Chapitre 152

21 5 0
                                    


L'immensité de l'univers se déployait devant lui, la Terre en premier plan. Existait-il une prison si vaste et tant capable d'induire dans les âmes un si profond sentiment d'isolement et de solitude ? Probablement pas. Pourtant, il n'avait d'autre choix que de se perdre dans les étoiles. Que de regarder la planète d'où on l'avait déraciné. Son corps entier était immobilisé. Contre un disque épais en BoisFer adamantin de taille humaine, fixé à la paroi métallique de son étroite cellule. Un carcan lui enserrait étroitement le cou. Des entraves lui meurtrissaient les poignets et les chevilles.

Cela faisait plusieurs mois depuis son incarcération. Soixante-douze jours très exactement.

Sans manger, ni boire.

D'après la position de la lune par rapport au soleil et à la Terre, on avait une conjonction. Une lune noire, plus précisément. Le satellite naturel de la Terre se trouvait très proche du plan de l'écliptique. En conclusion : une éclipse avait débuté depuis moins de cinq minutes au-dessus de l'Europe de l'Ouest. Une éclipse totale probablement...

Encore une éclipse...

Et ce malaise...

Soudain, il aperçut des éclats lumineux et des lueurs dont l'origine ne faisait aucun doute. Les battements de son cœur s'accélérèrent brusquement. Non, c'était impossible ! pas à nouveau ! Il s'agita violemment dans tous les sens, essayant de se libérer jusqu'à ce que ses poignets et ses chevilles fussent en sang. Sans succès. Ils avaient conçu ces impedimentas pour des prisonniers ayant la force de quarante Tanakim. Sans son neshir, son corps n'avait que celle d'une trentaine...

Pour qu'il les vît de l'espace, les dégâts engendrés devaient être colossaux. Une autre guerre ! Pourquoi ? Pourquoi les hommes recommençaient-ils à s'entretuer à grande échelle au risque de s'autodétruire ?

Il n'avait jusqu'alors qu'une seule consolation dans la solitude de cette prison. La pensée qu'il s'en était allé en laissant la paix sur la Terre, mais le chaos se répandait à nouveau, comme une gangrène, une maladie, l'empreinte du mal originel.

De tristesse et de colère. Le cœur d'Edward Lukeni se craquela.

— J'ai échoué... murmura-t-il sombrement, la voix brisée, la gorge serrée. Orion, mon fidèle Orion, qu'as-tu fait ?... Tu étais la dernière de mes Lunes... Et tu...

Il ferma les yeux, la mâchoire crispée, tandis que des larmes coulaient sur ses joues.

— Les autres se sont-ils également retournés contre leur Seigneur Jovien ? Contre mes A'shua Meno ?

Probablement. Car ce qu'il voyait ne se serait jamais produit sous leur garde. Ils ne l'auraient jamais permis. C'était une conspiration... Orion, le plus puissant d'entre eux, à leur tête... Et pour quoi faire ?

— Pour quoi faire ? rugit-il de colère. Pour détruire la Terre, une Terre pour laquelle nous avons sué sang et larmes afin de pouvoir habiter de nouveau sa surface ? Une terre que nous étions censés garder et protéger des affres des ténèbres qui la parcouraient.

Ses poings tremblaient de rage.

— Une guerre, Orion Eldar ! Pourfendeur du Ciel ! gronda-t-il de fureur. Pour une guerre ? Alors que nous venions à peine de nous débarrasser de ces satanés Reiishirins...

La première fois qu'il l'avait rencontré, c'était sur l'île de Savai'i après qu'il eût sauvé l'île de sa destruction. Il était haut comme trois pommes, un petit rouquin dans les bras de sa mère. Il n'avait jamais rencontré de garçon aussi intrépide et à l'esprit aussi vif. Il l'avait élevé comme son propre fils et l'avait pris comme son élève avant d'en faire l'une de ses Lunes. Un de ses plus proches lieutenants. Son sang d'airain était dense. Plus dense que celui de toutes ses autres défuntes Lunes, mortes lors de la Guerre d'Airain.

Ignemshirs - Tome 1 :  Fils des Cendres (ANCIENNE VERSION)Where stories live. Discover now