𝟹𝟼 - 𝚂𝚝𝚎𝚙 𝚋𝚢 𝚜𝚝𝚎𝚙 - 𝙿𝚊𝚛𝚝𝚒𝚎 𝟷

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𝐓𝐢𝐭𝐚̀𝐧

Je savais que le chemin ne serait pas uniquement pavé d'herbe fraîche et de fleurs champêtres. Que mon épineuse n'avait pas réglé tous ses maux, qu'il y aurait des ronces à enjamber, quelques rochers à gravir à cause de l'année écoulée qui ne l'a pas épargnée. Des tornades à affronter, aussi, parce qu'en bons novices invétérés de la relation de couple, Rose et moi évoluons dans un tourbillon inédit dont on ignore certains codes. Je le lui ai même avoué pour qu'elle intègre l'information : j'ai conscience de tout ça et je nous choisis, envers et contre les marées à venir.

Nous y voilà.

Si la première vague n'a pas perdu de temps avant de se pointer, elle ne m'a pas pris au dépourvu pour autant. J'avais remarqué que Rose se renfermait dans sa coquille à certains moments aujourd'hui, j'ai même espéré qu'elle finirait par me parler de ce qui l'éloigne de moi alors même qu'elle se tenait dans mes bras. J'ai pensé au départ de son jumeau ; à cette maison qu'elle adore mais dont la plupart des souvenirs la dévorent. À ses doutes sur nous. À l'avenir. À cette page qu'on tourne sans avoir réellement discuté de cette nuit-là, de tous ces mois, de sa colère qu'elle dit avoir dépassée. De ma culpabilité dont elle ne veut plus entendre parler. Au fond, je réalise qu'on ne pourra pas avancer sans crever tous les abcès. Mais revenir en arrière n'est pas si simple quand les hier sont porteurs de douleurs. Synonymes de fléaux et de morts.

De cicatrices sur sa peau, son cœur, son âme.

Rose est enfermée là-dedans depuis quinze bonnes minutes maintenant. L'eau ne coule pas, aucun bruit ne filtre sous la porte. Torse nu sur le lit, les bras croisés derrière ma nuque et le regard agrafé au ciel à travers le velux, je me torture les méninges au lieu de feuilleter la revue moto que j'ai dégotée dans un kiosque ; un de ceux qu'on croise sur presque tous les trottoirs au centre de Paris. Je n'ai aucune idée de combien de temps je suis raisonnablement censé attendre avant de tenter une approche. Tout ce que je sais, c'est que la détresse qui a traversé ses prunelles tout à l'heure m'a fendu le cœur. Pour ne pas changer, je me sens démuni face à tout ça. Mes lacunes ont la vie dure, y'a pas à dire !

Bref. Rose avait raison quand elle m'a balancé à la tronche que je l'ai laissée derrière moi. À présent que je vois les choses sous un nouvel angle, le bon, je m'en veux encore plus qu'avant. Je mérite son plus beau mépris alors qu'elle m'accorde sa miséricorde et son amour.

Je devrais laisser Diesel me coller une ou deux droites dans la tronche, tiens !

J'inspire en tâtonnant le matelas, à la recherche de mon portable. La facilité serait de demander de l'aide à Ashton, mais j'ai fini par comprendre que je ne dois plus me reposer sur les autres. C'est à moi de trouver des solutions, à moi de prendre soin de Rose. À moi de nous délivrer de la zone de turbulences que j'ai sacrément bien alimentée en brillant par mon absentéisme lorsqu'elle avait le plus besoin de moi.

À moi de trouver la clé qui la sortira une bonne fois pour toutes de ses ténèbres.

Cette conviction devient alors le moteur de mes jambes jusqu'à la salle de bain. Le poing levé et le souffle court, j'hésite une ultime fois avant de toquer. Je prends ma voix la plus posée pour lui demander :

— Rose ? Tu veux bien m'ouvrir ?

Pas de réponse.

— Hé... Tout va bien là-dedans ?

Un silence térébrant ponctue d'abord mon intervention mais cette fois, elle ne reste pas muette.

— Oui oui, donne-moi encore dix minutes s'il te plaît, je dois...

SAUVAGESWhere stories live. Discover now