DRAGOMIR 🍀 PART1

By HermyWolf

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Lymerya Alley. Rien que le nom était déjà des plus anormaux. Alors si, en plus, elle voyait des évènements... More

▶~[LEXIQUE]~◀
🌀~[Livre I : Partie 1]~🌀
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🌀~[Livre I : Partie 2]~🌀
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🌀~[Livre II : Partie 1]~🌀
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🌀~[Livre III : Partie 1]~🌀
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~[III/41]~
~[III/42]~
~[III/43]~
~[III/44]~
~[couverture]~
▶~[PERSONNAGES]~◀

✨~[I/3]~✨

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By HermyWolf


Tome I : Chapitre 3


Avec un petit rire nerveux, Lym se laissa aller contre le dossier de son siège en fixant l'image qui s'affichait sur l'écran.


C'était une créature petite, car elle se souvenait encore de l'énorme emprunte de pas qu'elle avait vue un jour ; si c'était aussi une patte de dragon, alors celui-ci devait être un enfant ou un adolescent, ou bien une autre espèce. Elle fourra son visage dans ses mains. Cette photo n'était en rien une preuve – elle ne la croirait pas si elle la montrait à sa sœur, qui réussirait à dire qu'il s'agissait d'un serpent ou d'un ours ou une autre invention stupide – mais pour elle, c'était la confirmation qu'elle n'hallucinait pas.

Elle imprima la photo sur un vieux papier froissé avec l'imprimante crachotante qui mettait toujours de l'encre partout, puis elle se mit à plat ventre par terre et tendit la main sous le lit. Elle en sortit une grosse boîte à chaussures dissimulée sous le matelas, la posa sur le bureau puis s'assit sur sa chaise à roulettes et l'ouvrit. C'était sa boîte aux trésors. Ses preuves. Les seuls témoins des visions troublantes auxquelles il lui arrivait d'assister.

Un fragment de coquille de l'œuf géant qu'elle avait trouvé au bord de la mer. L'écaille énorme couleur sang qu'un homme était en train d'examiner dans la forêt, des années plus tôt. Une carafe en fer de la cantine de son école primaire, où étaient imprimées deux empruntes de mains – un jour, elle avait vu l'un de ses camarades attraper la carafe et y laisser ces deux traces. Et des tonnes de photographies, en noir et blanc, en couleur, de bonne qualité, de mauvaise, prise avec un appareil photo ou un vieux téléphone. Des clichés d'éléments surnaturels qu'elle avait pu immortaliser : les yeux rouges d'un homme étrange, l'emprunte de pas géante, une tempête zébrée d'éclairs rouges sang dans le ciel et parcourue d'ombres irréelles. Si elle avait toujours aimé la photographie et la peinture, c'était car elles lui permettaient de se convaincre que ce que disaient les autres n'étaient que des mensonges. Qu'elle n'était pas folle. Ni mentalement dérangée.

Lym mit le nouveau cliché et le morceau de griffe énorme dans la boîte, puis elle la cacha sous le lit. Un jour, lorsqu'elle aurait assez de preuves, elle les amènerait peut-être à l'insu de sa sœur à un scientifique ou bien à la police, pour qu'ils fassent quelque chose. Si elle ne le faisait pas, pour l'instant, c'était car elle avait peur que l'on lui arrache ses découvertes, les fasse disparaître, nie leur existence et qu'on l'envoie dans un asile de fous.

« J'ai peut-être juste trop regardé Stranger Things », songea la jeune fille.

Lym se redressa d'un bond en entendant la porte du salon claquer, et dévala les escaliers à toute vitesse pour arriver avec fracas au milieu de la salle pleine de mobilier ancien. Mar, sa sœur aînée de deux ans, lui adressa un regard à moitié agacé, à moitié surpris.

- Tu es déjà à la maison ?

- J'ai séché, répondit-elle sans la moindre gêne.

- Encore ? Lym...

Mar fronça les sourcils, l'air autoritaire. Il était difficile d'avoir à élever sa petite sœur, et encore plus lorsqu'elle était aussi insupportablement maladroite et insolente.

