SAUVAGES

𝟽 - 𝚆𝚊𝚒𝚝𝚢 𝙳𝚎𝚟𝚒𝚕.

𝐑𝐨𝐬𝐞.

— Réveille-toi !

Je suis soustraite à mon évanouissement par un ordre brutal et un seau d'eau froide balancé sur mon visage. Dans mon semi-étourdissement, j'inspire fort sous le coup de la surprise. Du liquide remonte mes narines, accentuant mon mal de tête mais sans diluer l'odeur ferreuse du sang. Un marteau piqueur que je ne connais que trop bien est en plein récital. Malheureusement pour moi, rien n'a changé. Je souffre toujours, si ce n'est plus, de la position précaire dans laquelle je suis. Mes tendons et ligaments sont à bout, mes muscles éreintés, ma toux pour recracher l'eau, rauque et laborieuse. La nuque molle mais courbaturée, je ne peux plus du tout lever le visage. Tant mieux finalement. Je n'en ai aucune envie. Puis, quand mon esprit se replace, tandis que mes dernières minutes refont violemment surface, je me laisse envahir par l'abominable évidence. Emmett est mort ; de la main de Danny. Son deuil écrase mon cœur et se rajoute au fardeau de ma culpabilité. Son sang sur ma peau est le tatouage de mon implication

Gary a perdu son frère. Bella son ami. La station-service son âme. Canyon Lake un grand-père.

Inconsolable, désorientée, noyée par ma tristesse et ma rancune, j'insulte Danny et ses sbires en français sans savoir réellement ce que je leur crie. Je crois que tout y passe, mais rien ne contrecarre ce qu'ils semblent avoir déjà prévu. Au contraire, ma détresse les excite. Ils prennent déjà plaisir à arroser mes appréhensions par leurs paroles prémonitoires qui parviennent à passer le carillon de mes acouphènes.

— Ton cul est un trophée qui valait le détour, susurre le premier à mon oreille, sourd à mes braillements.
— Et l'attente, ajoute un autre, goguenard.
— Alpha nous avait promis un beau petit lot, commente le troisième, collé à mes reins. T'es plus que ça ma jolie.
— Quinn-Adamson a eu du goût cette fois, Messieurs, agréé Danny dans un rire sinistre.

Je le perçois plus loin, comme s'il leur accordait quelques minutes de récréation avec moi – mais sous sa supervision. Comme s'il ravitaillait leur motivation et qu'ils oubliaient sa capacité à les liquider en un tir impulsif. Il poursuit, pince-sans-rire, à mon attention :

— Malencontreusement pour lui, ce con prétentieux est si prévisible que je savais qu'il allait foirer quelque part. Ce Clan est tout pour lui, il allait le choisir à un moment ou un autre et mettre de côté le superflu qui est pourtant la clé de tout. Toi. Encore une fois, parce que le mensonge a corrompu ses si doctorales vérités. Il n'a vu en toi que ce dont il avait besoin pour assouvir ses fantasmes alors que regarde-toi, Olympia, les traits de ta mère sont manifestes. Tu portes sur toi et en toi ce que tu es ici.

Pas tant que ça sinon, d'autres auraient vu. Lorsqu'il répond à ma pensée, j'ai peur de ne plus savoir garder mes mots dans ma tête :

— La plus grande erreur des Lions, Olympia, c'est d'avoir cru qu'ils savaient tout. C'est cette croyance qui les a tant aveuglés. Leurs anciens présidents ont caché tellement de choses à la génération de ton petit copain qu'après ce soir, les Dark Evils Lions ne seront plus que le souvenir de ce qu'ils ont jadis été. Ce soir le Clan ne sera plus et ça, c'est grâce à moi. Mais aussi à toi, tu m'as bien aidé. Un élément parfait de mon dessein.
— On va peut-être lui envoyer un p'tit souvenir du coup, à ce connard, reprend le premier en frottant son érection à ma hanche, ses lèvres effleurant mon buste en dépit de l'hémoglobine qui me recouvre.

Tu savais où tu mettais les pieds, Rose... reniflé-je sans maîtriser ma révulsion. Tu sais pourquoi tu es là, pourquoi tu fais ça. Pour qui.

— Bonne idée. Qu'il voit que nous aussi, on s'est amusé avec sa putain préférée. Tu n'me fileras pas entre les doigts deux fois. Ici, aucune montagne pour te cacher.
— Les Darks vont vous faire avaler vos couilles, au sens propre.
— Alors mieux vaut pour toi qu'en effet, tu vailles chaque seconde de notre petit jeu..., fulmine l'un deux.