Finalement, cela couta plus à Irina que ce qu'elle avait anticipé d'échouer dans ses cours.
Déjà, il lui fallait agir avec doigté et subtilité, rendre copie blanche lui assurerait des notes désastreuses, mais aussi un rendez-vous avec son père et ses professeurs. Il lui fallait savamment doser entre les erreurs et son attitude pour faire décroitre petit à petit ses résultats sans éveiller dramatiquement les consciences du corps enseignant ; car pour eux, une chute brutale des notes indiquait indubitablement des problèmes personnels.
Cette entreprise était beaucoup plus ardue que présagée, pour les devoirs maison il était facile et même reposant de n'effectuer le travail qu'à moitié, cela lui laissait plus de temps pour angoisser sur son avenir incertain et à la situation politique désastreuse de son pays...
Le problème était les cours en eux-mêmes et l'étonnement voire la déception des professeurs quand ils lui rendaient ses copies.
Irina pensait depuis bien longtemps être passé outre cette recherche d'appréciation, mais elle devait se rendre à l'évidence qu'elle détestait désappointer ses professeurs et percevait leurs visages fermés comme des preuves de trahison. Comme si par son manque de travail et ses réponses approximatives, elle piétinait allègrement leurs enseignements.
A cela elle avait dû ajouter la sollicitude angoissée du professeur Flitwich qui dans sa gentillesse habituelle avait voulu engager le dialogue, mais s'était retrouvée face à un mur. La professeure d'arithmancie avait gratifié sa dernière copie d'un commentaire consterné « Relâchement, que se passe-t-il ? ». Qu'en a lui, le professeur Slughorn qui ne la connaissait pas n'avait rien eu à dire ; peut-être n'avait-il même pas remarqué cette baisse de note chez sa discrète élève.
Seule McGonagall avait émis un fort mécontentement, bien que dans la confidence, dans la stratégie d'Irina ; la vieille sorcière n'appréciait pas ce manque d'effort et lui avait lâché une remarque : « Il est hors de question que vous lésiniez sur les exercices pratiques, vous en aurez besoin pour nos leçons. ». Et le professeur de métamorphose avait raison, Irina avait besoin plus que jamais de pratiquer, car le niveau en cours du soir était monté d'un cran.
Elles avaient mis de côté la théorie et entamé pas à pas la métamorphose sur soi-même. Contrairement à la pratique sur autrui ou les objets, lorsqu'on pratiquait sur soi, on ne pouvait se fier à la vue, mais qu'à la sensation. Et Irina manquait définitivement de mesure en la matière.
Bien sûr les cours du soir n'avaient pas le niveau ni la prétention de rivaliser avec les cours de métamorphose avancée qui pouvait être utilisée pour le camouflage ou la filature ; ici, elle se concentrait plus sur la connaissance de soit et des animaux pour se rapprocher au plus de l'étape finale.
Car Irina n'avait pas oublié son rêve fou de devenir Animagus.
Sinon, Irina passait du temps avec Drago à essayer de lui remonter le moral.
Ce dernier semblait encore plus profondément que les dernières vacances, enlisé dans une spirale infernale ; entre insomnie et nervosité.
Au début la jeune Lestrange trainait avec son cousin pour montrer patte blanche et ne pas risquer que son comportement jugé comme défaillant puisse être rapporté à sa famille, mais, en étant au plus proche de Drago, elle ne pouvait qu'être spectatrice de sa lente décrépitude ; elle voulait l'aider.
Elle voulait le décharger, lui rendre son sourire insolent et ses passe-temps qu'elle avait toujours jugé puérils et ridicules ; car désormais Drago ne semblait plus s'amuser de rien.
Comme s'il avait perdu goût à Poudlard, à ses amitiés et au quotidien rythmé de rire dans l'enceinte du château ; il avait constamment le regard figé dans le vide dès qu'on, cessait de lui parler.
Et elle ne savait pas pourquoi. Elle avait bien des pistes de réflexion, l'incarcération de Lucius, l'œil inquisiteur du ministère sur sa famille et la présence du tyran au plus proche de sa mère ne devait pas lui apporter une quelconque tranquillité, mais rien de plus spécifique pouvant expliquer l'agitation et la paranoïa du jeune homme.
Comme s'il était poursuivi, chasser même ; il se retournait sans cesse sur ses gardes.
Un jour alors qu'ils étaient seuls, Drago lui avait même avoué se penser suivi par un elfe de maison.
Face à l'absurde révélation, Irina avait ri.
Mais le jeune homme avait ajouté « Je suis persuadé que c'est notre ancien elfe de maison du manoir, Dobby ; mon père l'a renvoyé il y a des années ».
« Tu as juste besoin de te reposer » avait répondu Irina confiante en passant un bras réconfortant autour des épaules de son cousin sans se rendre compte de la présence d'un elfe caché derrière une statue.
Dobby filait bien Drago Malefoy.
La visite à Préaulard marquait un souffle de répit dans les révisions des étudiants de cinquième année.
