✨~[I/35]~✨

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Était-ce normal ?

Honnêtement, elle avait peur. Pas pour elle-même : ce pouvoir lui appartenait, il ne lui ferait pas de mal, bien qu'elle ne puisse pas le contrôler. Plutôt pour Cléandra et son ami, et ce qu'elle risquait de le faire dans sa rage incontrôlable...

- Je n'ai pas peur de toi, persiffla Cléandra, bien que ses doigts tremblent autour de son arme.

- Sans doute pas. Mais tu devrais.

Ses yeux brillèrent d'un éclat dix fois plus fort, illuminant les bois d'une lueur rouge intense comme celle d'un phare, qui aveugla momentanément ses deux opposants ; puis, comme si un géant colérique les avait attrapés pour les presser entre ses doigts, les troncs des arbres alentours se craquelèrent et se rétractèrent, opprimés par une force invisible. « Ces arbres... il aurait pu s'agir de Cléandra » comprit Lym avec horreur, et elle essaya vainement de réprimer le pouvoir qui prenait contrôle de chacun de ses membres, mais en essayant de se défendre, elle avait perdu tout contrôle. La douleur dans son épaule avait succombé à l'oubli causé par l'adrénaline de la bataille.

Cléandra et Ken tournèrent les talons et essayèrent de fuir ; tentative inutile, malheureusement, car, comme s'ils étaient attirés par une gravité terrifiante, ils furent tirés en arrière. Soudain, une onde de choc sembla s'étendre du cœur de Lym, brisa en copeaux d'écorce et éclats de sève les arbres avoisinants, et projetant ses deux ennemis au sol. Cléandra essaya de se relever en gémissant de douleur et saisit le fusil qui gisait au sol, mais Lym vit, avec un horreur mêlée de fascination, le canon de l'arme se tordre comme s'il s'était agit de caramel. Lorsqu'elle essaya de tirer, la lame se perdit dans les arbres et le canon se mit à chauffer. Avec un cri, elle lâcha le fusil détruit. Prysm en main, la jeune fille aux cheveux roux, ses yeux rougeoyant toujours dans l'obscurité, s'avança tandis qu'elle reculait jusqu'à avoir le dos collé au tronc décortiqué d'un arbre. Elle colla l'épée sous son menton, entaillant sans doute sa peau légèrement.

- N-ne me tue pas, bégaya Cléandra d'une voix pathétique.

- Toi, ne m'approche plus jamais, souffla Lym d'une voix glaciale qu'elle ne se connaissait pas. Ni aucun de mes amis. Jamais. Ou je te tuerai.

Elle la regardait avec une peur infinie dans les yeux qui la fit enfin réagir. Sentant le pouvoir refluer comme la mer, elle baissa les yeux sur ses mains où elle tenait l'épée, puis releva la tête, horrifiée, voyant Ken étendu plus loin qui haletait et se tenait la tête à deux mains comme s'il avait été en proie à une douleur infinie dans son crâne, et Cléandra qui la regardait avec un mélange de peur intense et de haine dans les yeux, recroquevillée contre un arbre, la suppliant de ne pas la tuer. Ses yeux rouges qui illuminaient légèrement les environs en envoyant danser contre les arbres des ombres pourpres s'éteignirent.

Comment était-elle arrivée à ce stade-là ? Quand avait-elle perdu tout contrôle ? Ses épaules se mirent à trembler, mais elle garda les doigts solidement et fermement agrippés autour de son épée qu'elle ne cessa pas de presser contre le cou de son ennemie. À présent, elle, qui avait toujours été si forte et violente, qui criait sur le premier venu et qui était crainte dans toute l'Académie, tremblait comme une feuille et elle crut même entendre un vague sanglot de sa part.

D'un côté, Lym maudissait le pouvoir qui semblait l'avoir transformée en être impitoyable et glacial. De l'autre, elle le remerciait d'être enfin venu au moment où elle en avait le plus besoin, quand Cléandra était à deux doigts de la tuer sans réfléchir.

Soudain, une effroyable douleur lui traversa le bras et elle fronça les sourcils en regardant son épaule ; un petit trou sanglant y était percé, déchirant la bretelle de sa salopette en jean, et elle se souvint de la fléchette qui avait jailli de l'arbalète de Cléandra pour transpercer le haut de son bras. Ses jambes semblèrent se ramollir sous son corps et elle sentit une profonde fatigue l'assiéger.

