𝟺𝟶 - 𝚂𝚎𝚞𝚕𝚜 𝚊𝚞 𝚖𝚘𝚗𝚍𝚎.

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𝐑𝐨𝐬𝐞.

   Milieu de matinée, trente-six degrés au moins et l'envie folle d'aller me jeter dans un ruisseau, toute nue. Ressenti ? 100°C supplémentaires, minimum. La cause ? Le grand brun au corps d'Apollon qui se trimballe encore torse nu sous mon nez, son pantalon de jogging gris négligemment baissé sur ses hanches et le V sous ses abdominaux luisants de transpiration me faisant des appels de phare. Titàn m'apparaît comme un délicieux cône appétissant et ma langue ne tient plus en place.

   Dire que je suis une véritable obsédée en manque de câlins est encore et toujours trop loin de la vérité, mais rien de neuf de ce côté-là. Quant au bombement à son entrejambe qui suit la courbe de sa virilité cachée de ma vue, il me crie des choses que je ne répéterai jamais à quiconque. Pas même sous la torture. Même les ondulations de ses mèches humides aux reflets cuivrés sous le soleil de plomb, identiques à ceux de l'ombre qui recouvre ses joues, me font de l'œil. Sur mes rétines est imprimée une carte postale érotique qu'on ne trouve nulle part sur le globe.

   Et c'est MOI, Rose SAWYER, qui en profite. Pas une autre moulée dans du cuir et qui appartient à son monde. Pas une brebis buffet à MST-IST voulant se faire passer la bague au doigt. MOI.

   J'envisage à présent très sérieusement de lui proposer de rester vivre ici, dans cet espace peu fréquenté de La Réserve Naturelle de Summer Creek, à environ une heure trente à pied de marche de là où nous avons laissé la voiture hier matin, bien que son super-tank, jumeau de celui de Diesel, aurait pu continuer plusieurs kilomètres dans les vallons sinueux. Mais si loin en même temps de la civilisation hostile à ma paix intérieure. Cette vie hors de notre bulle qui m'a pris mes parents et qui lui fait croire qu'il ne pourra jamais se conjuguer au pluriel.

   Assise en tailleur sur le sable ocre entre mon sac à dos, celui de Titàn et les deux plus petits dans lesquels sont roulés nos duvets, je fais défiler les quelques photos que j'ai prises de lui hier, à son insu d'abord, tandis que l'Alpha surplombait son royaume de son rocher. Et moi, de mon plancher des vaches – enfin, des cactus –, je le contemplais comme une boulimique face à son frigo rempli et qui voudrait tout dévorer sans savoir par quoi commencer. Puis la mélancolie s'invite, suivie par la culpabilité de ce que je ressens, d'être « bien », ici.

   Les motifs de mon premier voyage aux Etats-Unis ont beau être bien pourris, le « pourquoi » du deuxième pas plus réjouissant, je me plais dans ce trou aux panoramas disparates que je n'aurais jamais découvert sans la mort de mes parents adorés. Sans que ma famille ne se retrouve disloquée. J'en veux à tout le monde et personne à la fois ; à moi, plus que tout. De n'avoir pas rejoint mes parents le soir de leur retour de Londres. De n'avoir pas été là. De ne pas avoir fait plus pour Ashton, son addiction. De lui avoir permis de m'abandonner, de m'exclure de sa vie du jour au lendemain. Pour me protéger de ce qu'il ne veut pas que je sache. De lui avoir permis de croire que je ne pourrais pas encaisser la vérité, quelle que soit la couleur de son horreur. Ils sont morts, ils ne reviendront pas mais lui, je veux qu'il revienne. Pour savoir, effacer mes « pourquoi ». Me sentir complète de nouveau et plus amputée de lui.

   Tu n'avais pas le droit de penser que je suis moins forte que toi !

   J'en veux à Roméo d'avoir choisi son camp – pas le mien – mais en même temps, j'aurais probablement tout fait pour lui afin de le protéger si les rôles avaient été inversés. Mais ils ne le sont pas. Roméo est « celui qui sait ». « Celui qui ne dit rien ». « Celui qui m'a laissée mourir d'inquiétude ». « Celui qui a tenté de me lobotomiser pour me faire croire que je suis un cas psy». Je le suis mais pas pour les raisons qu'il a en tête. De m'enticher d'un homme qui ne veut pas de moi et de ne pas simplement tourner les talons pour éviter à mon cœur de se fendre d'un nouveau tremblement de terre qui le laissera encore plus à l'agonie.

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