Elymara Alley avait des cheveux roux sombre coupés au carré ; contrairement à sa sœur, elle n'assumait pas la couleur fantasque qu'arborait la crinière des Alley. Elle était un peu plus grande que Lym, plus jolie et élégante, moins débraillée, avec des cheveux beaucoup plus courts. Son petit nez retroussé était criblé de taches de rousseur, sa peau très pâle, ses yeux marron piquetés de paillettes d'or.

Elle portait des vêtements déchirés de toutes parts et une veste en cuir, malgré son visage de première de la classe ; ses baskets d'un blanc presque éblouissant, ses yeux bruns soulignés d'eye-liner, tout en elle émanait la sympathie et la puissance. Aujourd'hui, elle portait une chemise blanche aux manches un peu bouffantes et sa veste en cuir, un collant noir et un jean totalement déchiré par-dessus, des baskets blanches et un serre-tête qui retenait ses cheveux en arrière. Personne, au grand jamais, n'aurait pu deviner qu'elle était orpheline, et d'une condition particulièrement modeste. Mar était populaire mais douée en cours, avec des centaines d'amis, jolie et soignée, soucieuse de son apparence, toujours aux dernières modes, mais aussi très gentille. Tirée aux quatre épingles, déléguée des terminales, elle n'était complexée que par ses cheveux qu'elle avait coupés courts tôt avec des ciseaux de cuisine, démontrant ses talents de coiffeuse. Ses rêves étaient censés et précis, orchestrés pour lui assurer le succès. Elle voulait être architecte, même si, honnêtement, n'importe quel métier aurait pu lui aller.

Lym était le contraire.

Elles se ressemblaient, certes, étant sœurs. Comme Mar, Lym avait des cheveux d'un roux sombre et profond, elle était grande et élancée, avait des iris piquetées d'or, une peau très pâle et des taches de rousseur ; mais elle différait d'elle d'une certaine façon. Loin de cacher sa chevelure, elle la laissait tomber dans son dos en une abondante masse de cheveux roux foncé ; ils lui dépassaient largement la taille, car elle détestait les couper. Ses yeux n'étaient pas bruns mais d'un vert pailleté de doré. Pas la moindre trace de maquillage sur son visage rieur ; pas de vêtements de mode ; un jean, un T-shirt, ou à peu près n'importe quoi, c'était suffisant. Toujours désorganisée, débraillée, décoiffée, elle perdait toujours tout, riait fort, faisait la folle en public et chantonnait sans gêne. Peu populaire malgré son audace, admirée mais aussi un peu crainte, pas douée en classe, elle adorait parcourir la forêt avec Sofy, le vélo, la natation. Lire et peindre étaient ses passe-temps favoris, et elle ne savait pas du tout ce qu'elle ferait quand elle serait plus grande. De toute façon, avec ses notes catastrophiques, elle savait qu'elle n'était pas destinée à un avenir glorieux. Elle n'avait qu'une seule amie, et ça lui suffisait largement car elle en valait une centaine. Beaucoup lui disaient qu'elle avait un talent inné pour la peinture, et pour la natation, aussi. Qu'elle pourrait devenir une espèce de Picasso excentrique ou se tracer une carrière jusqu'aux compétitions de natation. Elle-même, en revanche, trouvait que son plus grand talent était sa capacité à faire d'énormes bulles de chewing-gum.

On se demandait souvent comment les deux Alley pouvaient être sœurs. Elles se ressemblaient physiquement en certains points, mais leurs caractères, leurs yeux, la longueur de leurs cheveux et leurs goûts étaient très différents. Mar était parfaite, belle, populaire. Elle, malgré son tempérament de feu, était loin d'être jolie. Son petit nez retroussé, ses sourcils insupportables, ses cheveux emmêlés, ses traits trop fins rendaient son visage étrange. Pas banal, non ; banal, elle aurait pu le supporter, se fondre dans la foule. Non, on la qualifiait d'étrange. Elle sortait du lot, s'attirait des regards en coin...

- Bon, Mar, grogna Lym en passant une main dans sa longue crinière, l'ébouriffant sans aucune retenue. Tu as dit qu'un certain Orion était passé ?