- Pars, lâcha-t-elle en toisant son ennemie tremblotante. Va-t'en. Vite. Et emmène ton pote avec toi. Dépêche.

Cléandra ne se le fit pas dire deux fois : elle évita soigneusement la pointe de Prysm, attrapa solidement Ken par le bras, le hissa sur ses épaules et détala à travers les arbres moussus sans demander son reste. Lym baissa les yeux sur ses mains poisseuses de sang.

- Prysm, murmura-t-elle, et l'épée se rétracta jusqu'à ne devenir qu'une larme de cristal qu'elle attacha autour de son cou.

Puis elle agrippa solidement la blessure sur son épaule pour empêcher le trou béant de déverser tout son sang sur les pierres et les fougères de la forêt. Au loin, elle crut entendre quelqu'un appeler son nom. « Larrow », fut sa première pensée. Son ami était là. Une inespérée vague de soulagement afflua en elle.

D'un pas flageolant, elle marcha entre les troncs d'arbres et découvrit avec horreur tous ceux qu'elle avait écorcés ou émiettés dans sa fureur dévastatrice, les rochers massifs qu'elle avait changés en gravas, la jolie clairière transformée en tas de décombres. Elle était aussi estomaquée que fascinée de découvrir l'étendue de son pouvoir, et même si elle le trouvait incroyable, elle ne pouvait s'empêcher de se rappeler qu'elle n'avait aucun contrôle sur lui. La panique, la peur et la rage prenaient les rênes sans la concerter et faisaient ce qui leur chantait sans qu'elle puisse les empêcher de dépasser les bornes. Elle avait presque tué Cléandra... Par Ladon. Elle l'avait presque tuée.

- Lym ! hurla quelqu'un, plus près que la dernière fois, et cette fois-ci elle fut sûre de l'avoir entendu.

- Larrow, appela-t-elle, mais sa voix était rauque et faible et lorsqu'elle essaya de crier le nom de son ami, sa gorge commença à lui brûler comme si elle avait avalé des milliers d'échardes qui écorchaient sa trachée.

Elle continua de marcher en crispant la main sur son épaule, qui la faisait souffrir affreusement, et serra les dents avec douleur. Enfin, s'appuyant d'une main ensanglantée contre le tronc d'un arbre pour ne pas tomber, elle atteignit la lisière de la forêt. Quelqu'un courut vers elle en tenant une lampe-torche qui illuminait l'obscurité d'un faisceau blanchâtre et l'aveuglait comme s'il s'était agit d'un phare.

Elle put cependant voir dans un rayon de lumière une mèche rebelle de cheveux d'or sombre. Ce n'était pas Larrow, c'était Shay. Ses épaules s'affaissèrent de soulagement lorsqu'il la vit, puis la lumière l'illumina et il put voir sa condition.

- Lym ! s'écria Shay en arrivant auprès d'elle et en avisant avec horreur sa plaie béante, et elle vit dans son visage l'angoisse déformer ses traits. Un pli soucieux lui barrait le front.

Lym entrouvrit les lèvres pour répondre ; une mèche rousse tomba devant ses yeux et, face à la lumière tremblotante de la lampe, elle vit que ses cheveux flamboyants étaient tout aussi poissés de sang et noirâtres. Elle toussa. Un peu de sang sombre éclaboussa l'herbe.

Shay l'attrapa par les épaules, doucement pour ne pas la blesser, mais lui arrachant quand même un râle de douleur.

- Lym, que s'est-il passé ?

- Je... J'ai...

Elle ne finit pas sa phrase. Des taches d'un rouge sombre comme le sang dansèrent dans son champ de vision en formant des motifs grossiers et mouvants comme l'intérieur d'un kaléidoscope, et elle sentit l'écorce de l'arbre contre lequel elle s'appuyait lui entailler les mains : submergée par la douleur, elle s'affaissa dans les bras de son ami, inconsciente, et tout devint noir autour d'elle.

 Des taches d'un rouge sombre comme le sang dansèrent dans son champ de vision en formant des motifs grossiers et mouvants comme l'intérieur d'un kaléidoscope, et elle sentit l'écorce de l'arbre contre lequel elle s'appuyait lui entailler les main...

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(chapitre corrigé ✔)

DRAGOMIR 🍀 PART1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant