𝟽 - 𝚂𝚎 𝚏𝚘𝚗𝚍𝚛𝚎 𝚍𝚊𝚗𝚜 𝚕𝚊 𝚖𝚊𝚜𝚜𝚎.

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Rose.

     Je m'enroule dans mon peignoir avec l'envie de retourner sous les jets d'eau chaude poussés à pleine puissance. C'est la seule chose qui me fasse vraiment du bien et détende mon corps passé au rouleau compresseur.

     Le premier réveil a été un calvaire. Mes membres étaient aussi durs que du ciment séché. Ma tête abritait gracieusement un concert de marteaux-piqueurs, instruments de musique d'un chanteur de métal que j'aurais aimé étrangler.

     Eminem¹ aurait été mieux accueilli.

     Au-delà des séquelles de l'accident, j'ai surtout subi le contre-coup de tout. Mon intention de rester au calme s'est muée en nécessité, vu mon impossibilité de faire autre chose que de me rendre de mon lit aux toilettes. Et vice-versa.

      Voilà des mois que je n'étais pas restée ainsi, à n'absolument rien faire. Ma précieuse liseuse customisée entre les mains, je l'ai laissée me tenir compagnie jusqu'à ce que mes yeux se referment d'eux-mêmes. Tel un doudou. Bercée par les mots de l'auteur dont je lisais le deuxième tome d'une histoire que j'avais crue légère à la couverture, mais qui m'a fait voyager par des maelström d'émotions qui m'ont permis de m'évader tant j'ai été entraînée par sa plume, je ne me suis pas sentie partir. Le marchand de sable est passé, et il m'a offert des rêves.

     C'était donc ça, le secret ? Me plonger dans autre chose que les phrases couchées sur mon cahier?

     J'ai rêvé. Rêvé vraiment. Et même si je me suis difficilement éveillée en pleurant, avoir l'espoir que mon songe soit réalité, et mon quotidien le cauchemar, j'ai apprécié le cadeau de Morphée : un sommeil réparateur, autant que faire se peut, et bienfaiteur.

     Séchée de la tête aux pieds, j'enfile à la va-vite mes sous-vêtements en microfibre pour le confort, un petit short en jean blanc élimé, ma chemise Navy vert d'eau dont j'enroule les manches, puis mes tennis en toile assorties à mon bas. La canicule, qui pénètre par les deux hautes fenêtres ouvertes me suggère que le pantalon n'est pas de rigueur aujourd'hui. Et mon projet du jour contre-indique la petite robe d'été. Ce sera donc le look «aventurière bohème» pour me fondre dans la masse. Si masse il y a, dehors.

     J'attrape une ceinture en cuir chocolat dans mon armoire, remplis mon sac bandoulière de mon «matériel de survie» : stick de déodorant, trousse médicale, papiers, porte-monnaie. Et mon calepin qui lui ne me quitte jamais.

     Les indices de mon passage dans la douche effacés et mes produits bien rangés dans leur pochette en toile, je m'attèle au ravalement de façade compliqué, puisque je ne peux pas compter sur huit couches de fond de teint à cause de la fournaise qui m'attend. Ce sont donc ma lotion solaire, puis ma crème correctrice qui sont appelés en renfort. Le résultat n'est pas si mal si l'on connait le point de départ du chantier. J'insiste un peu plus sur mes yeux à l'aide de mon mascara, un petit trait de crayon à lèvres grenade mat pour rehausser le tout. Pas plus. Ce serait gâcher mes produits, et sur-polluer ma peau qui aurait du mal à respirer.

     Si tout pouvait être aussi simple.

     J'observe mon reflet dans le miroir de la pièce. J'ai changé ; moi, je le sais. Malgré tout, je me reconnais même dans l'évolution que j'aurais préféré éviter. Mais la vie est ce qu'elle est. Un déclin dès notre naissance, des problèmes qui nous obligent à évoluer vite, ou faire des choix qu'on n'aurait en aucun cas cru avoir à envisager. Un combat que l'on n'a pas toujours l'impression de mener, jusqu'à ce que les événements nous arrivent sans message subliminal, dans un chaos bouleversant. Ils nous font dégringoler sans qu'on n'ait jamais su, à priori, qu'on avait de la hauteur ; même sommaire.

SAUVAGESTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang