Chapitre 20 : Le Second Cataclysme

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Le professeur Delaruelle réfléchit puis dit en le regardant de nouveau alors qu'il fixait sa table :

— Je comprends votre ressenti Evan, mais j'espère qu'un jour vous considérerez la valeur de la reconnaissance et de la gratitude que nous éprouvons à l'égard de chaque ignemshir, nous, les eretsins, les Non-Compatibles. Moi, personnellement, je suis...

— Je doute fort... Commença Evan avec hargne cette fois.

— Evan ! gronda Keiji, en le transperçant du regard, les poings serrés.

Rares étaient ceux capable de soutenir le regard terrible du jeune Sang d'Acier. Néanmoins, Evan était de ceux-là, de sorte que bien que son rythme cardiaque s'accélérât sous le coup de son intensité, cela ne l'arrêta pas.

— ... que vous compreniez, continua-t-il froidement en rendant un regard tout aussi chargé de violence et de colère à son meilleur ami. Vous ne pouvez pas...

— Evan, supplia doucement Charlaine en lui saisissant le bras et la main.

Elle continua plus bas.

— Tu as le droit d'être en colère par rapport à ce qui est arrivé à Sue, mais ne t'en prend pas au professeur Delaruelle. Il ne le mérite vraiment pas.

Evan dégagea sa main de l'étreinte de Charlaine, qui avait glissé ses doigts dans sa paume. Elle devina qu'il ne voulait pas lui faire mal. Après avoir brièvement serré son poing, il porta sa main légèrement tremblante à son menton qu'il caressa en déglutissant.

La jeune fille pressa affectueusement son bras, l'air peiné et inquiet, appréhendant la réaction du professeur.

Le professeur Delaruelle resta un moment silencieux, fixant pensivement le jeune homme puis il se tourna vers Mohandas.

Delaruelle demanda quelque chose Mohandas, mais Evan n'écoutait déjà plus. Il aurait dû faire comme chaque année et rester chez lui. L'après-midi, il n'avait que neshirinshi, ce qui en général se révélait être un excellent défouloir.

Sue. Ses parents. Leurs souvenirs ne seraient plus que néant si jamais lui, disparaissait. Il ne resterait plus rien. Plus rien. Et vu comment les choses évoluaient pour lui, c'était bien parti pour. Il en avait marre. Marre de tout. Il se passa une vingtaine de minutes pendant lesquelles il fixa la fissure qu'il avait faite dans le bois de sa table, avant de finalement retrouver son calme. Il regarda en direction de Mohandas, l'aspirant scientis qui dissertait sur les Sept Précurseurs et leur vision du Neshirinshi.

— Edward Maisha Lukeni disait souvent que la plus grande tragédie du Noguem et de leur ère avait été de se servir des neshirs comme arme de guerre. Car l'humanité ne devait former qu'un. Le véritable ennemi n'était pas simplement un homme qui s'était perdu sur le Chemin de l'Abîme, mais la méchanceté tapie dans le cœur de chaque homme, ainsi que les créations destructrices de la nature malade et corrompue qui en un sens personnifiait le même mal mais à l'échelle du monde. L'Existant leur avait donné un moyen de lutter, mais les hommes choisissaient de se tourner les uns contre les autres. Oubliant le plus important. Qu'ils avaient besoin les uns des autres, qu'ils avaient tous été tirés de la même argile et que seules les viletés du cœur les séparaient. Il affirmait que le Neshirinshi était un art martial dont le sommet ne pouvait être atteint, car on ne se battait jamais suffisamment pour protéger les autres. On ne donnait jamais assez notre vie pour défendre celles des autres. Il disait qu'il était toujours possible d'aller au-delà des limites qu'on considérait comme étant les siennes. Comme l'horizon que l'on ne peut atteindre, car quoi qu'on fasse, un horizon se présentera toujours à nous comme une limite lointaine et inaccessible...

Ignemshirs - Tome 1 :  Fils des Cendres (ANCIENNE VERSION)Where stories live. Discover now