Chapitre 81 : L'autre côté

16 10 0
                                    

Evan ouvrit lentement les yeux mais ne vit rien. Il se trouvait dans une salle obscure dont il ignorait les dimensions. Le sol froid contre sa peau semblait fait de pierre lisse et l'air glacé qui l'environnait avait une odeur de bois de santal. À ses oreilles jouait une étrange symphonie sinistre et mélancolique. Elle semblait à la fois proche et lointaine. À la fois douce et tonitruante. Chaque note traversait son cœur avec la violence d'un rayon de soleil éblouissant les yeux. Il ressentit alors comme une profonde torpeur qui le gagnait en même temps qu'une impression de déjà-vu. Comme s'il s'était déjà réveillé ainsi et qu'ensuite la symphonie l'avait à nouveau plongé dans un sommeil sans rêve.

Je savais que tu te réveillerais encore, fit une voix enfantine à côté de lui. Cette fois-ci, c'est la bonne.

Cette voix dissipa la torpeur et le silence s'installa. L'esprit légèrement embrumé, Evan se redressa et dans la pénombre du lieu où il se trouvait, discerna une forme, une petite silhouette assise à côté de lui.

— Où suis-je ? Qui es-tu ?

Elle se pencha légèrement en avant de s'esclaffer et Evan entendit comme un claquement de doigt. Tout d'un coup, il se retrouva dans du sable chaud sous un soleil de plomb. Il se releva précipitamment en regardant autour de lui, le cœur battant à la chamade, ne comprenant pas ce qui venait de se passer. À deux pas se tenait un petit garçon aux yeux gris comme de la cendre, au crâne rasé et à la peau noire comme l'ébène, torse-nu, pieds-nus dans le sable et portant un pantalon rouge bouffant fait d'une matière sur laquelle le chatoiement de la lumière paraissait mystique. Irréel. Comme si la matière elle-même était en partie faite de lumière.

Que la Terre soit sans péril, Azekel. Je me réjouis de ta force, sinon j'aurai été triste.

— Je ne comprends pas ? Qui es-tu au juste ? Et comment est-ce que ?...

Tu ne reconnais pas l'endroit ? hum... étrange.

Le petit garçon claqua à nouveau des doigts et ils se retrouvèrent instantanément au bord d'un grand lac entourée par une grande chaîne de montagne sous un ciel bleu sans nuage. Dans la chaine de montagne semblable à une grande muraille de roches sombres, était gravé et peint un gigantesque oiseau doté de grandes ailes, d'une tête couronnée de larges plumes et d'une queue formée de longues plumes qui ondulaient d'une étrange façon et dont l'extrémité coïncidait systématiquement avec l'un des sommets de la chaîne. Evan en compta treize en se demandant d'ailleurs pourquoi il s'était donné la peine de le faire...

Impressionnant hein ? fit le petit garçon. Mère a créé cet endroit...

Soudain, neuf montagnes s'embrasèrent à leur sommet, les quatre autres demeurèrent éteinte.

Elle l'a créée pour garder un œil sur l'Éclat et les Miroirs. J'avais pour habitude d'y venir en espérant enfin découvrir la Raison dont m'ont parlé mes frères il y a très longtemps. Quand tu es arrivé, j'ai compris que ce serait toi mais bon, je voulais en être sûr. Tu as gagné et je me suis dit que j'aurais tout le temps d'apprendre, de découvrir, de comprendre l'Ultime Création... jusqu'à ce que ce type vienne et nous mettent sous le joug de cet immonde malédiction...

— Mais... qui es-tu ? demanda Evan. Je ne comprends rien à ce que tu racontes, j'étais... j'étais sur le point de mourir... comment est-ce que ?

J'ai bien fait d'insister. Je ne te laisserai pas partir avant que je me sois un peu amusé quand même parce que je sais qu'il n'y en aura pas d'autre après toi. Mère m'a dit que j'étais spécial alors... après tout tu es fort... je savais que j'y arriverai. A te ramener ici.

