Chapitre 41 : Le Journal de mon père

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Le jeune ignemshir rentra chez lui un quart d'heure plus tard, Mickey lui ayant fait promettre d'initier une révolution et de renverser les Aurarques et les Imperators des Trois-Mondes pour instituer un nouvel ordre juste, bon et égalitaire pour tous en incluant les Compatibles. Afin qu'ils eussent aussi le choix. Mais étant donné qu'il était sûrement le seul à le penser parmi les Compatibles qu'il connaissait, et le seul à remettre en question le processus de sélection et le système, une révolution n'avait aucun intérêt même si l'idée était séduisante...

Evan prit la porte menant au deuxième sous-sol où se trouvaient les locaux de stockage. Chaque appartement disposait d'un box. Les box s'alignaient le long d'un couloir étroit aux murs défraîchis et crevassés. Evan s'arrêta devant le dernier box, le numéro cinquante. Le vieil écran tactile recouvert de rayures s'illumina au contact de sa paume et il composa un numéro à onze chiffres. La grande porte se souleva lentement. Des rangées de caisses en plastique gris sombre empilées les unes sur les autres s'élevaient le long des murs. Une tablette contenant une série de photos de famille et de vidéos qu'il affectionnait particulièrement se trouvait dans la caisse où était rangée les vielles affaires à Sue. Il avait envie de se remémorer l'époque où sa jumelle et ses parents étaient encore de ce monde. Il lui fallut une dizaine de minutes pour finalement la retrouver. Cela faisait peut-être trois ans depuis la dernière fois. Il se mit en équilibre sur deux caisses et attrapa celle qui se trouvait au sommet d'une pile avec écrit Sue sur la plaque numérique. En le faisant, celle juste en dessous, à la plaque numérique affichant « BA-234-O-B98 », bascula et tomba sur le sol. Il redescendit, posa parterre la caisse qu'il avait dans les mains et ramassa l'autre en maugréant à voix basse. Une fine lamelle de plastique brisée tomba en même temps qu'une dizaine de petits patchs de stockage et un carnet numérique.

Il reposa la caisse, intriguée et ramassa le carnet de note. L'allumant, un genou à terre, l'écran s'illumina brusquement :

« Propriétaire du carnet : Kani Nakayi. »

Il appartenait à son père... Étrange. Il ignorait l'existence de ces affaires. Princeton les avait sûrement rangées ici après la mort de ses parents et donc avant même la mort de Sue. Il ramassa les patchs de stockages qui jonchaient le sol et les mit dans la poche de son chino bleu roi. Il posa les affaires de son père par-dessus celle de Sue puis le carnet de note sous le bras, il sortit du box avec les deux caisses.

De retour dans son salon, il le plongea dans une ambiance propice à la détente. Assis dans le canapé favori de Princeton, sur la grosse fourrure animale, les caisses posées à ses pieds sur le grand tapis, une bouteille de mourch à la main, il feuilleta la tablette. Les photos et les vidéos de cette époque, où ils étaient tous encore en vie, l'emplirent de mélancolie. Ils lui manquaient tous tellement. La douleur qu'il ressentait était moins vive que d'habitude mais plus profonde qu'avant. Comme une cicatrice douloureuse par temps d'orage... Il posa la tablette sur la table basse en soupirant et s'adossa au canapé en fixant le plafond d'un regard vide. Ils étaient tous partis avant lui... En quoi était-il différent pour être resté ? Après une gorgée de son mourch, il prit le carnet de note. Au bout de quelques lignes Evan se rendit compte qu'il s'agissait plutôt d'un journal intime. D'après la date, son père avait vingt et un an lorsqu'il avait commencé sa rédaction.

Pendant quatre heures, il ne pût lâcher le journal, captivé par ce qu'il y lisait. Son père ne lui était jamais apparût sous l'angle par lequel lui-même se décrivait. Remplis de fougue et de hardiesse. Il était encore à cette époque étudiant au collegium Nosce, où il avait rencontré sa future femme. Il y étudiait la Physique des Aurores et des Ombres. La science qui regroupait toutes les lois et les principes régissant l'Ark. Seuls les scientis étant habilités à l'étudier.

Son père s'était révélé étonnamment critique envers le Skiantem. À de multiples reprises Evan avait été étonné des termes qu'il employait pour qualifier les décisions du Haut Conseil des Esprits, le conseil suprême du Skiantem, regroupant les esprits les plus brillants encore vivants sur les Trois-Mondes. Pour en faire partie, il fallait avoir mérité le titre de magister-spiritus, le titre suprême auquel tout scientis aspirait.

