DRAGOMIR 🍀 PART1

✨~[II/16]~✨

Livre II : Chapitre 16

Lym entrouvrit les yeux, encore à moitié endormie, et fut assaillie par une fraîcheur inattendue qui couvrit ses bras de chair de poule. Déboussolée, elle se redressa sur le lit en écartant d'un geste les fins draps blancs qui la recouvraient ; où était-elle ? Le décor ne ressemblait pas à sa chambre dont les murs d'écorce disparaissaient sous les étagères de livres et les posters, remplie de matériel de dessin, de chevalets cassés et d'affaires entassées. Ici, les murs étaient d'un bleu pastel délicat, des rideaux de lin voletaient dans la brise que la fenêtre entrouverte laissait passer, et il y avait trois autres lits à côté dans lesquels dormaient Elyra, Carol et Nina Djaili. Avec soudaineté, elle se souvint des évènements de la veille.

Après avoir longuement parlé de tout ce qui était arrivé aux Djaili et décrété qu'ils sècheraient les cours le lendemain en attendant des nouvelles sur la famille des rescapés, Kosh avait installé les quatre filles dans la chambre d'amis et avait déplacé des matelas pour que les quatre garçons puissent partager sa propre chambre, assez spacieuse. Elyra et elle avaient encore parlé, tard, jusqu'à ne plus pouvoir garder leurs yeux ouverts, cachées sous des draps pour ne pas réveiller Nina et Carol. Elles avaient bavardé tout d'abord de tout et de rien, de leurs acteurs et actrices préférés, de l'énorme crush d'Elyra sur Brie Larson, sur leurs dragons. Puis elles avaient abordé le sujet de la guerre, et finalement, lorsqu'il était si tard qu'elle était fatiguée et ne pouvait plus se retenir, Elyra avait pleuré sur l'épaule de Lym, lui confessant à quel point elle avait peur pour ses parents, ses frères et sœurs, ses amis, sa vie. Elle avait murmuré qu'elle détestait être aussi lâche, et Lym l'avait prise dans ses bras, lui avait caressé le dos et les cheveux, lui avait murmuré qu'elle, elle la trouvait courageuse. Lym n'avait pas pleuré. Elle s'était sentie soulagée après avoir laissé couler ses larmes avant l'enterrement de Sofy, mais elle détestait toujours le sentiment de vulnérabilité que l'on ressentait en pleurant.

Non pas qu'Elyra fût vulnérable. Elle était une héroïne, une lionne qui bataillait toujours griffes et ongles. C'était ce qu'elle pensait, et ce qu'elle lui avait dit la veille en la serrant dans ses bras jusqu'à ce qu'elle ne s'endorme.

Lym frissonna à nouveau, et jeta un coup d'œil aux rideaux qui se soulevaient au gré de la brise glaciale qui s'infiltrait par la fenêtre. Encore ankylosée après ce long repos, elle entreprit de ramasser les draps qu'elle avait repoussés sur le côté et se redressa. Elle posa les pieds sur le sol froid, ne faisant qu'augmenter ses frissons, et alla jusqu'au balcon, d'où elle put admirer la clairière verte et herbeuse où étaient dressées les maisons des Bluewell et des Estrell ; l'odeur de petrichor et d'aiguilles de sapin qu'elle associait maintenant directement à Shay lui envahit les narines. Derrière les conifères qui embaumaient la sève séchée, elle pouvait voir, sous la voûte noire piquetée d'étoiles dispersées comme des diamants jetés dans l'eau, un coin de ciel d'un bleu pur. Du côté de la maison immense des Estrell, elle crut voir une légère lumière qui émanait des étages supérieurs. Elle plissa les yeux, handicapée par sa légère myopie. Dans l'un des bureaux, quelqu'un était occupé à griffonner sur des documents à l'allure importante, courbé ; au travers des immenses baies vitrées, il était bien visible, et elle put même apercevoir ses cheveux blond foncé. Frappée de stupeur, elle comprit qu'il s'agissait du père de Shay, qu'elle observait à son insu ; malgré ses efforts, il lui fut impossible de voir ses traits et elle finit par abandonner, bien qu'elle eût aimé donner un visage à celui qu'elle détestait pour avoir fait souffrir son ami.