Chapitre 105 : La Noblesse d'Airain

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Salman Ruhk fixait Evan qui jouait au Go contre Jin Yung, l'actuel tertius. Il paraissait distrait bien qu'il fût clair qu'il était en train de remporter la partie. Tenant agilement la pierre blanche entre son index et son majeur, il la posa sur une intersection et Jin laissa échapper des jurons entre ses dents serrées.

L'Empereur Déchaîné  leva les yeux du plateau de jeu quadrillé en bois du jeu de Go et balaya la pièce de son regard intense, l'air impassible. Son regard se posa sur lui alors qu'il s'adossait à son fauteuil, laissant à son adversaire le temps de réfléchir à son prochain mouvement.

Salman déglutit et détourna les yeux mal à l'aise face à l'intensité de son regard. Il se dégageait de lui une aura si intimidante et son visage aux traits harmonieux irradiait d'une force tranquille et d'une sorte d'autorité. Le sujet de l'article qu'il prévoyait toujours d'écrire reporta son regard sur le plateau et l'ombre d'un sourire passa sur ses lèvres.

Contrairement à certains Fils des Cendres qui paraissaient être constamment sur leur garde, posant des regards devenus naturellement intimidants autour d'eux, Evan semblait plutôt se tenir en quelque lieu qu'il soit sur le trône de son palais. Il semblait n'avoir rien à craindre de personne et malgré sa place de quintus et la disgrâce qui semblait sur le point de s'abattre sur l'un des meilleurs éléments de l'actuelle génération d'alumni, rien dans son attitude ne montrait que cette situation l'affectait.

Salman avait été invité par Jeff car il était l'un des rédacteurs de l'Observer de Kiona Paine, ce qui pour n'importe quel aspirants scientis ou salomens était une position de choix. Car les rédacteurs étaient toujours invités aux évènements importants impliquant les Sha'Daigan de la schola car l'Observer avait un poids non négligeable dans la vie sociale des alumni et des apprentis des instituts des Trois-Ordres des Trois-Monde.

Salman ne pouvait s'empêcher d'être un peu jaloux d'eux. De les envier en les voyant tous réunis dans l'immense salon richement orné de vases, de sculptures kuba, nilotiques et peul de la demeure de la famille Samba. Les murs arboraient des grands tableaux offrant une vue figée sur différents paysages de la savane, du bassin du Congo ou du delta du Nil ou d'Okavango. Les couleurs chaudes, du brun et du rouge, donnaient à la grande salle de vie une ambiance chaleureuse et conviviale. Plusieurs tapisseries accrochées au grand mur représentaient des passages mythiques des Royaumes Oubliés d'Ishar, de l'Aube Grise ou de l'Âge des Immortels, certain représentant parfois des éléments d'ouvrages poétiques et de récits anciens d'auteurs célèbres.

Les meilleurs alumni du continent et parmi les meilleurs du monde étaient assis nonchalamment en compagnie d'autres filles et garçons de leur âge dans des fauteuils et ou par groupe dans les canapés capitonnés en cuir brun et en maroquin au milieu de la pléthore de coussin de velours et de laine rembourré de plumes d'oie et habillé de coton incrusté de raphia. Ils jouaient à des jeux de réalités virtuelles, poussaient des exclamations devant la demi-finale de garoway qui avait lieu dans la cité de Calcutta dans Fédération des Indes et du Bengale, faisaient une partie de jeu de plateau, discutant simplement parfois, un mourch à la main comme si de rien n'était.

Aux premiers abords personne n'aurait supposé qu'ils étaient pour un grand nombre des guerriers sans peur et sans pitié. Tant leurs apparats pleins d'élégance, veste shirag, et pantalon en tweed, mocassins ou bottes, chemise en coton agrémenté de lavallière shediméenne ou nœud grand-duc ou de cravates, pour les garçons ; chemisier en coton, jupe plissée ou à empiècement en tweed ou en coton avec parfois une veste shirag, pour les filles, leur donnaient l'air d'un groupe de fils et filles d'aristocrates nés avec une cuillère d'argent dans la bouche. Ils donnaient l'impression de n'avoir jamais eu de problème sérieux dans leur vie, et quand on les regardait de loin, ils ne donnaient pas l'impression d'être des jeunes hommes et femmes préparés à la guerre depuis qu'ils avaient quitté les jupes de leur mère. C'était des guerriers agissant comme des adolescents normaux mais aucun d'entre eux n'hésiterait une seule seconde à trancher la gorge de son voisin s'il se retrouvait face à face dans une arène.

