- Laxy... ? commença-t-elle prudemment. Laxy, tu as... dit quelque chose ?

Bien évidemment, le dragon la fixa sans répondre avec ses grands yeux lavande dénués de blanc et dotés de pupilles fendues.

Elle secoua la tête. Elle avait dû rêver ; son imagination débordante lui jouait souvent des tours.

Lym se laissa tomber dans un coin et prit son cahier de croquis de son sac ainsi que ses pastels gras. Plongée dans ses pensées, elle dessina prestement sans même y réfléchir vraiment la forme des ailes, le museau, les crocs scintillants, les écailles noirâtres qui se chevauchaient comme celles qu'arborait un poisson. Lorsqu'elle eut fait l'esquisse du dessin, elle contempla en silence la bête qui était apparue sur le papier que ses vigoureux coups de pastel avaient froissé ; un reptile ailé aux griffes particulièrement longues, aux yeux étincelants dans la semi-pénombre, à la majesté d'autant plus étrange et impressionnante qu'elle était accompagnée d'une malice brillant dans ses iris.

Elle passa un doigt sur le papier le long des traits courbes et longs, étalant et estompant le pastel poreux.

La videntis soupira tristement. Quand Laxy cesserait-il de la repousser comme s'il était face à une étrangère, pour enfin l'accepter comme son Equitem ? Sa maigre patience avait déjà été trop consumée. Elle se redressa, faisant voleter le papier par terre : il tournoya à ses pieds puis alla s'échouer face aux griffes immenses du Noxis ; face à ces instruments de mort argentés et étincelants comme deux lames dans l'obscurité, le petit morceau de papier semblait dérisoire et minuscule.

- Allez, salut, lança-t-elle avec un léger soupir. J'ai d'autres choses à faire que de m'occuper de toi, lourdaud.

Pourtant, alors qu'elle allait sortir, elle s'arrêta tout net. Le dragon, derrière elle, restait silencieux. La dernière fois qu'elle avait essayé de l'approcher, il s'était jeté sur elle, griffes en avant, prêt à la dévorer. Serait-ce toujours le cas ? Hésitante, elle revint sur ses pas et s'approcha au maximum de Laxy, juste assez pour sentir son souffle chaud aux effluves métalliques du sang sur son visage, mais pas suffisamment pour que les chaînes qui le maintenaient attaché ne le laissent la toucher de ses griffes ou de ses crocs.

Hésitant un peu, elle tendit la main. Ses doigts s'approchèrent dangereusement du museau du dragon, et elle guetta une réaction de la part de l'immense bête.

Le souffle ardent qui dilatait ses narines fendues venait désagréablement chatouiller sa main tendue. Et s'il lui en venait l'envie d'ouvrit la gueule et de lui sectionner le bras en la laissant avec un vague moignon sanguinolent ? Laxy en était capable, sans le moindre état d'âme. Elle avait peur, mais avait toujours été habile pour le dissimuler : sa main était ferme.

Galaxie sembla hésiter entre la laisser faire ou mordre ses doigts. Lym, essayant de paraître sûre d'elle, posa doucement la paume sur la surface rugueuse des écailles sombres de son museau. Elle frissonna légèrement en sentant le goût métallique du sang sur sa langue associé à celui d'une peur étrange, accompagnée d'excitation et de vagues d'adrénaline.

Elle raffermit sa main sur le museau de Laxy. Il ne réagissait toujours pas. À peine avait-elle formulé cette pensée que le dragon s'ébrouait et, avec une rapidité déconcertante, tendait le cou, gueule grande ouverte : sa mâchoire claqua dans l'air brûlant et Lym eut à peine le temps de retirer sa main. Les crocs d'argent refermés, luisants de danger et encore perlés du sang rubis de son repas, s'étaient fermés à cinq centimètres de ses doigts. Avec stupeur, elle ramena son bras contre elle et regarda sa main, sa paume, ses doigts, les pliant et les dépliant, redécouvrant la ligne de vie tracée dans sa chair comme si ce membre n'était pas le sien. Puis elle leva un regard ébahi vers Laxy, qui la toisait froidement de ses iris violacés.

DRAGOMIR 🍀 PART1Where stories live. Discover now