— On est où ?

Étrange que tu ne comprennes pas. Suis-je censé tout t'expliquer ? Tu ne comprends pas instinctivement ? Bizarre...

— Et pourquoi est-ce que...

Tu étais plus fort avant... Je déteste vraiment ce que ce sorcier nous a fait.

Soudain l'un des sommets se mit à fumer. Le petit garçon sourit de toute ses dents en s'exclamant :

Je le savais !

Il tourna brusquement la tête comme s'il venait d'entendre quelque chose puis dit en le regardant et hochant la tête l'air impressionné :

Pas mal du tout. T'en fais pas Azekel, on y arrivera. Aller à toute !

Alors qu'il s'apprêtait à claquer des doigts Evan s'exclama :

— Attends ! mais tu ne m'as même pas dit qui tu étais.

Appelle-moi « Ne meurs jamais ».

Il claqua des doigts et s'évapora dans un tourbillon de fumée grise et pourpre. Evan chercha autour de lui, se demandant où était passé l'étrange bambin. Quand il fit de nouveau face au gigantesque oiseau, à la place, une vaste plaine verdoyante bordée de grands conifères s'étendait au loin devant lui. Il se tenait sur un large balcon, les mains posées sur une balustrade pourvue d'une élégante ferronnerie dorée. Dans le ciel, une vision magnifique et terrifiante s'offrait à lui. La lune obscurcissait l'astre diurne couronné d'une tiare immaculée tandis que le ciel assombrit par l'éclipse était rempli d'icares et de gigantesques et redoutables vaisseaux de guerre. Les Ouranos. Il devina les armoiries de nombreux Sangs d'Acier et Sangs de Fer sur les fuselages des vaisseaux de la flotte aérienne.

Mais que se passait-il ?

      — L'Armada est presque complète... Demain, nous frapperons avec toute notre puissance, lui dit une voix familière. Et ensuite viendra la fin... Et le commencement d'une nouvelle ère...

Son regard alla en direction de celui qui s'exprimait et il découvrit Keiji... Enfin un Keiji avec peut-être cinq ou six années de plus. Plus mature et plus grand et massif. Étrange... Il avait l'air d'avoir survécu à de nombreuses batailles. Il se dégageait de lui une aura qui n'avait rien à envier à celle d'un Aurarque. Une barbe de trois jours lui mangeait le visage. Une longue cicatrice étroite courrait au-dessus de son gauche. Une cicatrice ? N'aurait-elle pas dû disparaître ? Il portait une armure shirag constituée de plaques aux reflets grenat. Un Cercle de l'Univers luisait sur la plaque pectorale gauche et l'emblème du Sang d'Asano s'étendait sur son torse. Un loup blanc de face, croc dehors et babines retroussées sur un soleil noir à huit rayons. Lui-même portait une armure shirag similaire mais marquée d'un emblème qu'il ne connaissait pas. Était-ce une panthère ? Il n'avait pas d'armoirie. Il était un ma'nkel. Alors à qui appartenait-elle ?

Il se sentait bizarre. Différent. En équilibre avec lui-même. Il ne s'était jamais sentit ainsi de toute sa vie mais il ressentait également en lui une infinie tristesse malgré cette sensation de stabilité. Ce sentiment était comme un vieil ami, profondément ancré dans son cœur.

Il s'observait de loin et n'avait pas accès au moindre souvenir. Il ne savait même plus comment il était arrivé là.

______________________________

Voilà, j'espère que ce chapitre vous aura plu. N'hésitez pas à laisser des commentaires sur vos impressions et de voter si ce chapitre vous a plu !

Merci encore pour votre temps, cher(e)s wattpadien(ne)s !

Ignemshirs - Tome 1 :  Fils des Cendres (ANCIENNE VERSION)Where stories live. Discover now