SAUVAGES | En pause jusqu'au 6 octobre 2024

𝟸𝟽 - 𝙱𝚘𝚖𝚖-𝙱𝚘𝚘𝚖.

Titàn.

La porte s'ouvre sur une silhouette féminine dont le visage peint l'étonnement de me trouver ici. Je n'y croyais plus.

Quand on m'a dit que Billy était allé la chercher à la pension pour prêter main forte à Lily-Sue et au Toubib, à toute l'équipe qui se formait, une part de moi se marrait au milieu du capharnaüm et du sang de Deacon en beuglant qu'il y aurait bientôt un autre blessé cette nuit. Et pas à cause des balles, mais bien de la petite véto aux regards de pierre précieuse moucheté de mystères et de sex-appeal, qui fout le bordel dans ma tête ; et mon pantalon.

Je l'ai imaginée balancer autant de pics incisifs au Chirurgien pour qu'il aille se faire foutre dans une Gay Pride en perdition sous amphètes, que tout ce qui lui passait sous la main, couteaux compris, pour avoir osé la réveiller. Et pour notre cause, en plus et surtout. Mais mon intime conviction savait qu'elle viendrait, juste parce qu'elle est comme ça, que même si sa vocation est de soigner des animaux...non mais qu'est-ce que je dis ! Y'a -avait- pas plus bestiaux que nous dans le coin ! Mais un vrai troupeau de bétails armé qui vient de se faire plumer par un enfoiré de sniper qui a commencé à creuser sa tombe ! Évidemment qu'elle allait venir !

Pourtant j'ai douté qu'elle passe cette foutue porte, fermée depuis trop longtemps. Depuis que Lily-Sue a voulu s'occuper de ma plaie mais que je l'ai renvoyée vers plus urgent que ma personne, en lui avouant à demi-mots que je voulais parler à Rose ; sous prétexte de remerciements. Et elle est là. La mine fatiguée, le teint plus pâle que d'habitude, ou alors c'est la lumière trop blanche qui ne lui rend pas justice.

Ou elle blêmit que je sois là, moi et pas un autre, mais je chasse l'idée.

Je pensais qu'elle avait compris qu'elle me trouverait au bout de son chemin. J'avais tort. Elle ne s'attendait pas à moi, et je ressens la secousse sismique qui la saisit. Dans toute cette merde de ces dernières heures, tout ce qui nous a explosés à la gueule, elle est un baume d'onguent réparateur qui s'étale sur moi, juste parce qu'elle est venue.

Ma retombée d'adrénaline me transforme encore en poète lyrique !

J'ai été un putain de connard avec elle, elle a pris mes paroles balancées sous le coup de la colère pour argent comptant, à peine accepté mes excuses, mais elle est là. Et de ce que Lily-Sue m'a dit, elle a fait du bon boulot, sans trop poser de questions.

Qu'elle est presque légitimement en droit de poser.

Bordel elle est là alors qu'elle aurait dû rester loin de notre bazar apocalyptique, et ne jamais découvrir à quel point Canyon Lake Valley, Colorado, n'est pas une destination touristique pour une ingénue des ennuis, aussi casse-cou, téméraire et intrépide soit-elle ! C'est un bled hostile, surtout en ce moment. Elle devrait se tenir le plus loin possible de nos embrouilles, et de la vendetta en marche. Et moi, je sais que pour que le train ne déraille pas, il faudrait que je la renvoie illico d'où elle vient, quitte à ce qu'elle me haïsse farouchement, parce que c'est le seul moyen pour elle d'être préservée d'une lutte acharnée pour notre territoire et ce qu'il renferme qui ne la concerne pas.

Je devrais. Mais ma raison a dû rester à terre quelque part, parce que je n'en ai aucune envie. Je ne veux pas la blesser, pas encore, alors que je pourrais dresser une liste d'un milliard de bonnes raisons pour vouloir la faire fuir, qu'elle dégage plus vite qu'elle est arrivée.

— Rose.

— Titàn.

Elle secoue vivement sa tête, pour se reconnecter, et s'active jusqu'à moi. Soigneusement, elle se désinfecte les mains puis enfile une paire de gants, un masque bleu, les yeux rivés sur ma blessure au flanc, les sourcils froncés. Ses doigts palpent dans des gestes qu'elle maîtrise et qui m'hypnotisent, examinent ma peau, mes côtes. Tout n'est pas agréable mais je prends sur moi, et à dire vrai, chacun de ses effleurements crée un courant électrique qui me fait oublier qu'il existe autre chose qu'elle et moi.