- Écoute, sœurette, c'est un choix important. Ce lycée d'art est assez réputé, tu dois être sûre que c'est ce que tu veux, car tu devras travailler dur, peindre sans arrêt, et...

- Je sais, Mar, murmura Lym.

Elle se sentait affreusement coupable d'avoir à lui mentir, mais elle savait que c'était la seule solution si elle voulait intégrer l'Académie et devenir une Dragomire ; elle ne savait rien de l'univers des videntis, alors qu'elle y appartenait, au fond d'elle, et elle voulait en apprendre plus. Quel qu'en soit le prix.

L'inquiétude dans les yeux bruns de Mar était compréhensible, cependant ; elle l'avait toujours eue à ses côtés pour s'occuper d'elle, et voilà qu'elle affirmait vouloir partir dans une école d'art, au village voisin.

- Je... commença sa sœur avant de s'interrompre et de secouer la tête, faisant voler les courtes mèches rousses autour de son visage délicat. Tu sais que c'est un pensionnat, Merry ? Tu ne rentreras à la maison qu'au weekend...

- Je sais, Mar, répondit-elle doucement, ne la corrigeant même pas quant à son nom. Je suis désolée, mais... j'ai déjà accepté. Je pense que ce sera une belle expérience.

Elle détourna le visage comme pour cacher sa tristesse, et Lym se sentit à nouveau infiniment coupable, non pas de l'abandonner mais surtout d'avoir à lui mentir ainsi.

Mar hocha finalement la tête.

- Sois juste prudente. Si quelque chose ne va pas, tu me le dis, d'accord ?

Par là, elle entendait sans doute harcèlement, solitude et mauvaises notes ; si elle avait su les véritables dangers qui l'attendaient sans doute, ainsi que la présence de l'Empire de Drake dont elle ne savait rien, à part qu'ils collectaient les videntis et n'hésitaient pas à les attaquer... Mar n'aurait pas paru aussi calme.

Lym hocha pourtant la tête et sourit à sa sœur, refoulant des larmes qui, inexplicablement, picotaient ses yeux. Pourtant, elle n'aimait pas pleurer, elle détestait ça.

Mar sortit de sa chambre, où Lym resta pour peindre un peu, délaissant les devoirs qu'on ne pourrait pas lui reprocher de ne pas avoir faits lorsqu'elle quitterait le lycée de St Exupéry ; elle peignit le bureau de Cave empli des lueurs voletantes, le visage livide de Larrow, l'apophis d'Orion, ses yeux rouges lorsqu'elle avait fait éclater le verre de leur salon. Le pinceau caressait la toile, tantôt en de longs traits, tantôt en de petits tamponnements pour simuler les coloris de la peau. Elle eut beaucoup de mal à retracer le visage du garçon aux mains de feu, sa pâleur vampirique, ses yeux incroyablement clairs, sa chevelure, courte mais bouclée, sombre, qui créait un contraste avec le reste de son visage. Rapidement, elle cessait de se poser des questions et se contenta de laisser son cœur s'exprimer à travers sa peinture, le pinceau courir sur la toile, sans faire attention à ce que son subconscient lui dictait de peindre.

Lorsqu'elle eut terminé son œuvre, elle s'en écarta pour l'admirer et découvrit avec stupeur ce qu'elle avait peint ; un corps immense au milieu du vide que lui offrait le chevalet, des ailes, et une queue écailleuse. Un dragon. Ses deux petits yeux vifs s'égaraient à gauche comme s'il venait d'apercevoir une proie. Sur l'orbe vitreux se reflétait une légère lueur rougeâtre.

La jeune fille jeta le tableau dans un coin, puis elle décida qu'elle avait assez peint et descendit dans le salon chercher quelque chose à manger. Par un quelconque miracle, les deux hommes en noir la veille semblaient avoir réparé la maison. Le buffet autrefois craquelé, le parquet en miettes et la porte réduite à un vague tas de charbon étaient de nouveau comme neufs. Ils semblaient même se porter mieux qu'avant l'attaque. Pas la moindre tache de sang sur le sol non plus, et tout cadavre de serpent mystique n'était plus qu'un souvenir. Faisant comme si elle n'avait rien remarqué d'inhabituel, elle fila quérir son repas ; elle tira du placard une pomme verte et un paquet de crackers au piment écrasés. Mar lui annonça qu'elle avait écrit une lettre au proviseur de son lycée. La lettre ne précisait bien sûr pas que son auteure n'avait que deux ans de plus que sa petite sœur. Le proviseur, comme tous les professeurs, ne savait rien de leur condition assez délicate d'orphelines vivant par elles-mêmes. Légalement, elles n'avaient après tout pas le droit de vivre dans cette maison abandonnée, mais Mar avait su fausser les données pour se faire passer pour majeure.

DRAGOMIR 🍀 PART1Donde viven las historias. Descúbrelo ahora