𝟺𝟹 - 𝙱𝚒𝚛𝚝𝚑𝚍𝚊𝚢 𝙱𝚒𝚔𝚎𝚛 ♥

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𝐑𝐨𝐬𝐞.

Il est là. Il prend presque tout l'espace. Sur le palier du deuxième étage de ma résidence, devant mon petit appartement parisien dans un quartier bien plus calme que l'épicerie de sa ville, comme si nos deux continents venaient de supprimer un océan à la seule force d'une volonté. La sienne. Une anomalie géographique, une tectonique des plaques qui me secoue de l'intérieur, fait flageoler mes jambes, mais je tente de conserver un visage presque impassible, ou de ne montrer que mon effarement.

Le halo de lumière trop blanc du plafonnier se reflète sur ses vêtements sombres, donnant plus de profondeur à la lueur indéfinissable qui brille dans ses prunelles d'obsidienne. Même dans le noir, on ne verrait que lui. Moi, je ne vois que lui.

Qu'est-ce qui se passe ?

Pourquoi est-il là ?

Nos yeux se confrontent, mon pouls s'emballe de sa présence inattendue, je sens mes tétons pointer sous mon top alors qu'il n'a prononcé que mon prénom. Ça, c'est l'effet qu'il a – encore – sur moi. Le titan a un pouvoir magique que les autres n'ont pas, mais c'est à ça qu'on reconnait les dieux des simples mortels, non ? Il peut me faire passer par toutes les émotions, m'en faire ressentir des dizaines à la fois, même antinomiques, même sans parler. Juste en me regardant comme il le fait. Avec cette intensité qui me fait me sentir différente, et pas dans le mauvais sens du terme, pour une fois.

J'inhale plus fort, cherchant son odeur comme preuve que tout est vrai. Elle est bien là, vient jusqu'à moi. Pas d'erreur, confirme la vague de picotements dans ma nuque qui descend mon échine jusqu'à mes reins. C'est son parfum, sa trace olfactive à lui, celle qui n'a que peu faibli sur le bandana qu'il m'a donné.

Et maintenant, on fait quoi ?

On reste là, à se regarder, peut-être pour jauger si nous sommes toujours apprivoisés, si le temps n'a rien altéré des pas en avant que nous avions faits avant mon départ précipité, la hache de guerre enterrée dans le sable ocre par notre corps-à-corps désinhibé. Je ne sais pourquoi il est ici, mais je ne veux pas un chaton docile, je veux le félin animal, le sauvage carnassier, le biker indompté, l'insolent au regard arrogant capable de me percuter en un souffle, de me mettre à terre en une caresse. Le fauve capable de me faire prendre les armes pour un combat même déloyal et me battre contre ce Goliath émérite si la victoire à saveur de sa peau, de nos gémissements mêlés, le son de nos bassins claquant l'un contre l'autre.

Ne pense pas à ça, Rose !

Trop tard. Ma respiration s'alourdit encore de la tension tangible qui paraît émaner de nos deux corps immobiles.

Si ma tête a été bien occupée depuis mon retour, que mon cœur n'a cessé de pleurer des absences, mon corps lui n'a pas arrêté de ressasser une unique nuit qui a irrémédiablement changé ma vision du sexe, du plaisir charnel. Grâce à lui, j'ai plus appris sur moi en quelques heures qu'en plusieurs relations, je sais ce que je veux, comment, mais plus encore, ce que je ne veux plus.

Je sais quel prénom je veux crier cette nuit.

Et là, tout de suite, je crois bien qu'il est le seul dont j'ai envie d'avoir envie. Mais pas si vite. J'ai appris à mes dépends qu'il faut toujours se méfier de l'eau qui dort et de l'homme aux réactions surprenantes et fantasques qui me domine de sa hauteur, à moins de deux mètres de moi, alors que mon corps veut s'aimanter au sien, sans savoir pourquoi il est là, simplement parce qu'il est là, si proche.

Le Colorado, ce n'est pas la porte à côté.

Tandis que sa bouche arque soudain un sourire en coin impertinent que j'ai très envie d'aller lui faire ravaler par des méthodes contradictoires, je sens mes défenses déposer l'artillerie à ses pieds avant même d'avoir bataillé. Il y a des regards plus éloquents qu'un long discours, plus vibrants que sa voix chaude et profonde, et cet homme vient de clamer en me détaillant de bas en haut que la flamme de son désir ne s'est pas éteinte depuis deux semaines.

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