𝟺𝟹 - 𝙳𝚊𝚗𝚜 𝚕𝚎 𝚟𝚒𝚍𝚎.

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𝐓𝐢𝐭𝐚̀𝐧.

   Rigidifiés par la tension qui vogue dangereusement en moi, mes bras se retrouvent une seconde incapable d'esquisser le moindre mouvement. Rose, elle, est heureusement au trois-quarts de l'ascension. Elle se débrouille comme une chef en dépit de la pression qui monte tandis que les secondes s'égrènent trop vite. Mon for intérieur beugle qu'il faut que je me bouge si je veux tenir toutes mes promesses mais une autre voix dans ma tête, elle, me notifie que je pourrais octroyer encore plus de temps à Rose en la laissant continuer seule dès maintenant.

— Rose, plus vite, l'intimé-je le plus bas possible, choisissant ce qui me semble sur le moment le plus sécuritaire pour elle.
— J'ai cassé tous mes ongles... les doigts en sang... mal partout, énumère-t-elle en saccadé.
— Je sais. Mais tu y es presque. Courage.

De nouveau coups de feu tirés à la mitraillette grésillent dans la semi-quiétude de la nature coloradienne. À présent, un doute impérieux m'habite sérieusement quant au meilleur moyen de la protéger pendant que mon palpitant, lui, me chante une agonie inédite baignée dans des sentiments toujours plus contradictoires les uns que les autres. Je me fous un bon crochet mental et me bouge un peu plus le cul. Lorsque Rose peste en français un truc qui m'alerte mais que je ne comprends pas, pour ne pas changer, je relève la nuque pour la trouver en difficulté. Elle ne trouve plus où mettre ses mains et je ne vois pas non plus comment elle pourrait faire seule puisqu'il lui manque plusieurs centimètres pour atteindre l'endroit le plus proche de sa main droite.

En trois poussées je suis juste au-dessous d'elle, mon visage sous son cul. Dans d'autres circonstances j'aurais profité de la situation. Mais pas là. Alors que l'heure tourne et que le danger rôde et nous traque.

— Rose, je vais t'aider, tu dois me faire confiance, l'avertis-je. Tu vas devoir te reposer sur moi, lâcher ta prise et je vais te hisser avec ma tête.
— Non, refuse-t-elle catégorique. Je suis trop lourde, tes cervicales ne peuvent pas encaisser mon poids ! Trop dangereux.
— Arrête tes conneries, on n'a pas trop le choix alors fais ce que je te dis, sifflé-je les dents serrées. Visualise l'emplacement que tu dois attraper et ne le quitte pas des yeux, on n'aura pas de deuxième essai.

Elle se met à maugréer dans sa langue natale puis accepte de suivre ma consigne quand je lui en redonne l'ordre, après avoir fait rouler ma nuque pour la préparer. Elle avait raison : même si je ne la trouve pas lourde, ma colonne n'apprécie pas la nécessité de jouer les échelles humaines suspendues au-dessus du sol, alors que je pourrais m'écraser et ne plus jamais me relever, la cervelle explosée. Mais c'est vital alors je serre les dents et souffle comme un bœuf muet en supportant à bout de bras nos deux poids, mes jambes crispées pour tenir le coup.

— J'ai ! confirme-t-elle une fois bien positionnée.
— Bouge alors !
— QUINN ! hurle encore l'autre salopard. Tu sais que vous n'avez aucune putain de chance de vous tirer d'ici ? Ramène-toi et on fera les choses proprement avec toi !

Les derniers mètres sont enfin là, à portée de nos bras épuisés et de nos respirations chaotiques. Comme elle l'a dit tout à l'heure, Rose réussit à se servir des deux parois pour terminer son ascension, les jambes écartées pour soutenir sa masse. Mon pouls tambourine si fort dans ma tête que les battements acharnés de mon cœur vont bientôt trouver un écho entre les roches.

— Je ne sens plus mes bras, geint-elle quand nous retrouvons le plat de la terre ferme.
— On a besoin de tes jambes. Avance, reste sur tes gardes, on y est presque.

Je la pousse en avant, sors mon Glock et l'arme pour être prêt à tirer au cas où, les yeux de Rose s'arrondissent mais elle ne dit rien. On court deux minutes entre les grands arbres en essayant de slalomer mais nos pas lourds et pressés risquent de trahir notre position.

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