Alors que le beau temps commençait à adoucir l'air et à faire fleurir les premiers bourgeons, les étudiants voulaient se détendre loin des murs de Poudlard et profiter quelques heures durant de la liberté encadrée des boutiques du centre-ville.
Irina, accompagné de Draco et des autres Serpentard, se baladait entre les avenues animées et baignées d'un timide, mais réconfortant soleil.
Drapé de sa cape, Irina se protégeait le cou tandis qu'elle fermait les yeux pour profiter de l'éclatante lueur se réverbérant sur les pavés blancs. La température n'était pas encore montée en flèche à l'approche du printemps, mais le fond de l'air se faisait plus doux et on avait délaissé les écharpes et gants. Bientôt ils pourraient tous se prélasser sur les pelouses baignées de soleil de Poudlard ; enfin tous à l'exception des étudiants avec une échéance académique primordiale en fin d'années.
Irina se rappela à l'ordre, penser aux examens et à ses notes désormais en chutes libres lui procurait toujours une angoisse immense. On ne pouvait échanger 5 années d'excellences scolaires par une médiocrité au mieux passable sans ressentir une nostalgie ; elle savait ses raisons bien plus importantes que les compliments des professeurs et le respect de ses camarades, mais avec tristesse elle devait accepter ne plus pouvoir être défini par ses notes.
Autour d'elle Drago semblait plus morose que jamais dans cette ambiance détendue, sans son uniforme scolaire, ses vêtements impeccables ne faisaient que ressortir sa maigreur et l'aspect émacié préoccupant de ses joues.
Mais au moins il était venu prendre l'air. En effet depuis le début de l'année le jeune Malefoy rivalisait avec Hermione Granger en termes d'heure passée à la bibliothèque ; pour faire court Drago ne trainait plus dans les couloirs ou avec ses amis, mais entouré de livre ou bien restait introuvable.
Alors le voir en compagnie d'autres jeunes de son âge dans le petit village de Préaulard alors que le soleil d'hiver pointait à l'horizon était de bon augure concernant pour l'état mental du jeune homme. Lorsqu'il lui avait proposé de les accompagnés, Irina n'avait pas hésité longtemps, ses camarades de Serdaigle préférant profiter du week-end pour s'avancer sur leurs devoirs et rester bien en sécurité dans l'enceinte du château.
Si Irina avait d'abord pensé à décliner l'invitation, cela était dû a la présence de Gregory Goyle à qui elle en voulait toujours et qu'elle battait désormais à froid depuis l'année dernière. Mais au moins, il semblait avoir compris que lui parler ne lui apporterait que le silence et le mépris alors il se tenait à l'écart et avait presque arrêté ses regards de chien battu.
Malheureusement pour Irina, Drago disparut moins d'une heure après que le groupe fut arrivé à Préaulard. Alors que les jeunes étaient tous attablés au sein des 3 balais, le jeune Malefoy s'était absenté pour ne jamais revenir.
Aucune trace de lui dans les toilettes pour hommes et au comptoir, la serveuse leur attesta qu'il avait réglé sa consommation avant de passer le pas de la porte.
Mécontente de ne pas avoir été prévenue du départ de Drago, Irina était bougonne.
Pansy, Gregory, Vincent et Zacharias n'étaient pas ses amis à elle, au mieux elle pouvait les considérer comme connaissance vu le peu d'information qu'elle possédait sur eux. C'est dans un silence gêné et entrecoupé de banalité que le groupe hétéroclite se baladait dans Préaulard à la recherche d'activités et surtout de Drago.
Mais ils eurent beau déambuler dans tout le petit bourg, aucune trace du blondinet, de quoi désespérer Pansy, elle qui semblait vouloir passer du temps dans une ambiance décontractée en dehors des murs de Poudlard avec le jeune homme.
Alors qu'ils se dirigeaient tous vers Zonko pour une dernière visite avant de retourner au château, Irina remarqua le trio de Gryffondors : Hermione, Ron et Harry.
Consciente de ne pas pouvoir les interpeller ni leur adresser quelques salutations avec pour spectateurs les enfants mêmes des mangemorts dont elle voulait se faire disparaitre ; Irina ne tenta pas un geste pour les rattraper.
Mais étrangement, ce fut Harry qui par l'intermédiaire de Hermione la remarqua et s'avança à pas vifs vers le groupe de Serpentard.
En quelques pas, il avala la distance entre eux, le poing profondément enfoncé dans sa poche et autour de ce qu'Irina présumait être sa baguette.
« Tu n'es pas le bienvenu Potter ! » cracha Goyle au jeune homme qui ne recula pas malgré la stature intimidante du garçon.
Finalement, Harry ignora Gregory et Vincent, pour se tourner vers Irina.
- On peut se parler rapidement ?
Harry n'avait pas essayé de lui reparler après que cette dernière lui ait demandé de faire profil bas dans le Poudlard express à la rentrée, venir l'interrompre alors qu'elle était entourée des personnes les plus susceptibles de cafarder ne pouvait signifier qu'une chose ; il y avait urgence.