- Je crois que c'est son nom, oui... Il a dit qu'il passerait cet après-midi. Tu le connais ?

- Certainement pas.

Comment le pourrait-elle ? Le garçon aux mains de feu qu'elle avait vu plus tôt lui trottant toujours dans l'esprit, elle s'approcha de la cuisine et y trouva un verre d'une boisson qu'elle avait abandonnée la veille sur le plan de cuisine. Elle en avala une gorgée et faillit s'étouffer ; elle avait oublié qu'il s'agissait de citron pressé. Haussant les épaules, elle se laissa tomber dans le canapé avec un livre puis se mit à le feuilleter en sirotant son verre.

Alors qu'elle terminait sa page et s'apprêtait à la tourner, quelqu'un toqua à la porte. Elle leva les yeux en haussant les sourcils, surprise ; personne ne venait jamais chez elle, sauf Sofy ; les amies de Mar préféraient se réunir dans les villas blanches de leurs parents et pas dans le cabanon miteux et désorganisé. Mar préférait d'ailleurs leur cacher qu'elles vivaient dans une vieille masure abandonnée qui ne leur appartenait même pas légalement.

Mar s'approcha de la porte et l'ouvrit.

- Ah, c'est vous, soupira-t-elle.

- Elle est ici ? s'enquit une voix dure dehors.

- Oui, mais...

Sans attendre la suite, l'autre entra d'un pas décidé, sous le regard résigné de sa sœur, et scruta Lym avec un sourire.

Il était grand, le visage sévère, la barbe coupée court, l'œil éveillé ; un instant, elle crut que ses yeux étaient rouges et fronça les sourcils. Des yeux rouges ? Impossible... Elle plissa les siens, et s'aperçut qu'ils étaient simplement noirs. Elle resta tout de même troublée par cette vision.

Elle se leva, prudente et méfiante. Qui était cet homme qui entrait chez elle comme dans un moulin ?

- Lym, voici Orion E... Edgar ?

- Orion Elgar, corrigea-t-il. Bonjour. Tu es donc Lymerya... Bien, bien, bien. On m'a informé de ton cas, très intéressant, effectivement.

Lym recula, son verre et son livre dans les mains, les doigts crispés ; il ne lui inspirait pas confiance. Soudain, elle eut l'impression d'avoir une illumination et sentit une rage ardente grandir en elle.

- Mon cas ? gronda-t-elle, furieuse. Je vois, vous êtes un psy !

- Lym... commença Mar.

- Non ! On avait dit plus de psy, Mar ! Plus de psys ! Je ne suis pas folle ! Dégagez !

- Lym ! s'écria sa sœur, indignée.

Elle fixa avec fureur l'homme, sentant qu'elle aurait pu faire exploser sa maison d'une pensée tant elle était hors d'elle ; sa sœur le lui avait promis ! Plus de psychologues ou de docteurs stupides qui croyaient la comprendre !

Petite, elle parlait à sa sœur des coquilles d'œuf, des ombres dans le ciel, des yeux dans l'obscurité. Elle racontait tous les éléments surnaturels à Mar sans aucune crainte, comme si elle avait pu comprendre : sa grande sœur, inquiète, avait multiplié les petits boulots puis réuni l'argent nécessaire pour l'emmener dans un hôpital psychiatrique. Lym s'en était sentie horriblement trahie. On l'avait enfermée comme un animal en cage à la dangerosité instable, un être que son imagination submergeait et qu'il fallait aider au prix de sa liberté. Aucune de ces personnes n'était méchantes, mais elles pensaient tous qu'elle avait de sérieux problèmes et voulaient multiplier les consultations. Un jour, il y avait eu un incident... Mais elle préférait ne pas y penser. Cet incident notable, lorsqu'elle avait dix ans, l'avait marquée et dégoûtée des médecins, mais autant l'oublier.

- Dégagez ! hurla-t-elle à cet Orion Elgar.

Elle sortit à toute vitesse de la salle, grimpa les escaliers puis s'enferma dans sa chambre en claquant la porte.

Je ne suis pas folle, Mar, quand vas-tu le comprendre ?

