Chapitre 23 : Le fond de ma pensée

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Le jeune homme alla directement à la cantine qui se trouvait au rez-de-chaussée de l'aile droite. C'était une grande salle lumineuse donnant sur le Jardin des Souvenirs. Il devenait un véritable jardin d'Éden au printemps, mais pour le moment, il n'y avait que des arbres aux branches nues, de petites haies taillées et des conifères recouverts du manteau neigeux. La petite mare aux canards était gelée et nulle trace de ses habituels occupants.

Tout était à volonté. Il se prit une double ration, des frites violette produite dans des exploitations martiennes, des pommes de terre et deux gros morceaux de poulets appétissants dont la peau dorée lui promettait d'être délicieusement croustillante.

Il lesta son plateau d'une tarte à la pomme noire lunaire et d'un moelleux au chocolat puis se trouva une place près des fenêtres au fond de la salle. Il avait envie de solitude et de toutes les manières, ses amis avaient déjà fini de manger.

En sortant, il avait envoyé un message à Charlaine et Keiji pour leur annoncer le verdict. Tous deux avaient été très soulagé. Ils s'étaient, à raison, attendus à pire. Charlaine était déjà en cours pour sa spécialité et Keiji était probablement en chemin. Alors qu'il s'attaquait à son dessert, après avoir dévoré son plateau, son meilleur ami entra dans la cantine. Il la traversa de sa démarche nonchalante et vint s'assoir tranquillement en face de lui. Il l'observa manger, l'air songeur, semblant hésiter à choisir ses mots :

— Ne fais pas ton timide, Shogun, et dis ce que tu as à dire, qu'on en finisse, lui dit Evan avant d'engloutir le reste de son moelleux.

— Bien... Alors je pense que tactiquement, ton intervention de tout à l'heure était en dessous de tout. Une erreur monumentale, répondit-t-il avec une mine grave, son regard sombre et pénétrant posé sur lui. Tu aurais vraiment dû la fermer. Honnêtement, je n'ai rien compris à ton pitch si ce n'est que tu avais autant de considération pour l'être humain que pour tes premières chaussettes. Il n'y a pas à dire, tu es complètement taré pour tenir de tels propos. Je te l'ai déjà dit, Evan. Tu dois être prudent, très prudent. Certaines choses ne pardonnent pas. Surtout pour toi. Alors comment peux-tu te mettre en danger d'une façon aussi stupide ?

— Je sais, répondit-il en s'adossant à son siège et repoussant légèrement son plateau. Je sais que c'était une erreur. Une si grosse, que je n'arrive pas à en imaginer les retombées.

— Tu parles, rétorqua l'autre dans un haussement d'épaule. T'en a rien à faire. Tu n'as pas arrêté de faire n'importe quoi ces derniers mois. Les décisions que tu as prises ? Franchement Evan. Tu as sacrifié, ta reine, tes deux tours et tes cavaliers, pour rien du tout. Je n'arrive pas à comprendre ta stratégie.

Evan croisa les regards d'alumni de sa promotion qu'il côtoyait depuis plusieurs années déjà. Ils étaient attablés un peu plus loin. Certains semblaient vouloir lui sauter à la gorge, mais la plupart finissait par détourner le regard lorsque le sien restait braqué plus de quelques secondes sur les leurs.

— Peut-être parce qu'il n'y a pas de stratégie tout simplement.

— C'est ce que je craignais... J'espérais bêtement que la césure te permettrait de te remettre un peu en question mais visiblement, les vapeurs toxiques de tes tubes de peinture t'ont encore plus bousillé le cerveau. Et tes stats, Evan. Tes stats...

— Elles sont géniales mes stats, dit Evan dans un haussement d'épaule.

— Tu te crois marrant en plus, maugréa Keiji. Bon sang. Je ne comprends vraiment pas ce qui te passe par la tête en ce moment. Tu dois faire plus d'effort. Sinon, on sait tous les deux que tu seras mort d'ici un mois.

Evan soupira et dit avec fatalisme :

— J'ai beau me démener comme un diable, je n'arrive pas à inverser la tendance, Kei. Je n'y arrive réellement pas.

Les autres membres du primum agmen continuaient de progresser, mais lui ne cessait de régresser depuis six mois. Au départ, l'inversion avait été subtil mais plus le temps passait plus ses résultats dégénéraient de plus en plus vite. Bientôt, il ne ferait plus le poids et perdrait sa place. C'était inéluctable.

— OK, je vois, fit Keiji en hochant énergiquement la tête, son cerveau tournant à cent à l'heure. Je vais y réfléchir. On trouvera une solution, frérot.

— M'ouais...

— Et il faut qu'on parle de ton moment de complicité avec Dorcas...

— Tu te trouves drôle, je suppose.

— Tu ne t'imagine même pas... Alors ? C'était quoi ce délire ?

— Je n'en sais rien. T'as entendu Rhodes comme moi... Il ne sait pas ce que c'est. Et je n'en sais pas plus.

— Qu'est-ce que tu as vu ? Tu avais le regard vitreux mais je sentais bien que tu essayais de te sortir d'un truc...

— Je ne sais pas Kei. C'était obscur... Je ne voyais plus rien et...

Evan se souvint de la silhouette et un frisson le parcourut.

— Je ne sais pas trop. J'ai cru voir une forme...

— Une forme ?

— Je ne sais pas...

— OK... on verra bien...

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Ignemshirs - Tome 1 :  Fils des Cendres (ANCIENNE VERSION)Where stories live. Discover now