Lui qui alors aspirait à devenir magister scientis reprochait à l'organe suprême du Skiantem son manque de vision, et à la Grande Académie, son immobilisme, jugeant qu'ils étaient tous les deux responsables du peu de découvertes fondamentales en physique de l'Ark au cours des quatre-cents dernières années. Son père considérait que le haut conseil par son système de valeur conservateur, élitiste et peu méritocratiques, freinait et alourdissait le fonctionnement de la Grande Académie, l'entité qui sur les Trois-Monde supervisait les cursus des aspirants scientis dans tous les collegiums, les académiciens étant chargés de l'enseignement et de la supervision des thèses. Selon lui, la Grande Académie poussait les jeunes générations à vivre sur les acquis de ceux qui les avait précédés sans les encourager à approfondir ces acquis, convaincu qu'ils étaient, à cause de leur arrogance, qu'il n'y avait plus grand-chose à découvrir. C'était pour cette raison qu'il avait eu du mal à faire valider ses sujets de thèse. À cause du scepticisme des académiciens qui lui avait été attitré en tant que directeurs de thèse. Scepticisme partagé par le Haut Conseil des Esprits qui devait donnée son accord sur les choix de sujet des étudiants les plus brillants.

Son père, déterminé à faire la différence, ne supportait pas d'être bridé. Il était aussi insatiable pour la science d'avant l'Ashayshin peu connu et mystérieuse, que pour tout ce qui concernait une branche particulière de la physique des Aurores et des Ombres appelé la Mécanique Arkarienne, qu'il estimait incomplète. Sans parler de sa passion pour le garoway qu'il pratiquait assidument à Nosce.

Evan n'avait pu s'empêcher de sourire en voyant l'audace de son père alors qu'il n'avait que vingt-et-un ans, à peine trois ans de plus que lui n'avait actuellement. Son estime et son admiration grandi à son égard. À l'âge de vingt-deux ans, ce dernier prit la décision de résoudre le mystère entourant la mort précoce de l'Étincelle des ignemshirs dans l'espoir de trouver un remède, mettant ainsi en suspend l'ensemble des recherches qu'il menait déjà depuis un an, et ce, malgré le désaccord affirmé de ses directeurs de thèse. Il prit cette décision lorsque l'un de ses amis ignemshirs, un certain Rakan Piotr, perdit son Étincelle à la suite d'un duel qui avait failli lui couter la vie. A l'âge de vingt-quatre ans, il résolût ce mystère qui durait depuis plusieurs siècles, mais ce fût une victoire douce-amère car il ne parvint pas à trouver de remède à ce mal. Ce fût cette même année, alors qu'il était dans sa dernière année au collegium Nosce, sur le point de se faire renvoyer à cause de l'arrêt de ses travaux de thèses, du désintérêt pour les avis des académiciens censés le piloter et le peu de considération qu'il leur avait accordé au cours de ces deux dernières années, qu'il initia un nouveau pan de la physique de l'Ark qu'il appela la Systémique Spectrale. Cette découverte révolutionnaire lui permit de gagner le titre de magister scientis avant même de finir son année, un record toujours inégalé à la connaissance d'Evan. Les académiciens avaient bataillé pour l'empêcher d'obtenir cette récompense mais le Haut Conseil des Esprits ne tînt pas compte de leurs revendications. Il était le seul depuis que les Instituts des Trois-Ordres avait été créé à être passé du statut d'aspirant confirmé à celui de magister. Réellement, ce qu'il savait de son père, ce qu'il avait entendu concernant son génie et sa force de caractère n'était pas exagéré. Il avait lutté contre vents et marées pour faire ce qu'il estimait le plus juste même si cela avait mis son avenir en péril. Par égard pour son ami Rakan qui était mort quelques jours après son duel... Evan sourit le cœur rempli de fierté et frappé par cette facette de son père qu'il ignorait jusqu'à présent. Dans les secondes qui suivirent, une profonde tristesse le submergea au point que des larmes se mirent à couler sur l'écran du carnet... Un véritable homme de conviction à la volonté inflexible et qui tenait ferme face à toute forme d'adversité... 

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Ignemshirs - Tome 1 :  Fils des Cendres (ANCIENNE VERSION)Where stories live. Discover now