Chapitre 144 : Princeton Jones, le Cavalier Foudroyant

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 Evan pressa avec trois doigts le manche tactile de son pinceau et appliqua la peinture mouvante sur la toile déjà recouverte d'une esquisse et de plusieurs tâches de peinture aux couleurs froides fluctuantes. Il faisait nuit, le ciel étoilé, les nuages absents, surplombaient les Ruines éclairées partiellement par les projecteurs flottant et recouvertes de leur voile pur et glacé. Au loin tout n'était pratiquement que ténèbres, mais dans cette pénombre absolue et lointaine, il captait un mélange de péril et de solitude.

C'était cela qu'il voulait reproduire sur cette toile. Il était assis sur un tabouret sur le grand balcon de son penthouse, vêtu d'un tee-shirt métajustable Edwin&Jones qui aujourd'hui était bleu marine avec des traits jaunes et du pantalon ample et confortable de son pyjama. Le vent hiémal soufflait avec ardeur et sa peau était brûlante. Il était à l'aise. Ce vent glacial avait quelque chose revigorant et semblait affûter sa sensibilité.

Il programmait la peinture à l'aide des quatre boutons tactiles du pinceau. C'était un processus assez difficile à appréhender mais on s'y faisait très vite. La toile qu'il avait commencée était différente de celles que Charlaine détestait. Celles qu'elle mettait un point d'honneur à brûler une fois qu'il les terminait. Voir brûler les toiles sur lesquelles il avait déversé son mal-être, même si cela lui pinçait légèrement le cœur, avait au final, un effet bénéfique sur sa psyché mais malgré cela, si la jeune fille ne le faisait pas, il n'en aurait pas la force.

La peinture était son exutoire, un moyen de cristalliser les sentiments et les pensées qui le tourmentaient. Ces derniers temps, à chaque fois qu'il peignait, il pensait à la toile peinte en revenant du Manoir des Samba mais le souvenir était voilé. Il n'y avait rien qu'il pouvait faire pour le clarifier. Et pourtant au fond de lui, il avait le sentiment, une sorte de certitude mêlée d'angoisse qu'il était primordial qu'il s'en souvienne. Il y avait quelque chose dessus de très important. Pas uniquement pour lui. C'était plus général. Comme la vision d'ensemble de choses, mais il ne savait pas de quoi exactement. Cette impression était dérangeante et le perturbait bien plus qu'il ne le voulait l'admettre.

Soudain, il vit au loin dans le ciel, venant du sud-ouest, une tâche plus sombre que le manteau nocturne, qui se déplaçait. Elle semblait venir dans sa direction. On aurait dit des nuages gorgés d'éclairs mais leur trajectoire n'était pas naturelle. L'atmosphère changea brusquement, devenant comme celle précédent l'éclatement d'un orage. L'air était lourd et épais, même humide, malgré le froid mordant. Evan se leva, ne pouvant s'empêcher d'esquisser un sourire carnassier et se précipita vers la table de jardin en bois clair, dans le grand rectangle de gazon où plusieurs arbustes et arbrisseaux étaient plantés. Il s'y saisit de sa corne. Il rompit le contact entre la corne et son neshir. Un tourbillon de fumée grise et pourpre jaillit de la poignée où était apparu la garde courte et incurvée semblable à l'extrémité d'un plumage. Il se solidifia en une lame alors qu'il relâchait son atmosphaira en s'élevant au Crépuscule. Un éclair fendit le ciel droit sur lui dans le grondement d'un tonnerre monstrueux. Il frappa l'éclair en réalisant le momentum le plus rapide du Lon-Shirkairon, Typhéus, la Lame du Vent à une vitesse qu'il ne se souvenait pas avoir déjà atteint. Une onde de choc se propagea dans l'air. Il grimaça, les yeux fermés afin de ne pas être éblouie tandis qu'il sentait la violence du choc se répandre dans les os de ses bras, de son dos et de ses jambes plantées solidement dans le sol. Il entrouvrit légèrement ses paupières et vit la lumière solide et les éclairs liquides se muer en une grande silhouette athlétique environnée d'arkas dorés, en apesanteur à un mètre du sol, qui tenait dans sa main une épée faite d'éclairs et d'arkas rubis qui oscillaient autour dont la lame était pressée contre la sienne. La silhouette se précisa. Elle portait une armure shirag constituée de plaques de BoisFer nélamique sculptées d'une multitude de plumes métalliques noire aux reflets verts et or semblable à des écailles et des Chesterfield noires renforcées. Il était coiffé d'un casque noir arborant le bec et les yeux d'un aigle sur le front, le contour du visage à découvert pourvu de trois serres de part et d'autre. Des flammes ardentes brûlaient sur le sommet du casque comme une houppe. Les semelles de ses bottes touchèrent doucement le sol comme s'il était aussi léger qu'une plume. Les flammes s'éteignirent brusquement et le casque sembla fondre et disparut dans le col épais de la cuirasse révélant un visage irréel aux yeux dorés et dont la peau parcourue de veine de lumière reprenait petit à petit un aspect normal.

Ignemshirs - Tome 1 :  Fils des Cendres (ANCIENNE VERSION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant