DRAGOMIR 🍀 PART1

✨~[II/41]~✨

Et justement, voilà que du sang commençait à couler du nez et des oreilles d'Orion. Lym le fixait toujours de ses yeux rouges, serrant les poings – autour de ses mains crispées s'enroulait une brume rouge, que l'on retrouvait aussi autour du cou et de la tête d'Orion, comme une corde de fumée rouge qui ne faisait que se resserrer. Encore un peu plus... Encore un peu plus et il serait mort. Serait-elle capable de le tuer ?

Elle n'eut jamais la réponse. L'un des soldats se détacha du rempart pour fondre sur elle ; Larrow parvint à le repousser, mais il avait déjà fait vaciller la concentration de Lym, qui releva la tête. Durant ce court instant d'inattention, Orion se traîna jusqu'à sa xiphoskia, qu'il saisit entre ses mains poissées de son propre sang. Larrow s'avança pour l'achever d'un coup d'épée, mais les soldats se refermèrent autour de lui comme un rempart humaintandis qu'il se hissait difficilement sur son cheval qui hennissait avec un air effrayé. Lorsqu'il fut sur son dos, le visage couvert de sang et le dos courbé, il foudroya Lym du regard.

- Nous nous reverrons, mademoiselle Alley, et vous paierez pour ce geste. Plus tôt que vous ne le pensez. En attendant, je vous laisse un petit cadeau qui devrait bien vous plaire.

Lym, épuisée, lui rendit son regard furieux et brandit Prysm devant elle. Elle ne savait pas ce qu'était ce cadeau qu'il disait leur avoir laissé, mais s'il s'agissait d'un adversaire à affronter, elle ne pourrait compter que sur son épée pour se battre. Elle n'avait plus la force de se servir de ses capacités mentales. La Télékinésie, pour elle, c'était facile ; mais y joindre le Partage... Voilà qui l'avait drainée de ses forces.

En plus, elle était furieuse et déçue, elle qui avait cru qu'elle pourrait venger Sofy, elle qui n'avait pas été à la hauteur. Larrow s'avança pour s'approcher d'elle et lui prit doucement la main.

- Tu t'es très bien débrouillée, fit-il doucement. Allons combattre son cadeau, maintenant.

- Avec plaisir, répondit-elle.

Elle trouva sa voix faible, et se racla la gorge pour reprendre contenance. Levant devant elle son épée étincelante, elle s'apprêtait à combattre le groupe de soldats amassé devant elle.

Ils s'avancèrent d'un même pas, étrangement à l'unisson, comme des machines huilées et programmées pour s'imiter les unes les autres. Même si elle ne pouvait pas voir les yeux de tous ces hommes car certains portaient des casques, elle trouva leur iris étrangement noir, couleur encre...

À peine avait-elle fait un geste dans leur direction, prête à en découdre pour faire passer la défaite qu'elle venait d'endosser face à Orion, que Larrow se figeait tout net. Elle se tourna vers lui, troublée. S'arrêter durant un combat, ça ne lui ressemblait pas. Bien au contraire, il était la dernière personne qu'elle aurait imaginée reculer face à une bataille. Mais il n'avait pas l'air d'avoir peur, il n'avait pas l'air effrayé ; les yeux exorbités, comme s'il avait vu un fantôme, il fixait quelqu'un au milieu de la foule de leurs ennemis. Elle suivit son regard. Il toisait avec un mélange de stupeur et d'émotion un garçon, à peu près de son âge, qui se trouvait entre les autres soldats de Drake ; lui aussi avait leur armure, et une xiphoskia à la main. Il avait les cheveux noirs et bouclés, la peau sombre, de grands yeux couleur de nuit et de longs cils les entourant et ombrant ses pommettes hautes. Ses doigts crispés autour de l'épée de pierre noire étaient trop fins, ressemblant à des brindilles que l'on pourrait aisément casser, et on devinait qu'il était décharné et trop maigre. Effectivement, il lui paraissait familier, et Larrow semblait le reconnaître. Mais comment pourrait-il reconnaître un soldat de l'Empire de Drake, qu'il détestait ?

- A... Abel ?

Lym en eut le souffle coupé. Abel. Abel Seymour, son ami, tué des années plus tôt. Disparu. C'étaient les mots qu'il avait employé. Enlevé par Drake, disparu, tué. Mais alors pourquoi était-il là, devant eux ? N'était-il pas mort ? À présent, elle savait où elle l'avait vu ; sur une photo que lui avait montré Larrow d'eux deux souriant à la caméra devant l'arbre géant d'Eleuth. Sur l'image, cependant, il était moins maigre, alors qu'ici il semblait décharné, squelettique ; elle se souvenait de ses grands yeux caramel, qui avaient à présent été remplacés par ces abîmes d'un noir d'encre, et il ne souriait plus, l'air perdu, le visage impassible comme un masque de cire. Ses pommettes ressortaient trop sur sa peau parcheminée, semblant presque coupantes tant il était merbre.