Ainsi, Irina opina sans grand entrain à suivre le garçon à l'écart. Derrière elle, elle entendit clairement Zacharias ricaner qu'elle allait se complaire dans des actes licencieux à l'abri du regard de son cousin.
Pour répondre simplement, elle décocha un doigt d'honneur sans même se retourner, ce qui provoqua l'hilarité chez Crabbe qui put rabrouer son ami.
- J'aurais préféré que tu viennes me parler à Poudlard et pas entouré de ceux-là... commença Irina.
- Je suis désolé, mais je dois savoir vite. Sur le testament de Sirius, tu as bien obtenu le manoir Black et donc Kreattur, l'elfe de maison ?
Ne voyant pas l'intérêt de ces questions ni l'urgence, interdite, elle demanda.
- Pourquoi tu veux savoir ça ?
- Je ne peux pas te dire, juste répond moi, où est-il ? Il est toujours au square Grimmaurd ?
- Non, je l'ai libéré ; je n'aimais pas avoir un elfe en ma possession.
Elle appuya sur le mot possession, car cette servitude la gênait, la dégoutait.
Avoir un elfe de maison comme esclave était beaucoup trop similaire à la vie de misère de son elfe tutrice, Miss Couples et surtout à la fin violente et sans reconnaissance.
- Où est-il ?
- Je ne sais pas ! Bellatrix m'a dit qu'elle aimait cet elfe lorsqu' elle était enfant et Kreattur était très heureux de retourner avec elle !
Les yeux de Harry s'ouvrirent en grand et un air horrifié se peignit sur son visage.
- Tu ne te rends pas compte de ce que tu as fait !
Outrée, Irina arqua les sourcils.
Au loin, Gregory Goyle semblait tendu, prêt à intervenir.
- Si tu restes cachotier comme ça, mon ignorance ne risque pas de changer.
Irina essaya de se radoucir. Harry avait toujours été gentil avec elle ; bien que maladroit, le jeune homme n'avait pas la volonté de blesser avec ses mots.
- Je peux t'assurer que c'était la volonté de Kreattur et je pense qu'il est bien mieux avec ma tante que seul dans cette grande baraque froide... Je crois que ça l'a rendu un peu fou d'y être seul pendant des années.
Mais cela ne rassura pas Harry, il semblait bouillir, dans un état de transition indescriptible, à désespérément se retenir.
- Et tu as pensé que c'était une bonne idée de laisser l'elfe de maison de l'ordre du phénix entre les mains des mangemorts et plus particulièrement du bras droit de Voldemort ?
À la prononciation du nom du tyran, Irina ressentit une vive angoisse, comme si l'évocation de son nom ferait apparaitre la silhouette à ses côtés. À cela, une froide réflexion l'imprégna.
Elle n'avait jamais pensé à cette éventualité, jamais la décision de libérer aux soins de sa tante Kreattur ne lui avait paru importante. Pas un seul instant la dimension soulevée par Harry Potter ne lui avait ne serait-ce qu'effleuré l'esprit.
Alors, sentant la colère de Harry, elle tenta de se justifier.
- Je... C'est Kreattur, il pleurait, il voulait aller avec elle et pour la première fois ; Bellatrix semblait vraiment émue, humaine...
- Cette femme n'a rien d'humain ! C'est une folle à lier ! Qui torture et assassine pour le compte d'un tyran mégalomane et tu viens de leur donner une mine d'or d'informations ! Tu viens de jeter des gens, des honnêtes gens dans les griffes de tes amis mangemorts !
À ces mots, crachés avec hargne par Harry ; Irina recula, choquée.
- De mes amis mangemorts ?! Son ton était outré et on y sentait la colère poindre à son tour.
Que Harry se permette ce genre de méchanceté, lui qui l'avait protégé contre ces mêmes insultes lors de l'AD la bouleversa.
- Tu n'es pas la dernière à trainer avec Drago ! Continua-t-il, assénant avec autant de fiel que précédemment.
- Mais Drago n'est pas un mangemort ! Et même s'il l'était tu n'as aucun droit de me dire des choses pareilles ! je ne savais pas pour Kreattur ! J'ai fait au mieux dans une situation que tu ne peux même pas imaginer !
Face à l'injustice de ces propos, Irina sentit sa voix se briser entre indignation et déception.
Harry semblait un peu plus calme, mais un voile impassible couvrait ses expressions.
- Non, je ne peux pas imaginer. Mais ce que je peux imaginer c'est le danger qu'encourent les opposants, mes amis... Je peux imaginer les tortures, les meurtres.
Alerté par les cris d'Irina, Goyle passait une tête inquisitrice au fond de l'allée, mais déjà Harry faisait volte-face. Il s'éloigna rapidement, au loin, Irina remarqua Hermione et Ron.
Irina était rouge de colère et de honte. Au fond de son ventre, l'angoisse montait, la sueur perlait sur son front.
Non, elle n'avait pas un seul instant pensé à cela.
Qu'avait-elle fait ?