SAUVAGES | En pause jusqu'au 6 octobre 2024

𝟻 - 𝙿𝚎𝚝𝚒𝚝𝚜 𝚊̀ 𝚙𝚛𝚒𝚘𝚛𝚒 𝚎𝚝 𝚐𝚛𝚊𝚗𝚍𝚜 𝚜𝚝𝚎́𝚛𝚎́𝚘𝚝𝚢𝚙𝚎𝚜.

Rose.

— Merci de m'avoir raccompagnée. J'aurais trouvé, mais sur ma trottinette électrique, je ne serais pas arrivée avant la tombée de la nuit!

     Je me félicite quand même de l'avoir incluse dans ce voyage, même si l'excédent bagages m'a délestée de plusieurs centaines d'euros. Pour les jours à venir, mon autonomie repose sur elle. Un investissement fait il y a un mois que je ne regrette décidément pas.

     Contrairement à ma voiture, bousillée par l'autre Hercule mal luné.

— Pas sûr qu'elle aurait eu l'autonomie nécessaire ! me répond moqueur Diego, le fils du dépanneur en chef qui a été chargé de faire office d'Uber pour moi jusqu'à mon nouveau lieu de villégiature.

— Ni que tu aurais réussi à porter tes valises sur ta planche à roulettes motorisée ! s'esclaffe à son tour Jude qui cale la béquille de son engin rutilant. Trop de poids pour la batterie de la locomotive de Miss Barbie.

     Il me traite de lardon nourri aux OGM et arrosé au Nutella, ou je rêve ?

     Note à moi-même : vérifier si Amazon livre mon péché-mignon dans ce trou de balle peuplé de pots d'échappement mieux élevés que leurs propriétaires acariâtres.

— Wow ! Tout doux Calimity Quinn¹ ! Je parlais de tes valises ! Je n'aurais pas osé... enfin tu vois...s'excuse le tatoué penaud en se frottant l'arrière de nuque, les yeux rivés sur ses boots.

      Même ses phalanges sont parées de symboles. Je me demande bien s'il reste des parties de son corps qui n'ont pas été peintes...

     Pas le moment, Rose !

— Si Titàn t'entendait, tu s'rais en train de bouffer des cailloux, et pas forcément par les voies naturelles, vieux ! plaisante en m'envoyant un clin d'œil amical mon chauffeur qui doit être dans la même tranche d'âge que moi.

     Ou du moins, je suppose qu'il n'y a rien de sérieux dans sa boutade qui fait jurer son camarade entre ses lèvres pincées.

     Il m'a fait bonne impression, le Diego. Très sympathique, avec de la conversation et de l'humour. Moins de peau de vache sur lui, aussi. Rien à voir avec les hommes de Neandertal aux propos à tendances salaces de tout à l'heure, qui ont plus de savoir-vivre dans les biscotos que dans le cerveau. Enfin, avec Tarzan en chef d'orchestre, rien d'étonnant que ça détonne quand ils ouvrent la bouche devant une femme...

— C'est toi qui vas avaler la caillasse si tu continues, le prospect ²!

     Ils m'ont encore perdue. Je pensais pourtant être totalement fluent³, mais la réalité semble toute autre dans cet univers enclavé. Ou alors, c'est eux qui parlent un patois des montagnes. L'un ou l'autre, il va falloir que je me dégotte un décodeur. Ou que je prenne des cours. Sur un malentendu, sait-on jamais ce que je pourrais accepter ; ou refuser.

     Je ne veux même pas y penser.

     Moi qui avais décidé me débrouiller toute seule, je me suis retrouvée bien conne en réalisant téléphone en main que le seul remorqueur à plus de soixante miles à la ronde était le « fameux » Joe évoqué par le colosse que je venais d'envoyer se faire voir dans les orties... Titàn.

     Titàn. Étrange, mais bien vu pour un type à la taille d'un ogre et l'allure d'un biker-barbare-gladiateur.

    Visionnaire, la maman Godzilla.

     Quand j'ai entendu son nom la première fois, j'ai cru que mon audition me jouait un mauvais tour, à cause du contre-coup de la collision qui m'a fait me sentir comme dans un tambour de machine à laver, sans les tonneaux. J'ai presque failli m'en inquiéter. Je me voyais déjà passer toute une batterie d'examens coûteux en maudissant le rocher qui s'est emmêlé ses gros pinceaux entre le frein et l'accélérateur de sa roulotte trop bruyante. Il est peut-être dyspraxique?