- J'ai – elle s'arrêta. Sa voix ne sortait pas correctement. Elle était étranglée, faible. Quelque chose n'allait pas.

- C'est bon, dit doucement Kosh. C'est bon, vas-y.

Lorsqu'il passa une main sur son visage pour chasser des larmes, elle comprit avec horreur et stupéfaction qu'elle pleurait. Apparemment, si sa colère s'était calmée après avoir fait exploser ces bouts de bois, sa tristesse, non. Car malgré ce qu'elle avait dit à Larrow, elle était triste, aussi. Surtout en colère, mais aussi triste.

Mais même triste, normalement, elle ne pleurait pas. Elle n'avait pas pleuré devant quelqu'un depuis – elle n'avait pas – elle n'était pas censée pleurer, pas elle, elle ne pleurait jamais, c'était...

Mais lorsque Kosh passa à nouveau une main sur sa joue pour se débarrasser des larmes, Lym réalisa que c'était précisément le geste que faisait sa sœur pour la consoler lorsque, petite, elle pleurait l'absence de ses parents. Le geste qu'aurait une sœur. Le geste qu'aurait un frère.

Devant sa sœur, elle n'avait jamais eu de mal à pleurer comme avec les autres. Peut-être que ce pouvait être pareil avec un frère.

- Kosh, dit-elle, et là encore ça voix était à ses oreilles étranglée, et lointaine, et anormale.

- Ça va, tout va bien, dit-il doucement.

Il passa une main à l'arrière de sa tête et l'attira à lui, et elle posa son front contre son épaule, quelques larmes s'attardant sur ses cils.

- Non, répondit-elle de la même voix perdue, qu'elle détestait. Non, ça ne va pas.

- C'est vrai. Mais ça va aller. Ça va aller, d'accord ? Lym. Ça va aller.

Il l'écarta doucement de lui pour qu'elle puisse le regarder dans les yeux, et elle hocha la tête en s'exécutant. À présent elle pouvait remarquer les paillettes d'argent et de bleu dans ses grands yeux presque noirs.

Soudain elle découvrit qu'elle allait mieux. Elle n'avait plus ce nœud qui se resserrait au creux de son ventre ; elle avait presque envie de rire. Sans qu'elle ne comprenne pourquoi, un sourire confiant apparut sur son visage. Elle venait de pleurer, et elle ne savait même pas pourquoi. Sofy ? Mar ? La guerre ? Son cauchemar ? Tout, probablement. Parce que c'était trop. Mais maintenant, elle se sentait mieux, et elle se surprit à se dire que peut-être qu'elle pourrait recommencer à pleurer, parfois ; seule dans sa chambre, ou devant Kosh, peut-être.

- Tu vois ? dit celui-ci en lui rendant son sourire. Je t'avais dit. Ça va déjà mieux.

Et c'était vrai. Elle allait mieux. Et bien sûr qu'elle était perplexe – pourquoi le fait de pleurer pourrait-il arranger quoi que ce soit, surtout en mieux ? Mais elle n'avait plus vraiment envie de se poser des questions, ni même de pleurer. Elle avait envie de rire, et le sourire que Kosh avait réussi à remettre sur son visage ne voulait plus disparaître à présent qu'il était là.

Elle se frotta les yeux et passa une main dans ses cheveux, jusqu'à ce que toute trace de ses pleurs ait disparu, et ils continuèrent d'avancer jusqu'au Starbucks. Leurs trois amis les attendaient devant. Ils avaient d'abord l'air inquiet, mais lorsqu'ils virent son sourire, qui avait manqué à l'appel depuis qu'elle était revenue en Angleterre, ils semblèrent soulagés. Lorsqu'Elyra lui demanda si elle avait besoin de parler, Lym découvrit qu'elle n'avait même pas à mentir lorsqu'elle répondit « non, je vais bien. »

Ils entrèrent dans le Starbucks. Devant l'employée au visage fermé qui leur demanda leurs noms pour les écrire au feutre noir sur leurs commandes, Elyra, Kosh et Larrow donnèrent leurs prénoms, mais Shay, bien évidemment, ne put s'empêcher de répondre autrement.

- C'est Czalkov.

- Comment ça s'écrit ? demanda la femme en fronçant les sourcils.

- C... Z... L... A... V...

- Pardon ?

- Je recommence. L... A... P... Z... W...

L'employée sembla confuse et barra ce qu'elle venait d'écrire pour recommencer, avant de fixer le résultat sans comprendre. Kosh avait un air désespéré de père aux enfants perturbateurs, mais les trois autres devaient se retenir de rire.

- Vous avez oublié le X et le Y, lui indiqua Shay avec un air sérieux.

- Bon, vous vous appellerez Michel, comme tout le monde ! soupira la serveuse, excédée. Et vous, là, c'est quoi votre prénom ?

- Marie-Jeanne-Claude-Jacqueline-Cassandra, répondit Lym.

La serveuse la fixa un moment, puis brandit son feutre noir.

- Je vais mettre Marie.

Ils allèrent s'asseoir à une table un peu à part, avec leurs boissons en mains. Elyra avait prit un milkshake au caramel, qu'elle sirota avec un pensif, Kosh un gigantesque chocolat chaud dont il regardait les nuages de chantilly se retirer tandis qu'il les aspirait avec la paille, Larrow un granita bleue qu'il avait tirée d'on ne sait où et Shay un thé glacé. Lym ne savait pas trop ce qu'elle avait commandé, pour être tout à fait honnête, mais ça ressemblait un peu à une sorte de limonade.

Il prit une gorgée de sa boisson distraitement, et ils discutèrent de tout et de rien, de leurs leçons de Contrôle, des progrès qu'ils avaient faits en Combat, de leurs relations avec leurs dragons. Ils allèrent ensuite se balader dans le village, et Lym insista pour aller à la librairie s'acheter des livres, puisqu'elle n'en avait plus aucun à lire. Kosh et Shay passèrent des heures à lire des bandes dessinées avec leur paquet de cookies à côtés d'eux, assis au milieu de l'une des allées de la librairie, ignorant les acheteurs qui devaient les enjamber pour passer. Elyra effectua des pas de danse sur l'escalator, et lorsqu'on vint le lui interdire elle fit remarquer aux surveillants qu'il n'y avait aucune règle qui interdisait les ballets improvisés dans les escaliers, électriques ou pas. Et lorsque Shay commença un action ou vérité avec Larrow et lui demanda de faire semblant d'être étranger, Larrow se prit au défi. Il prit un accent russe si convaincant que la caissière n'y vit que du feu. Puis ils sortirent avec leurs achats sous le bras, et s'assirent dans le parc, sous la pluie de feuilles rouge et or.

Ils avaient un enterrement dans une heure, l'enterrement de sa meilleure amie, et pourtant Lym se sentait mieux, souriait, et regardait les feuilles de feu tomber comme s'il s'était agit d'une œuvre d'art.

(chapitre corrigé ✔)

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DRAGOMIR 🍀 PART1Where stories live. Discover now