Elles allèrent s'asseoir dans leur coin habituel avec leur repas gigantesque et commencèrent à manger en silence, la bouche trop occupée pour pouvoir articuler le moindre mot. Lorsqu'elles attaquèrent les gâteaux, la jeune fille rousse en mangea un, puis offrit le deuxième à son amie, une boule dans la gorge. Son amie prit la pâtisserie avec gratitude et la dévora avec gourmandise, mais une trace de suspicion était née dans ses yeux.

En froissant distraitement le papier craft où était normalement emballé leur déjeuner, Lym prit enfin son courage à deux mains, regardant fixement les traces de chocolat sur ses doigts.

- Sofy... Il faut que je te dise quelque chose.

- Je le savais, soupira son amie. Tu étais bizarre cette semaine. Et puis, tu ne paies jamais mon dessert et tu ne donnerais le tien pour rien au monde ! Vas-y, dis-moi.

- Tu vas t'énerver, la prévint Lym.

- Oui, répondit son amie. À en voir ton air coupable, oui, probablement. Quoi ? Tu as encore fait des trucs explosifs avec du Coca et des Menthos et tu les as mis dans les chiottes ? T'as allumé un feu d'artifice dans mon casier comme en 5ème ? Oh, je sais ! Tu as introduit un chien enragé dans le bureau du proviseur et tu y as enfermé Elliott Franklin, l'élève de 2nde qui n'arrête pas de te draguer.

- J'ai jamais fait ça ! protesta la rousse.

- Non, mais, honnêtement, ça ne m'étonnerait pas de toi.

Lym eut un petit sourire amusé. Sofy leva ses yeux bruns au ciel en jouant avec ses deux nattes blondes.

- Allez, Lym. Vas-y. T'étais pas une Gryffondor, espèce de froussarde ?

Elle prit une profonde inspiration, puis lâcha d'un trait ;

- Je vais changer de lycée.

La videntis vit le visage de son amie se vider de son sang et elle voulut immédiatement effacer ses paroles ; elle se remit prestement à parler pour essayer d'adoucir la brutalité de ses propos, expliquant qu'il s'agissait d'une brillante école d'art, un pensionnat dans un village voisin, que c'était une chance à ne pas rater et qu'elle devait à tout prix la saisir. Chaque mensonge lui transperçait le cœur comme un poignard, retournant le couteau dans la plaie, mais elle savait que la vérité serait rejetée instantanément par le cerveau de son amie caecus.

Lorsqu'elle eut terminé ses explications falsifiées, elle se tut et regarda en silence son amie blême fixer son fondant au chocolat sans le moindre appétit, le regard vide. Elle ne dit rien, semblant lentement réaliser ce que lui avait dit son amie. Lym, qui s'était attendue à des cris ou à se prendre un gâteau dans la figure, était effondrée par le désespoir dans le visage de son amie. C'était en fait encore pire que si elle s'était emportée contre elle.

- Dis quelque chose, supplia-t-elle. N'importe quoi. Crie ou frappe-moi, ou je sais pas, mais reste pas juste là à ne rien dire. S'il te plaît, Sofy...

Elle n'avait jamais vu Sofia Mason avec une telle mélancolie dans le visage, et cela lui brisa le cœur.

- Tu pars, résuma la jeune fille d'un ton grave.

- Oui... Mais je t'appellerais tous les jours, et on se verra chaque weekend ! Je ne te laisserais pas tomber, Sofy, je...

- Tu pars, répéta-t-elle. Tu pars et tu me laisses ici, où je n'ai aucun autre ami, tu pars et tu m'abandonnes. Comment tu peux faire un truc pareil, Lym ?

- Pardon... balbutia-t-elle.

Elle vit avec stupeur qu'elle pleurait et chassa doucement une larme de la joue de son amie.

DRAGOMIR 🍀 PART1Where stories live. Discover now