Celle-ci avait mit son téléphone dans sa poche et essayait d'effacer avec de l'eau les taches de peinture colorée sur son jean, mais rien à faire. Tant pis. Elle offrit un grand sourire à sa sœur, qui la fixait avec une sorte d'inquiétude.

- Tu ne vas pas être en retard ? demanda Mar, l'air nerveux. Il est pile et tu dois y être à trente. C'est au village d'à côté...

Lym hocha la tête. Bien sûr, sa sœur ne savait pas qu'elle allait se contenter de se téléporter grâce aux instructions que lui avait données Cave, et elle décida de ne pas stresser Mar (une Elymara stressée était une cascade de hurlements et de petits cris paniqués) et de sortir tout de suite, au risque d'arriver en avance. Voilà qui serait une grande surprise venant d'elle.

- Tu as raison, je vais y aller. Tout va bien ? Tu as l'air tendu.

- Et si tu n'aimais pas ce lycée ? Et si tu n'avais pas d'amis là-bas, et si tu te faisais harceler ? argua Mar, l'air totalement en panique. J'ai tellement peur pour toi, Lymie, tu as toujours eu du mal à t'intégrer...

Lym fut un peu vexée du peu de confiance que lui accordait sa sœur, mais elle n'en laissa rien paraître ; elle avait seulement envie de la voir vivre une belle scolarité, c'était compréhensible. Elle sourit à Mar, qui buvait son café très noir avec fébrilité, et s'approcha d'elle pour lui prendre les mains.

- Tout va bien se passer, sœurette. Aie confiance !

Elle hocha la tête, comme à contrecœur, puis lui tendit un petit paquet de papier craft, qu'elle prit, surprise.

- Des cerises. Je sais que tu adores ça.

- Merci !

Lym prit son sac pour sortir de chez elle, et offrit un immense sourire à Mar en sortant ; puis elle traîna sa lourde valise pleine de livres et autres affaires de dessin jusque dans la forêt, hors de la vue de sa sœur. Lorsqu'elle fut sûre d'être à l'abri des regards, elle sortit de son sac la longue baguette en pierre torsadée de la taille de son avant-bras que lui avait donné Cave, et commença à tracer avec de larges traits sur le sol. Elle dessina un cercle assez grand pour pouvoir tenir à l'intérieur et y fit apparaître en symboles de feu l'œil étrange qui était le symbole des Dragomirs.

Elle ajouta en-dessous des lettres et des chiffres qui indiquaient l'endroit où elle voulait être transportée, en l'occurrence, les portes de l'Académie des Dragomirs, puis tira sa valise dans le cercle et se posta à côté d'elle. Elle attendit un moment, puis enfin la lumière vive commença à submerger ses pieds, ses jambes, jusqu'à ses épaules, et elle finit par l'aveugler en lui faisant fermer les yeux. Avant même de les rouvrir, elle perçut le changement d'atmosphère, l'air devenant plus léger, se vidant de l'odeur des forêts et de la mousse pour devenir un étrange mélange de senteurs d'air marin, d'herbe coupée et de tarte aux pommes fumante. Lorsqu'elle ouvrit les paupières, elle n'était plus dans les bois mais devant les portes de l'Académie.

Elle était déjà venue ici une fois, lorsque Larrow l'avait accompagnée chez Cave, mais elle n'avait pu voir que l'intérieur du bureau de celui-ci ; à présent, elle pouvait admirer l'endroit où elle avait été lorsque l'auctor, comme l'appelait Larrow, lui avait expliqué la vérité sur les caecus et les videntis : c'était un arbre.

Un gigantesque chêne, aux branches de la taille d'une voie de métro, dont la ramure cachait le soleil lui-même : les feuilles vertes laissaient transparaître la lumière dorée du soleil, les veines de sève soulignées par la lueur du matin. Les branches les plus épaisses auraient pu contenir des couloirs, et c'était peut-être le cas, car apparemment, l'arbre était entièrement creux, et des ouvertures, comme des fenêtres, étaient visibles sur les branchages et sur le tronc à la taille inimaginable ; elle était persuadée qu'il était encore plus épais qu'un immeuble. Cette immensité titanesque était écrasante, un rappel de la puissance et la beauté de la nature sauvage. Des lianes s'enroulaient autour de l'écorce centenaire, des fleurs violettes ayant éclos dessus, et toutes sortes de bêtes parcouraient l'énorme refuge de feuillages que leur offrait le chêne ; écureuils, papillons, sortes de moucherons aux ailes semblables à du papier fin, l'arbre à lui seul représentait tout un écosystème. Aux branches basses étaient attachées des sortes de paniers qui pendaient au bout d'une corde solidement nouée autour des branches épaisses. Ces sortes de paniers circulaires pendouillaient dans le vide, chacun doté d'une grande fenêtre circulaire qui laissait entrer à flots la lumière : en voyant les affaires entassées et les matelas visibles à travers les hublots, Lym devina qu'il s'agissait des chambres des pensionnaires.

DRAGOMIR 🍀 PART1Where stories live. Discover now