𝟷𝟻 - 𝚃𝚘𝚞𝚝𝚎𝚜 𝚙𝚘𝚞𝚛 𝚞𝚗𝚎.

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𝐑𝐨𝐬𝐞.

Je quitte la station Louvre-Rivoli et retrouve l'air parisien, non sans un certain soulagement. Les odeurs d'urines et de transpiration mêlées qui sinuent dans le métro ne m'avaient pas manqué. Je préfère de loin les émanations d'hydrocarbures au festival d'effluves corporels.

Mes poumons libérés de leur apnée, qui fut entrecoupée de quelques reniflages de bandana, je déverrouille ma fidèle trottinette avec nostalgie. Aujourd'hui est le jour des premières fois. Première fois que je revenais seule sur la tombe de mes parents – et sans mon fauteuil. J'ai convaincu Ashton qu'il pouvait se passer d'un vol aller-retour car j'allais m'en sortir comme une grande. Interdiction pour lui de remettre les pieds à Paris avant que son mariage ne soit fin prêt. Il a sa vie à vivre, une nouvelle à accueillir.

Première fois que je reprenais le métro. Retourner sous terre était une source d'angoisse sur laquelle ma psy et moi avons travaillé ; j'ai besoin de reprendre les transports en commun. J'espère que mes trois followers, qui ne me quittent jamais mais doivent rester à bonne distance, ont apprécié la balade ainsi que les découvertes olfactives inhérentes au métro. C'est sûr, ça doit radicalement les changer de leurs engins rutilants !

Cadeau, les hirsutes !

Ce soir, c'est surtout la première fois que je passe une soirée en dehors de la maison. J'ai hâte autant que j'appréhende, mes émotions sont encore en dents de scie. Depuis que mon moral va un peu mieux, Orélia, Iris, et quelques fois Chrystel – qui n'a reçu qu'une version condensée et très censurée de mes « aventures » – sont venues passer des soirées avec moi. On a rentabilisé mon abonnement Netflix, dévalisé plusieurs rayons sucreries de l'épicerie de quartier, commandé des pâtisseries personnalisées à Marion pour me remplumer – sorry, les cinq fruits et légumes par jour –, et maudit à peu près tous les hommes carriéristes de cette planète.

Quant à Kourtpouff, j'espère qu'elle a senti chaque aiguille que j'ai plantée dans la poupée vaudou à son effigie que m'a offerte Iris.

Que ferais-je sans cette folle ?

Mes sourires jubilatoires étaient presque jouissifs. Voilà à quoi en est réduite ma vie sexuelle. C'est pathétique, mais cette poupée est hyper thérapeutique.

Bien droite sur mon destrier électrique, je jette un dernier coup d'œil aux trois hommes qui vont devoir se débrouiller pour me suivre. S'ils avaient encore espoir que ma trottinette ne soit qu'une plaisanterie à leur dépens, ils vont vite descendre de leur nuage. Ils ne veulent pas investir ? Tant pis, ils pourront toujours courir ! Littéralement. Je me trouve déjà sympathique de leur fournir mon emploi du temps. Ils savent que je me rends à Châtelet, dans un resto italien tendance avec buffet à volonté qu'Iris voulait absolument tester. Qu'ils s'estiment heureux, elle leur a réservé une table. Mes trois mousquetaires trop fiers pour emprunter des vélos ou trottinettes vont pouvoir se régaler eux aussi. Aux frais du MC.

Je m'élance sur la rue de Rivoli. Dans mon dos, le musée connu du monde entier pour accueillir la Joconde s'éloigne et je retrouve mes réflexes. Le visage ouvert à l'air frais de début novembre, je desserre mon écharpe et me laisse porter par un sentiment étrange que je ne sais définir. Pas tout à fait la liberté, mais plus vraiment l'étranglement qui me tenait dans son étau à mon retour à Paris. Les lumières de la ville éclairent mon chemin, la piste cyclable me permet de me sentir en sécurité.

Je passe devant les galeries de la Samaritaine, me faisant la réflexion que mes Mousquetaires auraient besoin d'un petit relooking pour mieux se fondre dans la masse. L'idée séduisante de passer un après-midi dans une boutique de lingerie fine me traverse ensuite, juste pour voir si l'un d'eux oserait rentrer pour bien obéir aux ordres. L'effet kiss cool de ma blague avortée dans l'œuf ne se fait pas attendre : je ne peux pas faire ça. Ce serait surtout me torturer que de déambuler au milieu de vêtements que je ne me vois plus jamais acheter.

SAUVAGES | En pause jusqu'au 6 octobre 2024Where stories live. Discover now