𝟻 - 𝙿𝚘𝚞𝚛 𝚛𝚎𝚗𝚍𝚛𝚎 𝚜𝚎𝚛𝚟𝚒𝚌𝚎.

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𝐑𝐨𝐬𝐞.

— Couchés, les nounours.

Le brouhaha animé de voix graves que l'on peut entendre depuis le perron se fait soudain plus calme quand je rentre dans le Diamond Bar, les bras chargés des pâtisseries que Winny, Bella, Lexie et moi avons préparées ce matin. D'un signe de tête et un sourire reconnaissant de sa galanterie, je remercie l'homme dont l'encre le couvre plus que son Marcel large noir pour m'avoir ouvert la porte alors qu'il fumait là.

Le parking m'avait déjà donné une bonne indication sur la clientèle d'estomacs présents là-dedans, mais c'est toujours impressionnant de voir les grosses motos et les pick-up se transformer en visages et tatouages, plusieurs ethnies confondues. Il est tout juste midi, mais ça grouille de motards affamés. Il y a aussi quelques « civils », comme ils disent ici, dont certains que je reconnais pour les avoir croisés en ville.

Je suis revenue il y a une semaine et le temps a filé avec une rapidité ahurissante. Je me suis bien occupée et je ne vais pas m'en plaindre : plus mon esprit est focalisé sur quelque chose, moins il ressasse tout ce que je m'entête encore à taire. Je suis montée dans l'avion à Charles-de-Gaulles avec l'idée de me délester d'un poids en racontant mon histoire à Titàn, ou du moins ce qu'il était nécessaire qu'il sache pour peut-être, pouvoir m'aider. Je voulais aussi apaiser la culpabilité que j'avais commencé à ressentir de lui avoir caché le véritable motif de ma présence dans son royaume.

Mon projet est mort dans l'œuf avant d'avoir concrètement mûri, deux fois. Dans le taxi, j'en étais à me demander comment j'allais pouvoir aborder le sujet sans que Tarzan ne monte sur ses grands chevaux en criant à la traîtrise. Il aurait eu le droit d'être fâché, mais j'espérais qu'il me laisserait l'opportunité de m'expliquer, de m'écouter.

On ne le saura jamais.

Il faut croire que mes arrivées dans le coin sont maudites. Après une collision avec le chef des Dark Evil Lions qui aurait pu plus mal finir et sonné le glas de ma courte vie sur Terre, c'est un incendie criminel qui fut le tapis rouge déroulé sous mes pieds pour me souhaiter la bienvenue. Comme un mauvais refrain programmé pour se répéter, la foudre de la colère nous a baptisés, puis séparés. La hache de guerre est déterrée, ma confession, elle, coulée six pieds sous terre dans le béton armé des mots prononcés.

Jude n'a pas tout à fait tort, même s'il ne peut pas savoir que dans certaines situations, son meneur et moi avons su mettre de côté nos différences. Les cris et querelles ont à quelques occasions laissé place aux plaintes lascives, chemin ostensible vers les grilles de l'orgasme. Mais tout cela est de l'histoire ancienne, les flammes qui ont rongé la maison du pauvre vieux monsieur ont aussi détruit en cendre nos parenthèses et nos moments d'accalmie. Notre bulle parisienne s'est désagrégée, mon envie de me confier aussi.

Nous allons donc jouer la carte de la raison : nous ignorer et vaquer à nos occupations chacun de notre côté. Je n'ai plus la force morale de me battre avec qui que ce soit, ici ou en France. Par chance, Titàn est reparti dès le lendemain matin avec plusieurs de ses frères et il n'est pas encore revenu, laissant la gestion de Canyon Lake à Jude, Luka et Diesel. J'ai aussi vu le père du vice-président de cette société incroyable venir prêter main forte du haut de son expérience. Je l'ai même entendu en pleine discussion avec Gary, en passant devant le bureau du rez-de-chaussée, en début de semaine. La porte avait mal été fermée donnant à ma curiosité de quoi se remplumer.

Je ne sais pas très bien de quoi il retournait mais les deux hommes étaient en plein désaccord sur la manière de gérer l'une des jeunes femmes du Clan. Le père de Jude parlait « de trouver un moyen qu'elle aille se mettre en sécurité loin d'ici, comme avant », sous surveillance et protection discrète, cette fois, quand Gary affirmait que la meilleure des protections était encore que « tous ceux qui savent » soient inclus dans ladite protection, sous leurs yeux, ici.

SAUVAGESWhere stories live. Discover now