𝟻𝟷 - 𝙲𝚊𝚜𝚎 𝚍𝚎́𝚙𝚊𝚛𝚝.

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𝐑𝐨𝐬𝐞.

Je traverse le jardin toujours en désordre plus vite que je ne l'avais jamais fait. Je suis folle de rage. J'ai doublé la course de mon taxi pour qu'il se démerde et fasse des miracles pour me déposer ici au plus vite. Je tape deux fois et rentre sans y être invitée. De toute façon, on a toujours fonctionné ainsi, tous les trois.

Quand on était encore trois.

— Rose ? s'étonne Orélia de me voir débouler telle une furie dans sa cuisine. Ça ne va pas ?

— Il est où ?

— Dans son bureau, qu'est-ce qui t'arrive ? Rose !

Je monte les marches deux à deux, le souffle court et le cœur sur le point de traverser mon sein gauche. La chaleur qui m'anime me fait transpirer depuis de longues minutes. Ni la climatisation ni les quelques larmes de frustration qui ont coulé sur mon visage ne m'ont apaisée. Je ne vais même pas avoir besoin de m'annoncer, les appels d'Orélia derrière moi ont déjà dû alerter « Monsieur Monbriand ».

Il est déjà debout lorsque je pénètre dans son bureau-bibliothèque. Je ne dois plus ressembler à rien avec mes cheveux en vrac et mon maquillage plus frais. Il s'approche, sourcils froncés, sa chemise bleue à moitié déboutonnée et sortie de son pantalon à pinces. Je ne sais même pas par où commencer. Le voir me fait mal, comme le jour de notre dispute chez mes parents. Déjà, j'avais eu cette horrible sensation que nous venions de nous séparer. Tout recommence, comme dans une mauvaise boucle.

Face à cet homme en qui j'ai toujours eu une confiance absolue, nos souvenirs communs sont comme amplifiés, pour mieux me transpercer. Je me prends une gifle en aller-retour, sans même qu'il ne m'ait touchée. L'image d'un « nous » enfants s'oppose à ce « nous » amoindri de maintenant, et ça me fend littéralement le cœur. Mes émotions n'ont plus de répit et je crois que c'est encore pire depuis que je me suis retrouvée seule sur la pelouse du Champ de Mars, après que Titàn ait profité du caprice de ma gourmandise pour éviter des au revoir. La fermeture de notre parenthèse a laissé une brèche ouverte.

Le Colorado s'est pointé dans mon monde pour me signaler que son air me manque. Je suis revenue pour Ashton, même si revoir Iris et Ben, et Orélia m'avait aussi fait du bien. Mais comme je m'en doutais, rien n'est plus pareil.

Roméo ouvre la bouche mais je suis plus rapide que lui et l'attaque en le frappant, poings fermés, sur le sternum :

— Il est où ? Dis-le moi ! Je veux lui parler, tout de suite !

— Rose, je t'ai déjà dis...

— Je ne te crois plus ! asséné-je en lui hurlant dessus. Je suis sûre que tu sais ! Tu lui as dit d'appeler McEmpoté !

— Regarde-toi ! Tu es totalement à la dérive !

Il crochète mes poignets d'un mouvement leste et m'oblige à le regarder dans les yeux. Ce n'est pas agréable mais j'ai déjà subi bien pire. Orélia tente de s'interposer mais elle n'est pas de taille dans notre bataille :

— Lâche-là, Ben.

— Laisse-nous.

Son ton sec et cassant la fait reculer d'un pas. Les amoureux se défient du regard tandis qu'une brève conversation silencieuse a lieu entre eux. Finalement, elle capitule et s'éloigne pour aller s'installer sur le grand sofa en velours pourpre, sans quitter la pièce, au cas où il lui faudrait nous séparer réellement. Elle nous connaît, elle sait de quoi nous sommes capables.

Mais on vient de rentrer dans une autre dimension.

— N'inverse pas les rôles, espèce de sale hypocrite ! Il est où ? En désintoxe ? C'est pour ça qu'il ne rentre pas ? Tu l'as fait enfermer quelque part comme tu veux le faire avec moi ?

SAUVAGESWhere stories live. Discover now