La dépression

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Le manoir était souvent vide. La présence de Rodolphus, Rabastan ou Bellatrix ne venaient que rarement perturber le silence assourdissant.

Dans le hall, les couloirs, le glas sinistre de l'horloge égrenait les heures, s'harmonisant avec les battements du cœur d'Irina.

La jeune fille se surprit à progressivement sombrer dans une léthargie embrumée dont même les heures, les journées à comater dans son lit ne pouvaient l'en faire sortir.

Engoncé sous sa couette, écrasée par ses draps ; elle n'avait même plus la force d'extirper un bras de sa prison matelassé pour saisir un livre. D'ailleurs elle lisait peu et passait ses heures éveillées à scruter le plafond sans n'en trouver aucun réconfort ; mais c'était la seule dont elle se sentait capable, rester inerte et entrecouper ses heures d'éveils par des heures au sommeil moite et agité.

Même parmi les songes, cette angoisse viscérale, cette déprime dévorante ne la quittait plus.

On ne pouvait pas dire qu'elle débordait habituellement de joie, elle se décrirait d'ailleurs plutôt comme quelqu'un d'assez apathique, en décalage avec les autres et leurs émotions si facilement expansives. Elle dénotait chez elle une tendance certaine pour la mélancolie, trait qu'elle n'avait pas observé chez ses amies ; dans leurs manières de vouloir avancer, grandir, murir et découvrir le monde ; tandis qu'elle se retrouvait retenue en arrière par des rêveries tristement ineptes.

Cependant jamais son caractère ne l'avait empêché de se lever, jamais le poids dans son estomac ne s'était fait si englobant, si pesant dans chaque fibre de son corps.

Voulant se prouver qu'elle était toujours capable de se mouvoir, Irina passa un bras mollement en dehors de son matelas défoncé et, incapable d'aller plus loin, le laissa pendouiller lamentablement ; comme arrêté au milieu de son mouvement par une fatigue incommensurable.



En réalité c'était cet avenir bouché de toute perspective, ce mur infini qui l'empêchait de se projeter ou d'avancer dans une quelconque direction. Bien qu'elle sache que ce n'était pas en restant inerte, affalé sous une mer d'édredon que sa situation allait s'arranger ; elle ne pouvait bouger.

Si elle essayait et qu'elle y mettait toute son attention, toute sa force, toute la volonté ; elle pouvait solliciter ses muscles, mais presque instantanément les pensées parasites reprenaient le dessus, accompagné de cette fatigue débilitante que même le sommeil continuel ne pouvait guérir.

« A quoi bon » se disait-elle. « Rien ne changera jamais, rien ne sert d'essayer »

Elle avait des flashs d'une rare violence, elle se voyait morte, percluse de lames, noyée sous une mer noire de reproches et d'amertumes. Elle sentirait presque la lame oblongue d'un couteau glisser sur sa peau et répandre sous sang vermeil pour l'envelopper.

Ce n'étaient que de ridicules suppliques totalement fantasque et dénuée de réalités, mourir ne se fera pas sans douleur, mais dans ce calme coupable de ceux qui abandonne.

Elle ne voulait pas se suicider, loin de là, peut-être était-ce par peur puérile de la douleur, en tout cas ce n'était pas par attente optimiste de voir son futur s'éclaircir, elle n'y croyait plus.

Elle s'en voulait, si elle avait mieux réfléchi, mieux évalué ses possibilités, ses opportunités alors qu'elle aurait peut-être eu le temps de s'enfuir.

Peut-être aurait-elle eu le temps de se réfugier sous le giron du directeur avant qu'il ne passe l'arme à gauche. Mais elle savait bien ces divagations totalement anachroniques ; qu'il était facile de se construire une conscience à grand renfort de conditionnel et en omettant toutes ses réticences passées.

EndolorisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant