Lettre à mon enfant

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« Ma fille, mon fils,

J'ai du mal à t'imaginer.

Malgré les 15 ans qui séparent maintenant le ventre rond d'Hélène et aujourd'hui, je ne peux que t'imaginer en bébé joufflue. Tout au plus j'ai une image d'un bambin d'un peu plus d'un, l'âge d'Harry lorsque James et Lily sont morts et que j'ai été emprisonné.

Je n'ai pas côtoyé beaucoup de bébé ou d'enfants en bas âge dans ma vie. Regulus et moi n'avons que 2 ans d'écart. Je t'imagine avec les yeux noisette d'Hélène et son sourire lorsque tu grandiras.

Je te souhaite de ne rien avoir de moi ou de ma famille, je te souhaite d'être le mélange harmonieux de notre amour, autant Black que Carrow, mais surtout ; ni l'un ni l'autre.

Hélène et moi avons tourné le dos à nos familles, à nos traditions désuètes et dangereuses pour enfin vivre. Il n'y a pas de honte à remettre en cause les principes établis, ils ne sont pas forcément bons ni justes. Je te souhaite de vivre pleinement, comme j'ai vécu, de rencontrer des personnes formidables qui sauront te faire grandir et devenir une meilleure personne.

J'espère que tu auras le courage insolent des Lions, l'émerveillement de ceux qui découvrent tous les matins sous un jour nouveau, l'amour brulant de ceux qui ont une confiance sans limites dans le genre humain. Je te souhaite les étoiles et tout le bien que ce monde à offrir. Je te souhaite d'échouer pour mieux te relever et de toujours trouver une main tendue pour te hisser sur tes pieds, je te souhaite de courir, aussi loin que dure le jour et de partir pour découvrir ce que le monde a à t'offrir.

Mais même là ce serait trop peu tellement j'aurai voulu te faire cadeau de tout.

J'aurais tant désiré être là, à te voir grandir, t'épanouir ; simplement respirer. J'ai tellement prié pour être à vos côtés que j'en suis devenu fou, de chagrin, d'espoir, de regrets.

Je regrette cette vie derrière les barreaux qui m'a privé de tout ce dont je pouvais te faire don, je n'ai pas la prétention de me croire indispensable à ta vie, ta mère est bien assez pour t'élever dans l'amour et la stabilité qu'elle non plus n'a pas connus. Cela me rassure tellement qu'elle soit celle qui te porte, que tu dois bien protéger au creux de son être, au chaud derrière son cœur et sa gentillesse. S'il avait fallu un seul de nous pour être là pour toi, c'est elle qu'il aurait fallu choisir.

Mais voilà, je suis un homme vieux et aigri ; perclus de douleurs et empli de regrets.

Je ressasse mes désirs de tout recommencer et de pouvoir te tenir, poupon adorable au creux de mes mains qui n'auraient pas causé tant de souffrance, je désire si ardemment t'embrasser tes joues chaudes et de voir tes yeux voilés qu'ont tous les nouveau-nés s'ouvrir pour me regarder.

Mais je le sais, mon tour est passé.

Tu n'es plus un bébé, pas même un enfant.

Je ne pourrais me prétendre être ton père, moi qui ne t'ai jamais réconforté quand un cauchemar t'a cueilli dans le ventre de la nuit ; ou qui n'ai pas assisté débordant d'un amour niais à tes premiers mots mal articulés. Au fur et à mesure de mes vaines recherches je suis arrivé à la conclusion que vous n'êtes jamais arrivés en France. Je n'ai trouvé aucune trace d'Hélène, aucune trace de toi.

Cependant je ne peux me résoudre à cette fatalité, je ne veux pas abandonner.

Car si j'accepte que vous soyez morts, j'accepte de mourir aussi. Pendant toutes ces années, dévoré par les détraqueurs, seul le fantasme de ce foyer chaleureux m'a fait tenir, et pour ma santé mentale je ne peux me résoudre.

C'est une recherche exténuante, mais qui est plus douce que le déchirement de savoir que je suis seul sur cette terre à penser à vous. Si je meurs, le visage si doux d'Hélène et le corps flou et chaud de mon enfant disparaitront avec moi.

Sirius

01/02/1996

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