𝟻𝟹 - 𝙴𝚟𝚎𝚛𝚢𝚋𝚘𝚍𝚢 𝚕𝚒𝚎𝚜.

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𝐑𝐨𝐬𝐞.

— Peu importe le nom que je lui ai donné à sa naissance, Rose. Toi, tu l'appelais Maman.
— Vous... vous êtes le père de Grace.

Le père de ma mère.
Je dégringole dans mon corps. Encore et encore. La vérité était toute proche, mais je ne l'avais pas vu venir. Pas comme ça.

Pas ici. Et même si finalement, je ne suis pas prête, elle va m'emporter.
La claque est cataclysmique.

Il hoche la tête, le menton chevrotant. Je ne sais pas comment je tiens encore sur mes genoux.

— Elle ne s'appelait pas Grace, n'est-ce pas ?

Ni Grace Fox, à fortiori.
Il ballote un « non ».

— Comment ? formulé-je du bout des lèvres, sonnée.
— Agatha Abequa Skye Hollanders. Abequa signifie...

— Fleur, dis-je par-dessus son inflexion devenue plus alanguie.
— Oui. C'est ça. Bella ?
— Non, Winny, chuchoté-je pour expliquer ma capacité de traduction. Comment... comment avez-vous su pour...

Flashback. Migraine. Cri silencieux.

Je me pétrifie et énonce avant d'éclater en sanglots, perdant mes repères dans la pièce :

— Bella ! Je l'ai dit à Bella. Pour mes parents... c'est comme ça que vous... Non, non non non non...

Je l'ai simplement cru empathique, mais je venais de lui annoncer la mort de deux personnes qu'elle connaissait. Je ne sais quelle force me soutient, je me lève et tourne en rond, mais rien n'égale la tornade qui fait rage en moi. Plus de 225 jours s'emboutissent dans ma tête. Les paroles et paraboles étranges de mes logeurs, Kanda, Yuma, Emmett et Wayne se superposent pour former une cacophonie terrible : celle de la trahison ; collective. Je suis arrivée ici en voulant me fondre dans la masse et n'éveiller aucun soupçon pour me protéger, les protéger, sans me douter une seule seconde que déjà, j'étais démasquée.

Mais tous se sont tus.

La plaie la plus infectée n'est à présent plus celle de ma main – si tant est qu'elle l'eut été un jour –, mais la meurtrissure profonde du mensonge dont se sont rendues coupables plusieurs personnes, depuis des semaines. Vraisemblablement depuis mon arrivée. Je ne comprends pas. Si j'ai dissimulé les raisons de ma venue, pour enquêter discrètement mais aussi ne mettre personne en danger, lucide sur qui je pensais trouver – des enfoirés de criminels –, je n'ai pas l'impression d'avoir griffé des cœurs jusqu'à les laisser à terre, le pouls quasi-inexistant tant l'étau qui l'enserre – le mien – est féroce. Tous savaient mais aucun n'a parlé. Tous ont discuté avec moi sans évoquer le plus important.

Jusqu'où est allée leur obsession du silence ?

La poigne contenue de Walter essayant de me consoler interrompt mon fil toxique.

— Il faut que tu te calmes, Petite, me secoue-t-il comme pour me remettre les pensées en place. Bella et Gary ne savaient pas mais moi, oui. Ils se doutaient qu'il se passait quelque chose...
— Pourquoi ? le questionné-je. Pourquoi se doutaient-ils ?
— Ils ne donnaient plus de nouvelles, m'explique-t-il les yeux chargés de peine. Le mensonge est un trajet nécessaire si l'objectif est pur, Rose.

Nouveau sanglot. Nouveau coup de couteau.

— On avait choisi de les épargner tant que nous le pouvions. Quand tu t'es installée à la Pension, ce n'était plus qu'une question de jours, nous le savions. J'ai bien eu l'intention de les prévenir, pour qu'ils se préparent à entendre ce qu'aucun de nous n'aurait cru éprouver de notre vivant. Pas une seconde fois. Mais...
— Si ça venait de moi, elle n'avait pas à jouer la comédie. Ni lui, ni elle.

SAUVAGESWhere stories live. Discover now