𝟹𝟾 - 𝚂𝚘𝚞𝚜 𝚌𝚘𝚗𝚝𝚛𝚘̂𝚕𝚎

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𝐓𝐢𝐭𝐚̀𝐧.

   Je monte les marches en direction de la Chapelle plus vite que d'habitude, pas de temps à perdre. Aujourd'hui je devais zapper le boulot pour une fois et ne me consacrer qu'à Rose. Mais voilà, on a beau tout prévoir sur un putain de papier à musique à l'encre indélébile, il y a toujours un truc qui foire quand il ne faut pas. Mon grain de sable ce matin s'appelle Austin Jansen et rien que pour le timing, j'ai envie de le coller au trou pour les deux prochains mois, pas juste !

   Il me les aura brisées jusqu'à son retour, celui-là !

   Cinq mois que je veux le faire sortir de taule et il n'accepte que parce que sa nana est enceinte. On attendait la date de sa libération, c'est tombé ce matin : le hollandais sera dans nos murs dans moins de quarante-huit heures. Je sais que Jude m'a dit qu'il allait gérer mais ça, ça vaut bien que je décale mon planning perso d'une petite heure. Et au moins, Rose a pu aller préparer ses affaires discrètement. Je salue les quelques Dark qui s'affairent à leurs tâches et entre comme un boulet dans la grande salle que seuls peuvent normalement fouler les membres de La Haute. Lenny, Jude, Luka, Deacon et Diesel sont là et cessent leur conversation à mon arrivée.

   Jude me demande, étonné :

— J'ai loupé une info, Boss ?
— Non, fallait que je vienne. Vous en êtes où ?
— C'est quoi ce sourire sur ta tronche, Pres' ? Raconte !
— Ferme-là Lenny !

   Je ne vais quand même pas lui répondre que mon sourire c'est Rose. Rose et ses conneries. Rose et ses vannes pourries qui se foutent de ma virilité avant même que je n'aie pris mon petit-déjeuner. Rose et son corps nu sous ma douche, dans ma piaule «maison-rocher». Rose qui m'embrasse comme personne avant elle ne l'avait fait, comme si chaque baiser était notre dernier. Comme si sa vie dépendait de son manque de souffle lorsque nos lèvres se dessoudent. Rose qui m'embrase. Rose qui me retourne le cerveau et me tatoue à un endroit qu'elle ne devrait pas atteindre. Non, je ne peux pas lui dire que je vire aussi con que je deviens poète de mes deux quand je suis avec elle, sans elle, quand je pense à elle, comme si Jude et ses mots de Cupidon un quatorze février m'avaient contaminé.

— Oh allez connard, fais tourner ! enchaîne Luka qui se marre avec son air graveleux habituel. C'était qui ?

Si tu savais, tu rirais moins, Papi !

— T'es pas drôle Titàn, insiste Lenny. Avec qui tu t'es consolé de tes jours d'absence, cette nuit ?
— Tu m'as pris pour Monsieur Loyal, Ducon ? fais-je en m'asseyant. Je suis pas là pour te divertir. Occupe-toi de Tayla, pas de mon pieu.
— Donc y'a matière à discuter, conclut Deacon, puisque je n'ai pas refuté l'idée que j'ai passé une bonne nuit.

Gros euphémisme.

— Alors ? renchérit de plus belle Lenny, les mains croisées derrière son crâne avec un sourire persifleur en coin.

   Je rêve ou sa barbe me sourit elle aussi ?

   Mais non, je ne peux pas leur dire qu'avant ils me taxaient tous d'enfoiré pour n'avoir comme rencard que des coups d'un soir ou presque, d'en avoir fait ma seule feuille de route et que j'assumais pleinement cette direction mais que ce matin, quand je dissèque contre mon gré la situation dans laquelle je suis depuis des semaines, j'ai largement passé le stade de l'enfoiré. Rose et moi, c'est le truc impossible. Un interdit dangereux que je m'étais pourtant défendu d'approcher.

   Puis je me suis promis l'exception pour une nuit parce que le seul moyen d'annihiler la tentation, c'est d'y succomber. Sauf que je n'avais pas prévu ça : que l'épineuse soit empoisonnée et qu'au lieu de me purger de ce désir qui me consumait je la laisse tisser une toile en moi dont je ne suis même pas sûr d'avoir envie de contrôler l'ampleur. Mais je le fais. Je maîtrise parce qu'il le faut, que je garde en tête qu'elle rentrera bientôt à Paris.

SAUVAGESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant