chapitre 8 : La moitié disparue

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Evan discernait le visage déterminé de sa sœur, éclairé par la lune qui semblait briller plus fort.

— Mais tu es folle ! On doit rentrer tout de suite. Malia disait qu'on ne devait surtout pas être dehors lorsqu'on entendait l'alarme.

— Je veux les voir l'arrêter. Tu n'as qu'à rentrer, poule mouillée !

Le jeune garçon serra ses poings de colère, mais garda son calme. Ils devaient s'en aller au plus vite. Comme sa sœur pouvait se montrer têtue et franchement stupide ! Il lui attrapa le poignet et se mit à courir en la tirant derrière lui.

— Mais arrête, Zeek ! Je dois les voir ! C'est important. Très important.

D'un coup sec, elle reprit son bras.

— Mais qu'est-ce qui t'arrive ? Tu as perdu la tête ?

Le vent se levait. Il soufflait de plus en plus fort. À l'ouest, une grande forme sombre se rapprochait.

— Sue ! supplia-t-il, désespéré. On doit rentrer. Tout de suite ! Sinon, on est mort !

— Non ! rétorqua-t-elle. Laisse-moi et va-t'en. Ils vont arriver, je te dis. Les noguemis. Les Tueurs de Vents.

La peur lui tordait les entrailles. Comment Sue pouvait-elle être aussi confiante ? Alors que le monstre obscur et informe se rapprochait et que la poussière lui irritait de plus en plus les yeux. La lune disparut subitement. Malgré tout cela, il ne quitta pas sa jumelle. Il ne pouvait pas l'abandonner.

— Ils vont arriver Zeek, dit-elle plus pour elle-même que pour lui. Nous devons les voir, tous les deux. C'est important. Très important.

Elle avait perdu une partie de son assurance. Elle ne semblait plus elle-même. Elle avait l'air hypnotisée. Irrationnelle. Evan ne répondit pas et lui attrapa simplement le bras pour ne pas la perdre. La température avait augmenté. Elle continuait. Les mains du garçon étaient moites.

Il transpirait sous son tee-shirt.

— Ils ne vont pas tar...

— On va mourir si tu continues, lui dit froidement son frère avant de se mettre à courir vers la ville en la traînant derrière lui.

Elle ne résista pas, cette fois-ci, enfin consciente du danger qu'ils encourraient. Ils n'avaient qu'une centaine de mètres à parcourir.

Plus que soixante-quinze mètres...

Sue trébucha et entraîna son frère dans sa chute. Il s'écorcha le coude et le genou mais il refusa de pleurer. Il n'avait pas le temps pour cela. L'air brûlant l'étouffait. Une véritable fournaise. Ils se remirent debout. Sue grimaça en gémissant. Elle s'était foulée la cheville. Evan se mordit la lèvre inférieure jusqu'au sang, tandis que son cœur tambourinait douloureusement dans sa poitrine au point de lui donner la nausée. Ses yeux et sa peau étaient irrités par le sable et le vent qui hurlait à la mort lui donnait la migraine.

Il passa le bras de sa sœur par-dessus son épaule et ils reprirent leur course, mais ils avançaient beaucoup trop lentement.

— Monte sur mon dos, lui ordonna-t-il.

— Je suis désolée, Zeek. C'est ma faute, entendit-il pleurnicher à son oreille au milieu des hurlements déments du vent alors qu'elle s'exécutait. Pourquoi ne viennent-ils pas ? Ils devaient venir. Ils devaient...

— Pas grave petite peste, dépêchons-nous. On doit vite se mettre à l'abri.

Evan se mit à courir aussi vite qu'il le pouvait avec le poids de sa sœur mais ses jambes n'avançaient pas assez vite.

— À l'avenir ne mange plus de tarte aux citrons, ça te fait grossir, parvint-il à plaisanter d'une voix saccadée tandis qu'il pressait le pas.

— On n'y arrivera pas. Laisse-moi. S'il te plait, Zeek, dit brusquement Sue. C'est ma punition. Le Seigneur des Mondes...

— Cesse de dire n'importe quoi, rétorqua-t-il avec fureur au bord du désespoir. On est venu tous les deux, on repart tous les deux !

— Je suis désolée.

Brusquement, elle se dégagea et l'écarta. Evan trébucha en avant et se retourna précipitamment. Il découvrit que la forme noire était juste derrière Sue, étendue sur la route. Il préférait mourir avec elle. Il se releva précipitamment, avec l'intention de la rejoindre mais elle lui hurla, en larmes :

— Non ! Toi, tu dois vivre. Il ne reste plus que toi. Cours ! Zeek, Co...

Elle fut engloutie, son cri étouffé par le hurlement de la tempête de sable noir. Evan se pétrifia. Sa sœur, sa jumelle. La peau de ses bras qui protégeaient son visage du sable noir se couvrit de brûlures qui lui arrachèrent une terrible plainte tandis que les larmes qui perlaient sur ses joues s'évaporaient.

Son corps entier allait s'embraser complètement sous l'étreinte de la poussière noire, quand, il se retrouva subitement entouré par une aura brumeuse, fraîche, pleine d'éclairs et de tonnerres qui vibrèrent jusque dans les profondeurs de ses os.

Il reconnut cette aura atypique qui lui donnait toujours l'impression que d'un instant à l'autre, il allait se faire foudroyer.

Princeton.

— Ne bouge pas, petit, lui ordonna la voix terrible de son tuteur du milieu de la brume.

— Prince ! Sue, elle... balbutia Evan en serrant ses bras meurtris et tremblant contre lui alors que ses joues s'inondaient de larmes. Est-ce qu'elle... ?

— Evan... je suis désolé.

— Sue... murmura Evan, en ouvrant lentement les yeux.

Son regard voilé fixa le plafond de sa chambre. Ses doigts coururent le long de son avant-bras. Sa peau nette et vierge jadis recouverte de cicatrices lui donnait encore le sentiment d'être celle d'un autre. Et pourtant ces cicatrices avaient disparu depuis presque dix ans. Elles s'étaient résorbées en l'espace de quelques jours après qu'il fût né des cendres. Après la Cérémonie de l'Association et ses douze épreuves qui avaient fait de lui un des Fils des Cendres. Un ignemshir. 

Ignemshirs - Tome 1 :  Fils des Cendres (ANCIENNE VERSION)Onde as histórias ganham vida. Descobre agora