𝟹𝟷 - 𝙰 𝚙𝚑𝚘𝚎𝚗𝚒𝚡 𝚕𝚒𝚎𝚜 𝚒𝚗 𝚊 𝚋𝚛𝚘𝚔𝚎𝚗 𝚑𝚎𝚊𝚛𝚝.

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Rose.

Insoumise et libre.

Mais bien sûr, Rose... Tu en as d'autres, des comme ça ?

C'est fou, cette capacité qu'on a de se bercer de jolis dénis lorsqu'on se retrouve en pleine tempête. On cherche l'espoir où on peut, même dans une issue de secours aux allures de mirage. On fonce, quelquefois on s'enfonce. J'ai touché le fond alors que je me croyais en bonne voie vers la surface.

— Mais oui... toi aussi tu me manques.

— (...)

— Eux ? Humm...

Avachie sur mon pouf poire XXL, Winny pivote vers moi, mue de son habituelle indiscrétion. La lumière tamisée de l'applique murale se reflète sur ses cheveux ébène tandis que son regard inquiet me scanne avec une attention malaisante.

— Oh. Il t'a dit quoi, exactement ?

« Il ».

Titan, évidemment. Qui d'autre ?

Mon myocarde déjà passablement esquinté s'affole dans ma poitrine figée. J'ai l'habitude. Sauf que je suis arrivée à un point où je ne le supporte plus. Je ne supporte plus grand-chose, à vrai dire. Surtout pas moi. Ce soir, j'ai atteint mon point de rupture, outrepassé ma ligne rouge. Juste comme ça, en quelques mots que je n'aurais pas dû prononcer. Mais je l'ai fait, malgré moi, en dépit de mon propre balisage. Une sortie de route qui a eu le mérite de me secouer suffisamment pour me faire ouvrir les yeux.

À croire que je n'intègre les évidences que lorsque la douleur devient insupportable...

Je fixe mon amie dont le soudain sérieux ne me laisse pas de marbre. Je ne sais pas ce que son grand biker lui raconte, mais, depuis mon lit, je discerne que leur conversation est bien moins joyeuse qu'il y a deux minutes. Qu'ils parlent de Titàn et moi. Pas nous.

Parce que « nous » n'existons toujours pas.

Bien sûr, Winona la tornade sait que j'entends tout ce qu'elle raconte à sa moitié, l'homme que son cœur a choisi et qui le lui rend bien. Elle aurait très bien pu s'isoler ailleurs dans la maison, même si presque toutes les pièces sont occupées ce soir. Il restait bien la chambre de mes parents qui elle, n'accueille personne. Impossible. Ash et moi ne sommes pas prêts à y toucher, c'est tout juste si on parvient à la traverser pour aller aérer et ouvrir les volets. On ne tient pas à en faire un mausolée, mais ces douze mois derrière nous ont encore l'âcre saveur d'un hier. C'est trop tôt même si aujourd'hui, mon +1 et moi leur avons enfin et officiellement dit « au revoir ». Ensemble.

Je vois Winny opiner du chef, les lèvres pincées et le regard navré. Le même que Deacon m'a lancé au cours d'un entraînement. Elle lâche ensuite, du bout des lèvres, comme si elle avait peur que les vibrations de ses mots ne m'atteignent trop :

— Ils avancent, ils vont y arriver.

Je détourne les yeux pour m'enfouir sous ma couette. Ce soir, ma tête a fini par appréhender une vérité qu'elle n'avait pas perçue plus tôt. Ne me reste plus qu'à faire entendre raison à mon cœur. Et à m'excuser auprès de celui qui le retient en otage. Celui qui semble porter un dilemme dont je vais le libérer.

***

Un mois plus tôt.

— C'est bon pour aujourd'hui, Calamity.

Je me retourne vivement vers Deacon, cherche à lire dans ses iris ébènes à quel point son « bon » signifie « catastrophique » et son « Calamity » « Super Calamity ». Je ne décèle finalement qu'une lueur amusée et une certaine dose de fierté au coin de la bouche étirée de mon formateur. Ce n'est peut-être pas si mauvais que ça, tout compte fait. Mais ce n'est pas une raison pour m'arrêter. Je dois progresser.

SAUVAGESWhere stories live. Discover now