DRAGOMIR 🍀 PART1

✨~[II/7]~✨

Mardi, après une interminable classe d'Étude, Zale vint les chercher pour celle de Soins, et ils partirent tous vers les Galeries où le professeur allait évaluer l'état de leurs dragons pour voir s'ils étaient réellement capables de s'en occuper. C'était une étape importante – on ne comptait plus les élèves qui s'étaient vu retirer la charge de leur Equitem pour négligence.

Lym alla rejoindre Laxy pendant que ses amis allaient auprès de Glass, Miroir, Flamme et Aval : elle lustra ses écailles, déversa un sac entier de poissons malodorants devant son museau, puis elle dut avec beaucoup de grimaces et de jurons sonores lui laver les dents avec une brosse qu'elle avait beaucoup de mal à tenir. Surtout qu'avec son haleine de poisson mort, elle dut se mettre une pince sur le nez, ce qui, de toute évidence, ne fonctionnait absolument pas puisque l'odeur parvint avec la même facilité à la mettre au bord de l'évanouissement.

- Tu as une haleine horrible, sac d'écailles, marmonna-t-elle avec une voix nasale.

Même pas vrai !

Elle n'eut pas le temps de répliquer ; Zale entra dans le box du Noxis et prit un air assez sceptique en la voyant avec une grosse pince sur le nez en train de parler à son dragon tout en brossant à distance ses crocs argentés, tentant de rester le plus loin possible de son souffle, hissée sur une pile de caisses en bois chancelantes. En voyant le professeur entrer, elle s'efforça de lui adresser un sourire confiant mais ne parvint qu'à faire vaciller de plus belle les caissons qui s'effondrèrent en la projetant par terre.

- Aïe...

- Alley, vous allez bien ? soupira Zale, l'air excédé.

- Oui, oui. Je suis habituée, à force...

- Bon, je vous demanderais de quitter la caverne et d'attendre dehors. Occupez-vous d'un autre dragon ou bien restez auprès de vos amis ; je dois évaluer l'état de Galaxie.

Elle hocha la tête et adressa un regard en biais à Laxy, essayant de faire passer un message par cette œillade ; « essaye de ne pas la manger, ce serait sympa de ta part ».

Puis elle sortit de la grotte et arriva sur la falaise qui surplombait l'immensité grisâtre de la mer. Lym allait rejoindre Larrow et l'aider à nourrir Glass lorsque son attention fut attirée par un grondement sourd qui fit trembler légèrement la montagne. Elle fronça les sourcils, interloquée. Il était très fréquent d'entendre des dragons Sauvageons se plaindre ou tirer sur leurs liens pour tenter de s'envoler, ou encore se menacer les uns les autres pour réaffirmer leur dominance. Mais elle était persuadée, malgré les très nombreux mois qu'elle avait passés à Eleuth et les heures consacrées à l'Étude des Dragons près des falaises, de n'avoir jamais entendu un son pareil.

Elle remarqua alors que le rugissement venait de l'endroit où elle avait vu disparaître Cave et Meyer ce weekend ; la crique que surplombaient les falaises.

De toutes ses forces, elle tenta de se convaincre que ce n'était qu'un cri de rage d'un nouveau dragon qui voulait s'enfuir, mais ce hurlement guttural venait des tréfonds de la montagne, comme si on avait enfermé celui qui l'avait poussé dans une caverne au cœur de l'île. En plus, il lui semblait presque... Familier ? Pourtant elle était certaine de ne jamais l'avoir entendu ici. Sa curiosité dévorante finit par prendre le dessus, et la videntis se dirigea vers l'origine de ce son, descendant les escaliers qui menaient jusqu'à une petite plage de galets gris bordant la mer. À cause de la marée, on ne voyait presque plus les pierres qui étaient noyées sous les flots bouillonnants. Une fine bande de plage souvent submergée par les vagues écumantes était visible par intermittences.

Elle descendit jusqu'à la mer, et, perchée sur la dernière marche de l'escalier, jeta un coup d'œil sceptique au petit ruban de galets noircis par l'eau ; elle savait parfaitement qu'elle serait trempée si elle y mettait un pied, mais elle était trop impatiente pour attendre que la mer se retire au gré des marées. Un nouveau hurlement étouffé se fit entendre, plus proche. Elle crut même voir la falaise s'ébranler légèrement, et de la poussière de craie en tomber pour blanchir l'eau – mais peut-être se faisait-elle des films. Elle sauta sur les pierres qui crissèrent sous son poids et une vague vint immédiatement la recouvrir jusqu'aux genoux. Elle grimaça, sentant ses chaussettes lui coller aux pieds et son pantalon s'alourdir sous le sel et l'eau ; de l'écume mouchetait maintenant ses chaussures que, pour une fois, elle avait réussi à garder impeccables jusque-là. Avec un soupir, elle se mit à marcher en s'appuyant sur le mur de craie de la falaise, fronçant le nez à chaque vague qui venait détremper ses chaussures, les embruns faisant claquer des mèches rousses contre ses joues rougies par le vent. Avec un désagréable bruit spongieux, ses chaussettes s'enfonçaient à chacun de ses pas.