actions bien ficelés, mais jamais encore je n'avais été confronté à un tel problème inextricable. Elle.

Les Red Roads étaient une putain d'écharde morbide dans les deux pieds ; à côté d'eux, Rose Sawyer est toute une forêt à traverser en pleine nuit et sans lumière, les chaussures remplies de verre pilé et les yeux bandés. Avec ces salopards de Red, au moins, je savais qu'il y avait forcément une issue, une clé pour résoudre l'énigme et nous mener vers un meilleur lendemain. Qu'un jour au l'autre, on finirait par crier victoire.

Bon, je ne savais pas que la clé était sous mon nez, mais passons.

Avec ma tigresse, plus j'avance et plus je fais des bonds en arrière, du genre qu'on ne voit que dans les films de science-fiction. Dans ma tête les choses sont simples à évoquer mais lorsque ma bouche s'en mêle, ça vire au bordel, à la bataille à balles réelles. Rose ne m'aide pas, en plus. Elle surinterprète tout. Enfin je crois qu'elle le fait, parce que je ne suis plus sûr de rien si ce n'est que c'est l'impasse pour le moment. Je sais comment elle est, elle m'a déjà fait le coup deux fois : quand elle m'en veut elle se braque et je dois ramer pour réussir à arranger les choses.

Déjà la première fois, lorsque sans le faire exprès au Black Diamond Bar, j'avais fait sauté ses points de suture et que je me suis pointé à la Pension pour m'excuser, j'avais bien vu qu'elle ne comptait pas me laisser m'en sortir comme ça. Puis après l'incendie, il a fallu que je l'emmène entre les murs de ma maison-grotte, comme elle dit, pour avoir une vraie discussion avec elle. Sans l'alcool qu'elle avait bu ce soir-là et son pétage de plombs dans cette putain de chambre privée, je serais certainement encore en train de pédaler dans ma semoule.

Les gars ont raison, j'ai trop attendu. Comme un con, je me suis raccroché à mes dénis et voilà où ça nous a menés. Je savais qu'elle allait me haïr pour ne pas l'avoir protégée de Danny et des Red, mais la pratique est bien plus douloureuse que toutes mes théories réunies. À présent que je l'ai de nouveau blessée avec mes explications, le canyon entre nous est pire que jamais.

Bordel de merde !

J'ai beau rejouer encore et encore la scène de tout à l'heure, je ne sais pas comment les choses ont dérapé si vite. Ces deux minutes qu'elle m'accordait devaient me permettre de creuser le trou pour planter un drapeau blanc. À la place, j'ai enterré une grenade dégoupillée qui m'a explosé à la tronche. Comme d'habitude... Ses grands yeux pleins de tristesse m'ont littéralement fendu l'âme en deux, et que dire de la colère qui s'est emparée d'elle ensuite ?

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