Les amalias de sexe féminin, toutes issues des Familles Anciennes, Sang d'Acier ou Sang de Fer, étaient réunis pour la grande majorité dans une partie du grand salon doté de magnifiques meubles en ébène et en chêne, de tables basses aux designs recherchés. Autour d'un jeu de fauteuils et de canapés disposés à l'écart, elles discutaient par petits groupes. Scientis, salomen et Latentes Sha'Daigan étudiant dans de grandes universités de droit ou de commerce du Sagolem, elles étaient toutes présentes. Elles parlaient avec animation parfois en disputant une partie de dame, de Roi-Pion ou d'échec. Elles étaient pour la plupart belles et insouciantes, élégantes dans leurs toilettes hors-de-prix, confectionnés par les plus grands couturiers de la région de la France Septentrionale à laquelle appartenait la cité de Paris-la-Nouvelle. Elles avaient toute une ou plusieurs nattes tressées d'une certaine façon et chaque arrangement avait une signification dans le jargon soloménique, en générale l'emblème de leur famille.

Le hibou d'argent saisissant une flèche blanche dans ses serres, des Harrow, la panthère rouge des Samba, le cheval ailé enflammé des Laurent, descendant de l'Impératrice au Milles Flammes, Ambre Eulalie Laurent, la montagne noire surmontée d'un soleil des Livingstone et les symboles familiaux de nombreuses autres familles de Sha'Daigan et de Sha'Genji étaient brodés sur les vêtements des invités de Jeff. Mais il n'y avait pas que des amalias, il y avait aussi d'autres filles, en majorité également issu de Familles Anciennes.

Les amalias de sexe masculin côtoyaient les alumni, certains parvenant même à se fondre parmi eux, comme celui de Shana, la nona, Rodrick, un Latent Sha'Daigan solidement bâtis. Il étudiait le droit et finirait sûrement gouverneur d'une cité à un moment ou à un autre comme son oncle, Charles Gautret. Il arborait sur son polo le sceptre gris sur une lune blanche, symbole du Sang de Gautret. Mais à bien y regarder, leur regard intimidant, leur geste souples et précis, trahissaient la véritable nature des Fils des Cendres

Les Sha'Daigan organisaient ces brunchs assez souvent à tour de rôle mais Lucas le faisait le plus souvent. D'après ses sources, c'était l'une des raisons pour lesquelles Evan fuyait ces rassemblements comme la peste. Salman avait entendu dire qu'a de nombreuses reprises lors d'évènements similaires, ceux que l'on appelait le Trio Infernal lui avaient joué de très mauvais tours. Cela remontait à quatre, cinq ans. Il n'était pas le seul, Bien d'autres alumni encore membre du primum agmen avaient dû subir et continuaient de subir les affres de leur méchanceté mais ils s'étaient accoutumés à cela, courbant l'échine devant les caprices et les velléités des trois Sha'Daigan. Sans parler des eretsins. La pathochrome avait eu beaucoup de difficulté à s'intégrer à cause de sa particularité. Ils l'avaient fait souffrir mais avec l'essor des Quatre Souverains, qui étaient ses très proches amis, les choses s'étaient arrangées pour elle. Désormais, plus personne n'osait s'en prendre à Charlaine Mitchel.

Evan avait été l'un des seuls aspirant à refuser de se soumettre même si en agissant comme cela, il s'était coupé d'un cercle social qui aurait été d'une grande importance dans sa future carrière dans l'Ordre. Car les relations étaient aussi importantes que la force et l'argent.

Salman se demandait pourquoi il était venu.

Peut-être parce que Jeff en était l'organisateur...

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Ignemshirs - Tome 1 :  Fils des Cendres (ANCIENNE VERSION)Where stories live. Discover now