SAUVAGES

𝟸 - 𝙳𝚊𝚗𝚜 𝚕𝚎 𝚏𝚎𝚞 𝚍𝚎 𝚕'𝚊𝚌𝚝𝚒𝚘𝚗.

 𝐑𝐨𝐬𝐞.

Rose.

Je vide mon verre sans respirer pour que Naya ne remarque mes mains trembler, puis me lève d'un bond comme si le siège me transperçait. La bille menace de me faire rendre le contenu de mon estomac. Il faut que je sorte d'ici, je deviens dingue, tout m'oppresse.

Dehors, la grande blonde sur mes talons, j'inspire à grandes goulées l'air encore chaud, moite, vicié d'odeurs de tabac, de carburants, de transpiration. C'est toujours mieux que le poison qui embaume le bar. Sa présence à lui. Avec sa pétasse pour la nuit.

— La voiture est par-là, laisse-moi t'aider avec ça.

— Merci.

Naya s'empare d'une de mes valises. Je la suis, les jambes flageolantes et les idées confuses.

— Tu as prévenu Bella ? me demande-t-elle tout en refermant son coffre.

— Quoi ?

— Bella et Gary, ils savent que tu arrives ? Pour une chambre.

— Non. Tu crois que... ?

— Aucun problème, me coupe-t-elle, tu ne vas pas dormir à la belle étoile, ne t'inquiète pas.

Muette, j'attache ma ceinture et souris lorsque le contact de la voiture réveille le poste-radio. Eminem.

— Non ! stoppé-je Naya alors qu'elle allait couper le son ; enfin, je crois.

Sacrilège !

— Tout doux, j'avais compris, me sourit-elle railleuse. Moi aussi, je l'aime bien.

Je me cale l'épaule contre la vitre, contemple le paysage défiler et la ville s'éloigner tandis que la nuit tombe.

— As-tu dit à Winny que j'arrivais ? l'interrogé-je après une vingtaine de minutes de trajet, bercée par mon rappeur préféré.

— Pas encore, dit-elle en baissant le volume. Elle était avec Deacon à Denver depuis hier pour rendre son appartement et récupérer ses dernières affaires, elle ne va pas tarder à rentrer. Et je préférerais que les gars n'apprennent pas ton retour par du bouche-à-oreille. J'irai leur parler demain, laisse-moi un peu de temps. Je passerai à la Chapelle à la fin du Conseil.

— Ça va poser problème ?

— Oui et non, hésite-t-elle. Ne t'inquiète pas.

— Les Red sont de retour ?

Mon chauffeur prudent pivote vers moi juste une seconde, semble jauger quelles infos elle peut me donner.

— Non, Rose. Plus de son plus d'image. Mais ils ont tué des nôtres, on ne peut pas les laisser s'en sortir. Il faut qu'on les retrouve, tu comprends ?

Personne ne peut plus comprendre leur hargne de vengeance que moi. La mienne est là, jamais tapie dans l'oubli.

— Pourquoi, Naya ?

— Pourquoi on les chasse ?

— Non, pourquoi tu es restée à Canyon Lake. Pourquoi tu n'es pas partie ailleurs, là où c'est plus calme ?

Son sourire est en soi une réponse.

— C'est chez moi, Rose. Il y a mes racines, mes amis, ma famille.

— Des emmerdes, chuchoté-je.

— Pourtant tu es là, toi, note-t-elle.

Touché.

— Je n'ai plus mes parents, riposté-je le cœur lourd. Je n'ai plus...

— Je... excuse-moi. Ce n'est pas ce que je voulais dire. J'ai été maladroite.