𝟺𝟿 - 𝙰̀ 𝚝𝚘𝚞𝚝𝚎𝚜 𝚗𝚘𝚜 𝚊̂𝚖𝚎𝚜.

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𝐃𝐢𝐬𝐜𝐥𝐚𝐢𝐦𝐞𝐫 : la dépression est un sujet sérieux, et ceux/celles qui me lisent sur d'autres fictions savent que c'est un thème que j'ai déjà abordé. La dépression, c'est aussi un trouble que l'on vit de manière très personnelle ( merci donc de ne pas me spammer avec des « non mais c'est pas possible ça (...) », et elle peut prendre plusieurs teintes, jusqu'à pousser la personne atteinte à se faire du mal. La dépression déforme la réalité et peut être aveuglante. La dépression a plusieurs motifs, et le mal n'est ni uniforme, ni linéaire, ni universel. La dépression nous enferme mais on l'aide en tournant les verrous du monde extérieur. Alors si vous vous sentez déprimé-es, dépréssif-ves, parlez-en à vos proches ou à un professionnel de santé.

***

𝐑𝐨𝐬𝐞.

   Sa phrase tourne en boucle dans ma tête, encore plusieurs minutes après qu'il soit parti à la recherche de Winny – qu'il ne trouvera pas. Peu à peu, la voix de Deacon s'est transformée : ce n'est plus la sienne qui me les murmure mais Ashton, comme s'il était là, dans mon dos. Parce qu'il aurait pu me dire toutes ces choses. S'y joint le timbre cassé par la supplique de Roméo « Laisse-moi te protéger, Rose. Il faut que tu arrêtes. Laisse Ashton se charger de tout ça, il va bientôt rentrer, promis ».

   « Bientôt ». « Promis ». Que des belles paroles pour me contrôler ! Je les entends même comploter, tels des spectres voulant me raconter une vérité. Je savais que ces deux-là s'étaient alliés, mais les mots de Deacon ont profondément planté la conviction qu'ils sont prêts à absolument tout pour m'éloigner. Me « protéger ». Me laisser dans l'ignorance. Tout, y compris me laisser dans le noir et seule.

   Assise dans l'obscurité sur le banc en pierre dans la roseraie, je frémis alors que les arbustes fleuris forment ici un rempart contre le vent. C'est bien ce vide en moi qui me donne froid, mon gilet jouant parfaitement son rôle sur mon épiderme couvert de picots. Les yeux luisants crochetés à mon écran allumé, je ne sais pas pourquoi j'inflige à mon cœur un nouveau round dans le passé. Naviguant dans les clichés stockés sur mon cloud mais toujours à portée de main, je me ferme aux quelques inflexions graves des bikers jouant les prolongations sur le patio, non loin, souris tour à tour à mon père, ma mère, Grand-père – ne manquant pas de lui dire qu'il  a donné son regard vif et espiègle à son unique petit-fils. Le seul qui porte en lui son ADN, mais pas l'unique à cultiver le souvenir de son rire.

   Tu es un peu en chacun de nous, Grand-père.

   Je nous parle à Ashton, Roméo et moi, ou plutôt à nos versions miniatures aux bouilles hilares, pleines de chocolat. Je nous demande où nous sommes, et, tandis que plusieurs larmes s'écrasent et s'étalent sur l'écran, je conseille à ces trois enfants ingénus mais heureux de profiter du temps. Comme si mes mots pouvaient les atteindre dans le passé.

   Comme si quoi que ce soit pouvait changer ce présent.

   Comme si je pouvais cesser de tourner en rond, penser en boucle : car c'est ce que je fais. Les mêmes pensées se répètent et rien ne les fait quitter ma tête. C'est lassant. Fatiguant. Flagrant...

   Un psy poserait un diagnostic en deux minutes.

   Les souvenirs affluent à mesure que les clichés défilent. Finalement, je me décide à traiter tous les petits sigles dans ma barre de notification pour me changer les idées : SMS, mails, messages vocaux. J'ouvre d'abord les textos d'Iris, le premier datant d'hier soir, heure locale et donc, début d'après-midi à Paris. Ce que j'y découvre me fait écarquiller les yeux, ouvrir la bouche. Regretter de ne rien pouvoir faire, d'ici.

   Dans les deux premiers messages aux allures de nouvelle tant ils sont longs, mon amie un brin folledingue me raconte les derniers potins parisiens et ceux du Cosy Cat's. Aristo a été malade et lui a fait une belle frayeur, un critique culinaire venu anonymement a fait un merveilleux éloge dans un journal spécialisé réputé, apportant de nouvelles papilles à séduire dans son établissement atypique. Puis Chrystel, qui s'est (dé)teint les cheveux en blond polaire sur un coup de tête après une dispute avec son nouveau copain – adieu le prune et les mèches fuchsia.

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