𝟷𝟷 - 𝙻𝚎 𝚍𝚘𝚜𝚜𝚒𝚎𝚛 𝚂𝚊𝚠𝚢𝚎𝚛.

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Titàn.

     Le silence se fait lorsque je rentre dans la chapelle et que mes frères comprennent que je ne suis pas d'humeur à tailler bavette pour ne rien dire ce matin. On a du pain sur la planche, et j'ai les nerfs en pelote emmêlée et trempée dans de la bouse nauséabonde. Je viens de passer plus d'une heure au stand de tir pour me défouler, mais rien n'y a fait. Mon esprit rejoue en boucle la fin de soirée d'hier, sans que je ne puisse rien faire pour tout stopper.

      Putain, ça va être une belle journée de merde !

     Comme un mauvais sort qu'elle m'aurait jeté, la volonté de Naya s'est réalisée : je n'ai pas fermé l'œil de la nuit ; ou à peine. J'ai fait des micro-coma de vingt minutes, et encore ; c'est pire que tout. J'ai les cernes dans les pompes et la tête dans le cul d'un cheval un jour de diarrhée. À la liste de mes préoccupations s'ajoute donc l'obligation d'aller me purger au plus vite de ces pensées qui me parasitent au point de me sentir empoisonné. Ce n'est pas le moment de perdre en concentration, on a des décisions à prendre, et le calendrier qui avance jour après jour met grandement à mal ma patience. J'ai la rage alors que je dois garder la tête froide.

     Je flanque tout sous un tapis épais, et j'irai faire un tour à Summer Creek pour enrayer le problème, entre deux conneries à gérer.

     Oui, je m'enterre la tête dans le sable pour le moment.

     Sans surprise, Tayla m'a fait la morale sur mon attitude d'ours rustre et injuste, en plus d'être un danger pour la santé physique et psychique de l'intruse. Ou du moins, elle a essayé. Je l'ai laissée brailler pendant cinq minutes qu'il fallait que je me reprenne, que juger sur un a priori, ce n'est ni digne de moi, ni de mon éducation, ni d'aucune des valeurs que nous portons depuis trois générations ici. Puis je me suis barré, ayant pris la décision que cette semaine, j'allais faire un ménage de printemps en bonne et due forme, même si nous approchons du solstice d'été, pour remettre tout le monde dans le droit chemin. C'est moi le meneur, bordel de merde !

     Super meneur, ouais. Bravo mec !

     En réalité, je sais que Tayla a raison sur toute la ligne. Celle que je lui ai laissée le temps d'écrire. Mais je me passerais bien d'aller le lui dire. J'ai eu tout le temps de faire mon introspection. Si je m'étais vu de l'extérieur, je me serais foutu des coups dans la gueule jusqu'au KO. Mon père m'aurait, lui, probablement lapidé jusqu'à ce que mort s'en suive. Cette nana ne m'avait rien fait personnellement. Je ne l'ai pas laissée en placer une et si je lui avais accordé le droit de se défendre, l'issue aurait été bien différente.

     Enfin si, elle a eu le temps d'ouvrir la bouche, mais l'entendre encore m'appeler par un sobriquet débile a éradiqué le peu de bon sens qu'il me restait à ce moment-là.

     J'ai tiré des conclusions prématurées parce que ça m'arrangeait. Je voulais protéger le clan d'une potentielle nouvelle menace masquée dans une petite silhouette toute en courbes affriolantes à faire bander un bout de bois séché. Mais j'ai pour mantra que mieux vaut être trop suspicieux que laxiste quand la sécurité de tout et chacun est en jeu. La tension avec les Red Roads m'a contaminé jusqu'à la moelle. Pourtant, je ne peux pas m'empêcher de penser que je passe à côté de quelque chose, à propos de La véto. Il y a une sorte d'alarme dans mon crâne en permanence. Elle sonne depuis que mes yeux ont croisé les siens. Là, je me suis pris une tornade en pleine gueule, et avec de l'élan.

     C'est pas une heure qu'il me faut à Summer Creek, mais plusieurs jours. Mais je n'ai pas ce luxe. Fait chier !

     Jude a tenu parole, mais je n'en doutais pas. Il l'a raccompagnée jusqu'à la pension, sans avoir pu aller au-delà du paillasson du chalet. Elle est restée clouée dans le silence tout le trajet. «Amorphe», d'après lui, le regard constamment tourné vers le bas-côté de la route, évitant le sien. Regard qui moi, me hante et m'a coupé le souffle à plusieurs reprises depuis qu'elle m'a tourné le dos. Littéralement.

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