𝟹 - 𝙰 𝚌𝚑𝚊𝚞𝚍.

2.4K 368 64
                                    

𝐓𝐢𝐭𝐚̀𝐧.


— Putain mec, tu m'écoutes là ?

La voix rocailleuse de Jude résonnant dans mon casque me tire un grognement. J'ai perdu le fil il y a plusieurs secondes déjà. Le bitume lisse et l'obscurité m'ont hypnotisé et, bercé par le ronronnement rutilant de ma nouvelle bécane, j'ai lâché la conversation.

Je sais que mes gars méritent un meneur concentré à chaque instant, mais la fatigue commence à me peser et j'ai besoin d'oublier la sensation désagréable des doigts de l'autre pot de glue sur ma peau. Pour me calmer, j'ai même laissé mon cuir ouvert. L'effet grisant de l'air tiède fouettant mon t-shirt et mon épiderme est un baume ce soir. Je vais finir avec des marques rougeâtres et des cadavres de moustiques pour preuves irréfutables de ma négligence volontaire mais je m'en fous, rien qu'une lessive et une douche ne pourront réparer.

J'ai hâte de retrouver mon chez-moi après ces trois jours d'expé. Même mon grand pieu vide et froid est plus accueillant que les trous duc' que j'ai dû me farcir sans même pouvoir les abimer un peu.

Non mais depuis quand j'ai l'air d'une putain d'assistante sociale ?

— Laisse Jude, il doit se demander pourquoi il n'a pas sauté sur l'occasion de sauter Ariella dans un coin sombre du bar ou dans la ruelle arrière, raille Diesel lui aussi dans l'appel en conférence.

Toi, tu vas t'en manger une, tu riras moins !

Je sais qu'il plaisante percevant à quel point je suis tendu, mais ça ne passe pas. J'ai laissé Ariella me tourner autour et me faire son numéro de charmes uniquement pour qu'elle ne me tape pas un scandale devant son oncle et son frère, mes fournisseurs d'armes. Et qu'on ne se fasse pas remarquer là-bas. Elle sait comment foutre de l'eau dans le gaz et lui avoir cédé une – ou quatre – fois parce que j'étais saoul et en manque ne plaide pas en ma faveur. Elle en redemande à chaque fois alors qu'elle sait à quel point je n'ai rien d'un foutu prince charmant et que seul son cul m'intéressait pour me vider la tête.

Entre autre chose, et absolument pas en tout bien tout honneur.

Elle et Kourtney font la paire, y'a pas à dire.

Bref. Pas le moment pour le Clan et moi de déconner ni de se mettre à dos les seuls capables de me trouver tout ce que je leur demande et rapidement pourvu que j'aligne le fric. Un gros tas de blé, ce soir encore.

On a déjà un sacré arsenal à l'armurerie, mais il n'y a jamais de « trop » quand il est question de se défendre en cas de nécessité. J'espère ne jamais avoir à me servir de tout ça, ce serait admettre qu'on est dans une merde intersidérale, et je ne souhaite pas en arriver là. Nos paternels et nos grands-pères ont toujours su gérer, à nous de tenir le flambeau et de ne rien foirer. Les vies de centaines de familles dépendent de nous, de nos choix.

J'accélère encore jusqu'à n'entendre qu'un brouhaha de voix graves dans mon casque, et la puissance ce mon bolide, ne me canalisant que sur l'asphalte et l'infinie ligne jaune qui sépare les deux voies. L'aiguille sur mon compte-tours monte vite jusqu'à frôler la zone rouge. J'ai besoin de sentir que je reprends le contrôle sur quelque chose, à défaut d'avoir l'impression que quoi que je fasse, tout reste inlassablement en bordel. C'est comme si les emmerdes avaient décidé que Canyon Lake Valley était un endroit idéal pour s'épanouir.

Depuis que les Red ne sont plus qu'un spectre conjugué au passé, les esprits se sont relativement apaisés en ville. En apparence du moins. Les civils se sentent plus en sécurité et c'est tant mieux. Pour autant, on reste constamment sur le qui-vive. S'ils se sont retirés pour une raison encore inconnue, ils n'ont pas disparu de la surface de la Terre. Pas encore.

SAUVAGESWhere stories live. Discover now