Jamais, sans doute. Elle eut un soupir. Il fallait qu'elle contrôle ces colères qu'elle piquait contre sa sœur lorsqu'elle commençait à parler des psys : après l'incident, c'était difficile de se retenir...

J'ai besoin de peindre. Ça me calmera.

Déterminée, elle posa son livre dans son énorme bibliothèque, à sa place pré-décidée, puis alla se changer. Elle jeta son jean et son T-shirt blanc dans un coin, au milieu des boîtes de pizza et des pinceaux clairsemés, et enfila prestement sa tenue de peinture ; sa salopette de jean tachée de couleurs diverses et bien trop grande pour elle. Elle attrapa gouache, aquarelle, toile, pinceaux et eau puis alla se mettre à côté de la fenêtre, laissant entrer un peu d'air, pour commencer à donner des coups de pinceau sur le chevalet. De temps à autres, elle avalait un peu de citron pressé, grimaçant à chaque gorgée à cause de son acidité.

Un visage commença à se former sous le pinceau, à petits traits, à petits coups ; il fallait qu'elle peigne sa préoccupation pour s'en défaire. Elle avait l'impression, alors, de la piéger, de la détenir sur ce papier. Vite se forma un portrait exact d'Orion Elgar, avec sa barbe et son air sévère ; elle jeta un coup d'œil au dessin, mais quelque chose manquait. Regardant les yeux noirs, elle s'aperçut d'où venait son impression. D'un coup de pinceau, elle ajouta un reflet rouge sang aux prunelles... Elle était sûre de ne pas avoir rêvé : il avait bien les yeux rougeoyants, mais qui l'aurait crue ? Comme d'habitude, il fallait qu'elle cache chaque élément surnaturel.

Avec un léger soupir, elle attrapa la toile et la jeta dans un coin, même si la peinture était encore fraîche. Ses préoccupations sur ce psy au nom bizarre s'étaient évaporées.

Bien. Orion Elgar n'est plus un problème. Mar n'a qu'à essayer de me comprendre au lieu de chercher à m'emmener à l'asile !

Elle se remit à peindre et un paysage commença à se former. Un étang avec un saule pleureur dont les longues branches caressaient la surface lisse de l'eau ; il lui fallut des heures pour venir à bout de cette image.

Vers sept heures et demie, Mar l'appela pour le dîner avec espérance de derrière sa porte verrouillée.

- Lym... ? Il est parti... Tu viens manger ?

- J'ai pas faim, merci...

- Tu es fâchée ?

- Je ne suis pas folle, lâcha Lym.

- Je sais, sœurette. Ce psy... Je sais pas qui l'avait appelé. C'était pas moi, je te jure. J'ai promis que c'était fini, les psys, depuis l'incident.

Lym avala une gorgée de sa boisson ultra-acidulée, en silence. Mar n'aurait donc pas appelé le psy ?

- Ouvre la porte, Merry...

- Mar ! M'appelle pas comme ça !

Sa sœur avait tiré ce surnom de son vrai nom, Lymerya. Il voulait dire « joyeux », et elle l'avait bien aimé, autrefois. Puis elle s'en était lassée lorsque Sofy l'avait surnommée Lym... De même, elle avait appelé Elymara Ellie, à une époque. Comme elle, elle s'en était vite départie pour se surnommer Mar.

- Lym, pardon. Tu peux ouvrir ?

- J'ai pas faim, Mar. Vraiment. Merci quand même.

Elle soupira derrière le battant de bois.

- Tu iras en cours demain ?

- Oui.

- Bon... Bonne nuit, alors...

Mar s'éloigna dans le couloir, faisant craquer le parquet, et sa sœur soupira doucement à son tour. Toute sa vie, elle avait admiré sa frangine, sa capacité à se faire aimer de tous, ses hordes d'amis, sa gentillesse, ses notes parfaites et son futur qui s'annonçait couronné de succès. Avec désespoir, elle essayait vainement de lui ressembler, d'être comme elle, de se faire plein d'amis et de travailler dur... Il lui avait fallu des années pour comprendre qu'elle n'était pas destinée à être comme sa sœur, et qu'elle était un être à part entière, qu'elle était Lym, et qu'il fallait qu'elle soit elle-même.

