Lymerya Alley.
Rien que le nom était déjà des plus anormaux.
Alors si, en plus, elle voyait des évènements inexplicables et surnaturels autour d'elle depuis son enfance, on pouvait déjà s'imaginer que sa vie ne serait pas des plus communes.
Pourta...
- On peut reparler de ce qui s'est passé avec Coff ? J'ai trouvé ça incroyable, quand même...
- En tout cas, merci d'avoir retenu les membres de sa bande...
- Il n'y a pas de quoi, répondit Kosh, on n'allait pas les laisser se joindre à la baston.
- Oui, ils étaient énormes, commenta Shay. De vrais gardes du corps, en fait. Enfin, tu sais, on n'était pas les seuls à les empêcher de se battre ; l'un d'entre eux était de notre côté.
- L'un d'entre eux ? répéta Lym, surprise.
- Un membre de la bande de Coff était contre toute cette agitation. Il a retenu les autres, et, comme apparemment c'est le lieutenant de Coff ou un truc comme ça, ils lui ont obéi. Je ne sais pas si on aurait pu les retenir sans en venir aux mains, s'il ne nous avait pas aidés.
Lym fronça les sourcils, troublée ; pourquoi le bras droit de Cléandra l'aurait-il secourue ? Pourquoi aurait-il laissé la tête de leur groupe se faire tabasser sous ses yeux sans réagir et en empêchant ses camarades de participer au combat ? Elle n'arrivait pas à comprendre ce qui l'avait poussé à faire ça, mais elle n'allait quand même pas aller rejoindre la bande de Cléandra rien que pour essayer de s'informer ; elle mit ces questions dans un coin de son esprit puis recommença à parler avec ses nouveaux amis.
Les deux garçons et elle discutèrent de tout et de rien jusqu'à l'heure du déjeuner, où ils descendirent à la cafétéria chercher de quoi se mettre sous la dent : Lym, toujours fascinée par le système qui faisait apparaître sa nourriture, prit un sandwich et retourna avec Shay et Kosh vers le sommet de l'arbre, où ils pouvaient être un peu seuls. La cafétéria était vraiment bondée. Dans la salle d'écorce, elle sentait les regards des autres élèves, qui la reconnaissaient pour l'avoir vue se battre contre Cléandra : on lisait une sorte de reconnaissance dans leurs yeux. La jeune fille au visage de bouledogue devait vraiment être un tyran à l'Académie pour que tout le monde soit heureux de l'avoir vue se prendre une leçon, mais Lym était gênée par tous ces regards.
Dans la ramure du chêne, assis sur une branche plus épaisse que le tronc d'un arbre normal, balançant leurs pieds dans le vide, ils mangèrent leur repas en regardant le soleil amorcer sa descente dans le ciel, avançant inexorablement vers la mer miroitante et turquoise. Lorsqu'ils eurent fini, Shay rendit à Lym son paquet de cerises en lui souriant. Elle eut avalé son contenu en deux instants.
- Tu peux pas... Je sais pas... Respirer entre chaque bouchée ? soupira Shay en levant les yeux au ciel. Parce que si tu respires pas... Ben... Tu meurs, en fait.
- La ferme, répliqua-t-elle. Au fait, c'est quoi ton nom de famille ?
Il sembla hésiter un instant, ce qui la surprit. Qui, sur Terre, hésitait lorsque l'on leur demandait leur nom de famille ?
- Lake, pourquoi ?
- La ferme, Lake.
Il sourit, amusé.
- Je suis incapable de la fermer, Alley. Kosh a essayé de me faire taire pendant deux ans et il n'a toujours pas réussi.
- Tu sais, j'ai une sœur, commença-t-elle calmement en essayant de débarrasser ses mains du jus de cerise qui les entachait. Et, de nous deux, j'étais la plus bavarde. Du coup, autant dire qu'elle n'hésitait pas à me mettre du Scotch sur la bouche – j'ai appris de ça et j'ai toujours du ruban adhésif dans mon sac. Alors si tu ne la fermes pas, Lake, j'hésiterais pas non plus à m'en servir.
- Elle sort les griffes, dites, s'esclaffa Shay.
- Elles sont toujours sorties.
- Je vois ça.
Elle sourit. Dans son ancien lycée, elle ne pouvait pas échanger deux mots avec un garçon sans avoir envie de lui donner des baffes tant ils étaient immatures et grossiers : mais apparemment, il y en avait aussi, comme Kosh ou Shay, qui pouvaient se montrer sympathiques.
Kosh, d'ailleurs, se sentait un peu exclu de la conversation.
- Vous savez que je suis là, quand même ?
- Ah bon, lâcha Shay. Tu es tellement discret, aussi...
Le videntis brun leva les yeux au ciel
- C'est sûr que la discrétion ne fait pas partie de tes qualités, argua Lym en offrant un sourire moqueur à Shay.
- Et toi, il te manque probablement la politesse. Et l'adresse, et le calme, et la ponctualité.
- Comment tu sais ça ? protesta-t-elle. Je suis arrivée à l'heure aujourd'hui et j'ai quasiment rien cassé. Pour une fois.
- Je suis doué pour cerner les gens, sourit-il. Je connaissais déjà Kosh par cœur deux jours après notre rencontre...
- Tu veux dire, le jour où tu es arrivé chez moi en m'envoyant des bombes à eau à la face ? soupira celui-ci.
Voilà une anecdote de choix... Shay eut un sourire narquois comme si ces bombes à eau avaient été l'une de ses grandes fiertés. Ce qui était probablement le cas, en fait.
- Cependant, je dois avouer, Lym, que tu es assez compliquée à lire en dehors de ça.
- Je ne suis pas un livre ouvert, Shay. Navrée si ça te déçoit.
Tous trois discutèrent jusqu'au soir venu, où la chaleur étouffante qui régnait sur l'île d'Eleuth retomba et une agréable fraicheur envahit l'arbre gigantesque ; la vallée et la plage, qui auraient dû être plongées dans le noir, étaient éclairées par les petites balles de lumière qu'elle avait aussi vues dans le bureau de Cave, et flottaient dans un trajet aléatoire en rebondissant sur le sol lorsqu'elles s'en approchaient trop. Quelques-unes se perdirent dans la mer, sans jamais frôler les vagues, éclairant l'étendue noire et mouvante comme si elles avaient été des lucioles parcourant l'écume.
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