Comme elle avait retrouvé son enchanteur, Elyra et Lym reprirent leur place devant la commerçante, qui avait l'air fatigué.

Elyra lui tendit le sac où se trouvait la robe qu'elle s'était achetée, et la femme sortit sa main de sous son voile pour s'en saisir, restant soigneusement hors de portée des rayons du soleil. Ses doigts étaient longs, pâles et cadavériques, aussi arachnéens que ceux de Larrow, et ses longs ongles soignés et pointus étaient vernis de bleu et d'argent.

Elle ouvrit le sac pour voir le prix, puis elle s'empressa de cacher sa main sous son voile. Lym remarqua que sa peau semblait déjà s'être craquelée et fendillée comme de l'argile durci trop vite, et elle eut un instant peur que ses doigts ne tombent en morceaux. Heureusement, elle dissimula sa main avant, et se dirigea vers le comptoir où elle rangeait son petit butin sous forme de digits, diamants et autres pierres précieuses.

- Vous êtes une Stryge, devina Lym.

- Non, je suis la mère Noël, railla-t-elle. Bien sûr que je suis une Stryge.

Lym la foudroya du regard, mais elle prit sur elle pour ne pas lui lancer au visage une réplique acerbe. Après avoir agité son enchanteur pour transmettre des digits à la Stryge et avoir récupéré ses achats, Elyra laissa Lym l'attirer par le bras pour la conduire à l'extérieur.

Le ciel s'était déjà un peu assombri ; elles avaient dû passer une éternité à l'intérieur de ce magasin. Lym, qui n'en pouvait plus d'écouter son amie lui faire un discours sur la fluidité que lui confèrerait cette robe pour danser, l'entraîna de force dans la foule des Dragomirs et des Selkies, cherchant du regard ses amis. Voyant Shay qui était attablé dans un bar, occupé à siroter un thé, elle s'empressa d'entrer, et découvrit un décor des plus surprenants ; l'endroit semblait chaleureux, avec un grand feu craquant dans la large cheminée, et pourtant, le toit étincelant tendait des stalactites de cristal vers le sol, comme de longs doigts argentés. Feu et glace semblaient se côtoyer dans cet endroit sans s'entre-détruire. C'était étrange, mais aussi d'une harmonie étrange.

Les deux jeunes filles allèrent s'asseoir à la table de leurs amis. Autour d'eux, la clientèle était des plus variées ; Dragomirs en combinaisons foncées, Selkies aux épaules drapées de leurs manteaux, hommes et femmes voilés pour éviter la lumière du soleil, et elle crut même apercevoir un Ange près du feu, qui maintenait bien à l'écart des flammes ses immenses ailes blanches et duveteuses.

Dans un coin, deux hommes s'étaient de toute évidence énervés l'un contre l'autre car ils se criaient dessus en se lançant des reproches. Lym leur jeta un coup d'œil, se demandant si quelqu'un allait intervenir pour les empêcher d'en venir aux mains, mais, bien au contraire, certains membres de la foule acclamaient leur préféré en les incitant à se battre, tandis que d'autres prenaient un air ennuyé, tournant leurs cuillères dans leurs boissons. À un moment, Lym vit l'un des deux, un homme robuste au visage qui semblait avoir été taillé dans un morceau de roche, bondir sur son opposant. Alors qu'il était encore en l'air, ses cheveux s'allongèrent, sa peau mate se couvrit d'une fourrure abondante, ses yeux s'étirèrent et se teintèrent d'un ambre doux et ses griffes se recourbèrent. Lorsqu'il percuta son adversaire, il s'était entièrement transformé en un loup énorme à la fourrure grisonnante et au collier épais, qui agitait la queue en montrant les crocs, la bave aux lèvres.

« Un Neuri », songea Lym en se souvenant des vieilles séries de loups-garous qu'elle avait eu l'habitude de regarder.

L'autre membre de la bataille repoussa le loup qui essayait de lui saisir la gorge avec ses babines écumantes, et il tira une longue épée de sa taille. Le loup et l'homme se toisèrent froidement un moment, se défiant du regard, puis le Neuri reprit sa forme humaine et l'humain (était-il vraiment humain ou en avait-il seulement l'apparence ?) rangea son arme dans un cliquetis de fer.

DRAGOMIR 🍀 PART1Where stories live. Discover now