Lorsque Mar avait deux ans, et elle quelques mois, leurs parents avaient disparu en les abandonnant dans un orphelinat, sans rien leur laisser. Ni lettres, ni explications, ni même mémoire. Elle savait Cléa Alley, de son nom de jeune fille Cléa Harper, leur mère, avait des cheveux roux flamboyants plus clairs que les leurs et les yeux verts de Lym, et que leur père, Zach Alley, avait la chevelure noire et les yeux chocolat, comme Mar. Elle n'avait tiré ces connaissances sur leur apparence que de vieilles photographies qu'elles avaient dans leurs poches en arrivant à l'orphelinat. Mar elle-même, malgré les deux ans qu'elle avait passés auprès d'eux, ne pourrait pas lui décrire leur visage sans ces photos. Son seul souvenir, en fait, était celui d'une impression de sécurité qui émanait d'eux. Elle disait aussi que leur mère était gentille et attentionnée, que leur père était rieur et allègre. Lym, elle, n'avait pas la moindre bribe de mémoire sur eux. Et tant mieux.

Au début, la cadette des Alley avait été effondrée de se savoir sans parents, elle avait espéré qu'ils reviennent, qu'ils soient enfin une petite famille heureuse. Puis, avec le temps, elle avait commencé à les détester.

Ils les avaient abandonnées à leur sort alors que la plus grande des deux n'avait que deux ans. Quels parents faisaient ça à leurs enfants ? Les rares photos qu'elles avaient étaient devenues pour elle une sorte de rappel permanent de leur situation d'orphelines. Leurs sourires figés semblaient la narguer, remplis d'un bonheur qu'elle n'aurait jamais.

Les deux jeunes filles avaient été placées dans une maison d'accueil qui ne faisait même pas attention à elles ; ils leur fournissaient de quoi manger, et payaient à peine des vêtements pour les gamines qu'elles étaient. Ils les envoyaient à l'école le matin, les laissaient revenir seules, se préparer à manger avec les restes des tiroirs, puis aller se coucher. C'était à peine s'ils les remarquaient. Ils les avaient seulement adoptées pour bénéficier de l'argent que leur envoyait alors l'orphelinat. Lorsque Mar avait eu dix ans, et Lym huit, elles avaient fui en prélevant quelques billets dans le porte-monnaie de leur « mère d'adoption », et avaient trouvé une cabane abandonnée dans un coin qu'elles avaient restaurée avec. Mar avait trouvé une solution pour détourner une part de l'argent que leur envoyait l'orphelinat pour qu'elle leur revienne. Leur famille adoptive avait été si soulagée de se débarrasser de ces gamines qu'ils n'avaient même pas dénoncé leur disparition ou le vol d'argent.

Mar avait commencé à faire de petits boulots dès qu'elle l'avait pu, et sa petite sœur à vendre ses dessins ; à présent qu'elles avaient dix-sept et quinze ans, elles se débrouillaient pour vivre avec l'argent qu'elles récoltaient par-ci par-là ainsi que celui de l'orphelinat, et malgré ce que l'on aurait pu croire, elles survivaient assez bien à cette solitude. L'aînée pouvait faire du baby-sitting ou bien donner des cours particuliers aux collégiens, la cadette vendre ses tableaux ou mettre en vente dans des bars les drôles de boissons qu'elle aimait bien concocter dans leur cuisine. Elles se débrouillaient, en somme, et, à part les mauvaises notes de Lym et ses problèmes avec les psys, elles étaient heureuses.

Je crois que ma vie serait parfaite si seulement on me croyait quand je vois tous ces... trucs.

« Tous ces trucs » était peut-être le meilleur moyen de définir ses problèmes et les évènements surnaturels qui l'entouraient.

Je sais, je sais, ce chapitre-là n'est pas vraiment du type "marrant". Il met un peu en place l'histoire (à vrai dire tout devient plus complexe ver le 10ème chapitre, quand Lym rencontre Shay et Kosh) j'espère du fond du cœur que ça vous a plu, merci pour tous les gentils commentaires que vous m'avez envoyés ! JE VOUS ADORE

Bises, Hermy

(chapitre corrigé ✔)

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