𝟺𝟽 - 𝙰̀ 𝚗𝚘𝚜 𝚜𝚘𝚞𝚟𝚎𝚗𝚒𝚛𝚜.

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𝐑𝐨𝐬𝐞.

    C'est la tête dans un étau qui s'est épris de moi depuis ma sortie de cette fausse mine que je remets le nez dehors ce soir. Une fraîcheur sympathique a exceptionnellement chassé la canicule, en même temps que le soleil est parti rejoindre Paris. Comme pour me souffler «ta place est là-bas, suis-moi».

    Plus ici.

    Avant de me raccompagner à la Pension Newton, Diesel a fait un détour par La Clinique, celle en ville, afin que le Dr. Stone m'examine et désinfecte correctement mes plaies. Celles visibles, du moins, le pauvre n'étant pas magicien. Pourtant, j'aurais aimé qu'il ait dans sa manche ou dans la petite poche avant de sa blouse blanche une potion magique pour anesthésier ce qui me fait le plus mal, et pas seulement dans ma tête. Mais rien ne le peut et il a bien compris que les lésions qui estampent mon corps ne sont que la partie émergée de quelque chose de bien plus profond.

    Toujours autant à l'écoute, le brave homme a tendu une oreille attentive pour m'inciter à me déterger des nœuds qui sont un frein à mes respirations. Mais par où commencer quand je ne sais pas moi-même où est le point de départ de l'horreur ? Tant sur la ligne du temps que géographiquement. Quand tout ce que je sais se mélange, n'a plus de sens, uniquement une saveur qui m'écorche et m'écœure. Quoi dire quand j'ai peur des réactions ? Peur de provoquer, aussi, la colère du Titàn en en racontant plus au Toubib qu'à lui.

    Alors comme d'habitude, j'ai gardé mes secrets et exposé ce qui pouvait l'être : le manque de mes parents, les images dans ma tête. Tout ce rouge. Tout ce sang. Tous ces mots, ces cris que j'imagine. Ces mois d'isolement alors que je parcourais le monde, sans lui dire pourquoi. Les Red qui ont voulu s'en prendre à Winny, puis à Titàn. Il a encore eu l'obligeance de ne pas me poser de questions à propos de celui qui dirige tout dans ce comté, bien qu'il se doute que j'ai déjà visité sa grotte, et lui la mienne.

    Mais pas du même genre.

    C'est dans cet état d'esprit embrouillé et bancal que je suis allée m'enfouir sous les draps sitôt à l'abri dans mon chalet. Retrouver les émanations de bois m'a permis de me sentir un peu plus chez moi, comme si mon père avait été là, si près, pour me consoler. Mais il ne l'était pas. Ni lui, ni Maman. Ni Ash. Ni Roméo. Ni Iris. Rien n'a changé. Dans ce bout du monde il n'y avait que Zeus, Atlan et moi, collés-serrés les uns aux autres. Jusqu'à ce que mes paupières se ferment pour me protéger de la réalité.

    Me voici donc à la brise fraîche. L'air s'engouffre sous ma nuque en laissant une légère chair de poule sur son passage. Mes cheveux ne sont pas tout à fait secs, ma peau est encore moite de la trop longue douche chaude que je me suis octroyée comme pour chasser mes glaciaux démons intérieurs, mais je ne peux plus attendre une minute de plus. Eclairée par la Lune et les lampions solaires qu'a installés Gary aux pieds de plusieurs parterres de plantes, je marche le menton tourné vers les étoiles jusqu'à la bâtisse, protégée par mes deux molosses. Mais au lieu de pénétrer la grande demeure par le patio arrière qui grouille encore de plusieurs cowboys chevauchant des chevaux qui n'ont pas à dormir à l'écurie, je longe le pignon et passe devant la Roseraie.

   Attirée par les essences florales, je reste plusieurs minutes sans entrer dans ce mausolée, à surveiller le sommeil calme des fleurs. Les effluences convoquent mes souvenirs heureux et même si un pic est toujours planté dans mon cœur, me revoir avec ma mère, sécateur à la main et panier en osier sous le bras pour s'occuper de son jardin, a l'effet d'un cataplasme nécessaire aujourd'hui. Elle me disait souvent que j'étais vieille avant l'âge, avec mes « passe-temps solitaires de grand-mère », exception faite de mon culte pour Eminem. Je suis tombée dedans à la fin de l'école primaire et tout ce qu'il fait relève du génie. Je n'y peux rien !

SAUVAGES | En pause jusqu'au 6 octobre 2024Kde žijí příběhy. Začni objevovat