Chapitre 19 : Colère et Amertume

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  — Je... euh, je vous félicite pour votre impressionnante culture générale, dit-il pris au dépourvu puis il rajouta sur le ton de la réprimande. Mais il serait profitable à toute la classe que vous participiez un peu plus, au lieu de vous endormir à tout va, monsieur Kupenda.

Evan fixa le professeur un instant, de son regard d'obsidienne, la mâchoire crispée.

— M'endormir à tout va, répéta-t-il à voix basse.

Evan ignora pourquoi, mais ces paroles le contrarièrent fortement. Certes, il s'était couché tard la veille, et n'avait dormi que trois heures, mais dans les faits, cela était suffisant pour un ignemshir. Il acceptait, d'habitude, que le professeur lui fasse ce genre de remarque, n'hésitant pas à s'excuser pour son attitude, mais là, quelque chose ne passait pas et son irritation ne cessait de grandir de seconde en seconde.

— Honnêtement, professeur, dit-il sèchement, plus haut. Pour moi, ce cours n'est qu'une perte de temps.

Un silence lourd comme du plomb tomba dans la salle de classe où plus personne ne bougea.

— Qu'est-ce que vous... commença le professeur interloqué.

— Je m'explique, coupa Evan d'une voix dure. Savoir ce qu'est un Fléau, ou les raisons de la Guerre de l'Éclipse ou les conséquences de la Nuit du Jugement Écarlate ne me sauveront pas dans une arène. Ces connaissances ne me seront d'aucune utilité lorsqu'une lame aussi tranchante qu'un rasoir me transpercera la poitrine à cause d'un manque d'attention due à la fatigue. Alors, je vous saurai gré de comprendre que votre cours est loin d'être ma priorité.

Le professeur observa incrédule son élève qui le fixait de ses yeux onyx et froids. Il était en général quelqu'un de calme et facile à vivre, du moins dans sa classe. Peut-être même un peu renfermé sur lui, mais il ne lui avait jamais parlé sur ce ton.

Le professeur Delaruelle ajusta ses lunettes, cherchant ses mots, décontenancé et contrarié :

— Je vois, monsieur Kupenda, dit-il avec gravité. Je peux comprendre que de votre point de vue, ce cours vous apparaisse comme inutile, mais ne vous y trompez pas, connaître l'Histoire est primordial dans votre situation. Car après tout, vous faites partie de ceux, qui peut-être un jour, dirigeront ce monde.

Evan eut un ricanement désabusé :

— Je ne pense pas, professeur. Non je ne pense pas. Peut-être un jour diriger ce monde ? Celui dans lequel nous vivons actuellement ? Ne me faites pas rire. Lui, le fera sûrement, continua-t-il en désignant du pouce Keiji, qui le regardait d'un air ahuri, déconcerté par son attitude. Mais pas moi. Parce que je ne suis qu'un ma'nkel, nom d'un chien !

Il venait de frapper du poing sur la table en bois qui se craquela.

— Evan, vous êtes un ma'nkel, cela est vrai. Mais c'est sur la base du mérite que...

Le professeur Delaruelle se tût brusquement et soupira, envahi par une soudaine lassitude, sachant pertinemment que ce qu'il allait affirmer et que le Noguem lui-même affirmait haut et fort à qui voulait l'entendre, n'était qu'une vaste fumisterie car tout n'était qu'un jeu de pouvoir et d'influence. Les efforts étaient rarement récompensés. Seuls le sang ou la force étaient considérés. Son interlocuteur était bien trop clairvoyant pour l'ignorer et lui mentir aussi crûment ne ferait probablement que l'énerver davantage. Le professeur dit finalement, remarquant, fugace, sous le masque de colère du jeune homme, une véritable détresse :

Ignemshirs - Tome 1 :  Fils des Cendres (ANCIENNE VERSION)Where stories live. Discover now