- Larrow, laisse-la partir.
- Quoi ? Tu ne te soucies donc pas du tout d'elle ?
- Si, mais je la pense capable de se défendre s'il y a du danger... Et, soyons honnêtes, tu ne ferais pas le poids un instant contre une Lym Alley en colère.
Larrow sembla hésiter un instant, puis, à contrecœur, il s'écarta pour libérer le passage vers la porte. Sans réfléchir un instant, Lym sortit en faisant voler la porte contre le mur avec fracas et s'enfuit dans une tornade de cheveux roux sombres.
Le soleil avait commencé à se lever lentement à l'horizon, faisant courir des vagues de couleurs pastel sur la noirceur du ciel. De l'orange pâle, du rose nacré, mais surtout une teinte presque anormale de rouge qui transformait le ciel en marée sanglante. Lym se serait peut-être laissée aller à admirer la magnificence du ciel en d'autres circonstances, mais pas cette fois. Elle courut dans le jardin jusqu'à un amas de ronces derrière lequel, au milieu d'un massif floral, était jeté son vieux vélo à la chaîne un peu rouillée et aux freins cassés, bosselé par les années de balades dans des recoins interdits.
Avec difficulté, elle extirpa le vélo des bégonias dragon flétris par le manque de soins et le tira en se rougissant les mains jusqu'au sentier voisin. Puis elle grimpa dessus et se mit à pédaler à toute allure en cahotant sur des cailloux qui parsemaient l'allée. Derrière elle, elle entendit ses trois amis retourner la maison à la recherche d'un autre vélo. Ils tomberaient vite sur celui de sa sœur qu'elle n'utilisait presque jamais et pourraient la suivre, mais Lym ne s'attarda pas pour qu'ils puissent la rattraper ; elle pédalait à toute allure, sans faire attention aux aspérités qui faisaient parfois sursauter le vélo de manière imprévisible. Elle allait tellement vite, ses longs cheveux fouettant méchamment ses joues, qu'elle ne remarqua pas l'énorme pneu crevé jeté avec imprudence en travers de la route.
La roue avant du vélo heurta durement le pneu et il se renversa sous le coup, faisant tomber lourdement Lym par terre. Elle roula dans les galets et sentit de petites pierres s'incruster douloureusement dans sa peau ; ses paumes et ses joues se criblèrent de petites écorchures et elle sentit un filet de sang en couler, tandis que sa blessure au dos la faisait souffrir, mais elle n'y fit pas attention. Elle se releva d'un bond, saisit fermement son vélo cabossé, le redressa tant bien que mal et se hissa dessus avant de se remettre à pédaler de toutes ses forces.
Elle arriva enfin devant la porte de la maison de Sofy et jeta son vélo par terre, sur la chaussée. Une voiture pourrait en écraser le guidon déjà tordu par les chutes, mais elle n'avait pas le temps de s'en inquiéter. Elle courut jusqu'à la porte de la maison, tapa le code qu'elle connaissait par cœur, arriva sur le palier d'escalier et grimpa les marches quatre à quatre jusqu'à arriver à l'étage où se trouvait l'appartement des Mason. Ses parents, souvent occupés, devaient être en voyage pour leur travail. Lym avança avec le minuscule espoir de s'être trompée quelque part au fond de son cœur.
La porte était ouverte.
Elle dut étouffer un sanglot en entrant dans l'appartement mais, comme elle s'y attendait, il était saccagé. Des chaises étaient réduites à des tas de copeaux de bois, des meubles étaient brisés et, surtout, le tapis était maculé d'immenses taches de sang rouge noirâtre. Ses pires soupçons se confirmèrent. D'un pas vacillant comme celui d'un somnambule, elle s'avança jusqu'à la chambre de sa meilleure amie, qu'elle connaissait par cœur, et ses yeux se remplirent de larmes lorsqu'ils tombèrent sur le cadavre de Sofy.
Immobile, étendue sur le sol de sa chambre, elle avait l'air d'une petite fille innocente ou d'une princesse de contes de fées endormie par un enchantement. Lym accourut en suppliant le ciel d'entendre un battement de cœur dans la cage thoracique de son amie, mais lorsqu'elle retourna son corps, elle sut que tout espoir était vain. Sa peau était déjà glacée comme si on l'avait recouverte de givre et de toute évidence, la mort datait d'une heure au moins. Elle l'allongea sur le dos et put enfin voir son visage ; auréolé de cheveux blond pâle relevés en deux nattes à moitié défaites, il y avait une expression de surprise peinte sur ses traits. Sa bouche était remplie de sang, et une xiphoskia noire était plantée dans sa poitrine, ayant de toute évidence perforé les poumons et lui emplissant les voies respiratoires de sang. Ses yeux brun chocolat autrefois si chaleureux étaient à présent figés et vitreux, fixant sans le voir le plafond de sa chambre. Les lumières clignotantes des ampoules de reflétaient dans ses yeux comme dans deux billes de verre.
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DRAGOMIR 🍀 PART1
ParanormalLymerya Alley. Rien que le nom était déjà des plus anormaux. Alors si, en plus, elle voyait des évènements inexplicables et surnaturels autour d'elle depuis son enfance, on pouvait déjà s'imaginer que sa vie ne serait pas des plus communes. Pourta...
✨~[I/53]~✨
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