𝟷𝟸 - 𝚃𝚎̂𝚝𝚎𝚜 𝚎𝚝 𝙴𝚜𝚙𝚛𝚒𝚝𝚜.

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Titàn.

    Je me gare devant la bâtisse à l'ombre d'un platane. Plusieurs bécanes sont là. Je peux faire l'appel mentalement en un coup d'œil.

     Je me dirige directement dans le jardin arrière en passant sur le côté gauche, espérant ne pas me faire repérer par mes gars. Pas immédiatement. Non pas que je les évite, mais nous avons déjà tenu une assemblée extraordinaire ce matin aux aurores, avec les Lakiens, pour annoncer ce dont nous avions été mis au courant il y a maintenant trois jours, en tentant de prendre le recul nécessaire, sans perdre toutefois trop de temps. Un dosage complexe.

     Soixante-douze heures, c'est le temps qu'il nous a fallu pour encaisser, enquêter, et décider des actions à mener. Si nous étions prêts à assumer les conséquences. Moralement. Humainement, aussi. C'est une chose de se faire prendre par surprise là où on ne s'y attendait absolument pas. C'en est une autre d'officialiser une guerre, car cela implique que nous sommes en paix avec la possibilité de revenir moins nombreux qu'en quittant la base. Et puisque ce ne sont pas que les membres directs du Club qui sont concernés mais bien le Clan dans son ensemble, civils inclus, nous avons choisi la transparence sur la situation. Du moins, en révélant ce que tous étaient en droit, et en devoir de savoir.

     C'est une guerre à laquelle chacun participe à sa manière. Les civils en restant sur leurs gardes, en se déplaçant armés s'il le faut, ou en demandant à ce qu'un de mes hommes se déplacent en renfort avec ceux qui bossent en dehors de Canyon Lake. Nous avons donc opté pour des cortèges. Deux le matin et deux le soir. Nous avons aussi proposé à tous ceux qui le voudraient de les reloger ailleurs, loin d'ici, en attendant que les choses soient réglées. Mais personne ne veut partir. Je ne peux pas les obliger. Après tous, ils sont autant chez eux ici que moi.

     Je passe la petite roseraie dont Bella est très fière et qu'elle entretient avec amour depuis plus de deux décennies, qui mène à l'endroit qui m'intéresse, un sourire fugace s'étirant sur moi à la vue des fleurs ouvertes et odorantes. Seul accès direct au parc, au patio, mais aussi au chalet où la française est installée. Mes pas sont empressés, alors qu'une appréhension s'empare de moi. Je n'ai pas patienté trois jours pour me pointer ici, non. Mais la propriétaire des lieux m'a viré lors de mes deux autres tentatives pour venir parler à sa locataire.

     Mais aujourd'hui, il faudra me passer sur le corps !

     J'arrive à l'angle de la propriété, et c'est là que je l'entends, avant même de la voir. Ou plutôt que je l'entends, lui. Son rire. Pour la première fois, je perçois ses éclats de joies francs. Ils sont un chant qui me foudroie sur place. Un choc électrique qui me traverse à me faire griller tout entier. Je suis frappé par la mélodie de cette spontanéité, oubliant un instant l'état dans lequel le coupable que je suis l'a laissée l'autre soir. La balle que j'ai tirée sur elle sans manquer ma cible.

     Ayant bien l'impression que cet instant a duré une heure et que j'ai bavé comme un bouledogue en manque d'eau, je m'essuie la bouche d'un revers de la main pour reprendre une contenance, me sentant soudain trop à l'étroit dans mon froc. Peine perdue. Mon regard est attiré par elle, sous l'ordre de mes oreilles qui leur montrent le chemin. La seule voie à suivre.

     Putain qu'est-ce qui m'arrive ?

     Elle m'a détraqué les sens, cette nana. Je me sens dispersé comme la vitre que j'ai brisée au QG. Un tuyau d'arrosage dans sa main droite, je crois qu'elle joue avec Zeus et Atlan à cause de la canicule, avant de me rendre compte qu'elle ambitionne de les rincer de la mousse qui les recouvre. J'observe la scène que je ne veux pour rien au monde déranger, avec la plus grande des difficultés à ne pas rester planté comme un con, les yeux uniquement rivés sur son corps.

SAUVAGESWhere stories live. Discover now